31 décembre 2016
23 décembre 2016
Voyage au New Morning
Le 30 novembre 2016,
il y a la foule au New Morning pour le concert d’Harold López-Nussa. C’est à
l’occasion de la sortie de El Viaje
chez Mack Avenue que le pianiste se produit rue des Petites Ecuries, avec le
bassiste Alune Wade et son frère, Ruy Adrián López-Nussa, à la batterie.
Pour le disque, le trio joue également avec le trompettiste Mayquel González et quelques invités :
les percussionnistes Dreiser Durruthy
et Adel González, ainsi que le
batteur Ruy Francisco López-Nussa
(père d’Harold et de Ruy Adrián…). Lors de la soirée, le trio reprend des
titres d’El Viaje, des morceaux plus
anciens et ajoute des morceaux traditionnels sud-américains.
Les rythmes sont évidemment au centre de la musique de López-Nussa :
polyrythmie explosive et foisonnante de la batterie ou du cajón, lignes
slappées et shuffle de la basse, accords latinos et ostinatos puissants du piano.
Typiquement dans la lignée de l’école cubaine, López-Nussa mêle la virtuosité du
classique à la danse, avec un lyrisme à fleur de doigts (« Lobo‘s Cha »).
Si la rumba et autres salsas sont omniprésentes, le pianiste fait également
référence à l’Afrique – Wade n’y est pas pour rien… –, au blues (« Me voy
Pa’Cuba »), à la folk (« Oriente ») et, bien entendu, au jazz (« Vamos
aqui », signé Tata Güines). Les
facilités techniques, l’aisance rythmique, le sens mélodique et la joie de
jouer de López-Nussa ne sont pas sans rappeler la démarche d’un Monty Alexander. Wade nage comme un
poisson dans l’eau dans cet environnement : des lignes de basse élégantes
(« Vamos aqui »), des riffs entraînants, du slap robuste (« El Carretero
») et des solos particulièrement mélodieux (« Paseo »), sans oublier sa
voix haut perchée, un peu comme une voix de tête, agile, touchante et qui
navigue d’une mélopée africaine à un danzón (« Tres lindas cubanas »).
Quant à Ruy Adrián, il en met partout, sans jamais se départir d’une musicalité
démonstrative, et maintient une pulsation entraînante. Ses interactions avec
son frère et Wade révèlent une grande connivence.
Même si les invités étoffent la palette sonore du disque, l’enregistrement
et le concert sont proches – équilibre et lisibilité des voix. En revanche,
voir sur le vif l’enthousiasme et la complicité évidente des deux frères est un
spectacle que la galette ne peut pas procurer, notamment pendant « Los Muñecos »,
un morceau savoureux d’Ignacio Cervantes joué à quatre mains par les deux frères, ou encore pendant le duo piano – cajón, « Cimaron ». Musique latine oblige, le public est sans doute plus
éclectique que celui des concerts de jazz habituels, avec, entre autres, quelques
danseurs invétérés qui investissent le fond du New Morning…
López-Nussa fait preuve d’un plaisir de jouer et
d’une bonne humeur musicale contagieux. Sa musique est un concentré de
simplicité virtuose…
Le disque
El viaje
Harold López-Nussa
Harold López-Nussa (p), Alune Wade (b) et Ruy Adrián López-Nussa (d), avec Mayquel González (tp), Dreiser Durruthy (perc), Adel González (perc) et Ruy Francisco López-Nussa (d).
Mack Avenue - MAC1114
Sortie le 23 septembre 2016
Liste des morceaux
01. « Me voy pa'Cuba », Aldo López-Gavilán (5:35).
02. « Africa » (5:07).
03. « Feria », Harold López-Nusa, Ruy Adrián López-Nussa & Thelonious Monk (3:55).
04. « Lobo's Cha », Ernán López-Nussa (5:25).
05. « Bacalao con pan », Chucho Valdés (3:39).
06. « El viaje » (5:13).
07. « Mozambique en Mi B », Miguel Nuñez (3:51).
08. « D'una fábula » (6:20).
09. « Inspiración en Connecticut » (6:05).
10. « Oriente » (5:36).
11. « Improv (Me Voy Pa'Cuba) », Aldo López-Gavilán (3:22).
Tous les morceaux sont signés López-Nussa, sauf indication contraire.
14 décembre 2016
Regards de Breizh – Ensemble Nautilis
En 2011 Christophe Rocher crée l’ensemble Nautilis pour monter des projets musicaux avec des
musiciens basés en Bretagne. Après huit créations, des centaines de concerts,
quatre disques, des formations à géométrie variable (du duo au big band), des
échanges avec les Etats-Unis, des rencontres hebdomadaires au Beaj Kafé à
Brest… l’ensemble Nautilis s’est imposé comme l’un des acteurs clés du jazz et
des musiques improvisées de l’ouest.
Guy Le Querrec et
Rocher se sont rencontrés lors d’une répétition. Le photographe propose au
musicien de créer un spectacle de photo-concert autour de photographies de
Bretagne que Le Querrec a prises dans les années soixante-dix. En 2014 le
projet Regards de Breizh voit le
jour, suivi d’un disque accompagné d’un livret de photos, qui sort chez Innacor
en septembre 2016.
Pour illustrer les clichés de Le Querrec, Rocher a rassemblé
un octet avec Nicolas Peoc’h au
saxophone alto, Philippe Champion au
bugle, Céline Rivoal à l’accordéon, Vincent Raude aux effets électroniques,
Christofer Bjurström au piano, Frédéric B. Briet à la contrebasse et Nicolas Pointard à la batterie. Il
invite aussi le violoniste Jacky Molard
– également à la direction artistique d’Innacor – et la contrebassiste Hélène Labarrière.
Les douze morceaux de Regards
de Breizh ont été composés par Rocher ou des musiciens de l’ensemble Nautilis.
Bien entendu les titres évoquent la Bretagne des photos de Le Querrec :
« La fille de l’Arcouest » pour les beaux yeux de la demoiselle de la
navette, qui relie la pointe et l’île de Bréhat ; « La marée était en
noir », clin d’œil à François
Truffaut, mais aussi souvenir du naufrage de l’Amoco Cadiz, en 1978 ;
« Marché aux bêtes » pour le marché au cadran des bovins à
Guerlesquin… Il y a aussi « La grande boutique », hommage au studio
éponyme de Langonnet où Regards de Breizh
a été enregistré, « Diskan » qui fait référence au Kan ha diskan, ces
chants à danser bretons traditionnels… Les photos reproduites dans le livret
s’inscrivent dans la grande lignée du photojournalisme de Magnum : les
faits sont là, réalistes, mis en perspective dans un cadrage plutôt ouvert,
avec, souvent, ce détail décalé plein de recul (ou d’humour) qui donne à
l’image toute son originalité.
Dès « La fille de l’Arcouest » le ton est
donné : la musique foisonne, le jeu collectif prime sur les éclats
individuels, les mélodies s’appuient sur des tourneries aux accents
folkloriques et les dialogues s’enflamment rapidement ! Si l’esprit des
fanfares – free – plane constamment au-dessus de Nautilis (« Les hommes
forts »), l’octet propose un melting pot musical : envolées Nouvelle
Orléans (« La marée était en noir »), ambiance rock (« Marché
aux bêtes »), boléro élégant (« Vacances »), boucles électro (« Les
gestes »), impressionnisme du XXe (« La grande boutique »),
running bass presque mainstream (« Les hommes forts »), touches
klezmer (« Marché aux bêtes ») et, toujours, une oreille vers le
folklore (« Carnets de noces »). Nautilis renforce son expressivité
par une utilisation fréquentes et variées des techniques étendues (« Plongée »)
: souffles, cris, touches, tremblements, stridences… Les échanges fusent (« Diskan »),
les voix alternent unissons (« Que sont-ils devenus ? ») et
contre-chants (« Les hommes forts »), l’accordéon apporte une touche
mélancolique (« Carnets de noces ») et la rythmique est dense (« Marché
aux bêtes »).
En mêlant tradition et modernité, ritournelles et free, l’ensemble
Nautilis adopte une démarche assez proche de celle de l’AACM, avec une touche
européenne, marquée par la musique classique du XXe et le folklore breton. Regards de Breizh est un disque touffu,
éclectique et pétillant !
Le disque
Regards de Breizh
Ensemble Nautilis
Christophe Rocher (cl), Nicolas Peoc’h (as), Philippe
Champion (bg), Céline Rivoal (ac), Vincent Raude (electro), Christofer
Bjurström (p), Frédéric B. Briet (b) et Nicolas Pointard (d), avec Jacky Molard
(vl) et Hélène Labarrière (b).
Innacor – INNA11612
Sortie le 23 septembre 2016
Liste des morceaux
01. « La
fille de l’Arcouest » (4:16).
02. « Les
hommes forts » (3:01).
03. « Plongée
», Bjurström et Raude (2:11).
04. « Carnets
de noces » (12:27).
05. « La
marée était en noir » (9:00).
06. « La
grande boutique », Molard, Labarrière, Rocher et Briet (4:16).
07. « Les
gestes » (4:16).
08. « Vacances »
(4:16).
09. « Les
cheveux dans le vent », Rivoal, Briet et Pointard (4:16).
10. « Marché
aux bêtes » (4:16).
11. « Diskan »,
Champion et Peoc’h (4:16).
12. « Que
sont-ils devenus ? » (4:16).
Toutes les compositions sont signées Rocher sauf indication
contraire.
11 décembre 2016
Urbex au Centre Wallonie-Bruxelles
Le 23 novembre, dans
le cadre du festival #Be.Jazz, le Centre Wallonie-Bruxelles présente l’octet
d’Antoine Pierre. C’est également l’occasion de fêter la sortie d’Urbex en France, chez Igloo Records.
Jeune batteur, Pierre est passé par le Conservatoire Royal
de Bruxelles et la New School for Jazz and Contemporary Music de New York. Il
accompagne notamment Philip Catherine
et fait partie, entre autres, des groupe TaxiWars et LG Collective. En 2015,
Pierre monte un projet avec Jean-Paul
Estiévenart à la trompette, Toine
Thys aux saxophones ténor, soprano et à la clarinette basse, Steven Delannoye au saxophone ténor, Bert Cools à la guitare, Bram De Looze au piano, Félix Zurstrassen à la basse et Frédéric Malempré aux percussions. A
l’occasion du concert, l’octet est au grand complet, sauf Thys, remplacé par Tom Bourgeois aux saxophones ténor et
soprano et à la clarinette basse.
Pierre aime errer dans les villes – Bruxelles, New York – et
s’aventurer dans les bâtiments en décrépitude, une sorte d’exploration urbaine.
D’Urban Exploration à Urbex, il n’y a
qu’une contraction… D’ailleurs joliment illustrée sur la pochette du disque par
un montage graphique autour d’un U minéral et urbain. Pierre a écrit tous les
morceaux d’Urbex. Le disque est dédié à André Pierre, grand-père du batteur, tandis que « Coffin For A
Sequoia » est un hommage à George
Basquiat et que « Les douze marionnettes » a été composé pour le
comédien, chansonnier et marionnettiste Fancis
Houtteman.
Le concert reprend cinq morceaux d’Urbex et quatre inédits. Pierre introduit la soirée par un solo de
batterie d’une belle musicalité, et c’est Cools qui expose la jolie « Litany
For An Orange ». Son développement aérien et la sonorité de sa demi-caisse
rappellent le jeu de Kurt Rosenwinckel
(d’ailleurs davantage en concert que sur disque). Zurstrassen joue une ligne de
basse calme et De Looze reste minimaliste, tandis que Pierre en met partout et
que les soufflants assurent les chœurs. La sonorité nette d’Estiévenart sert un
discours particulièrement limpide et son solo est tendu à souhait. « Coffin
For A Sequoia » est encore un beau thème, point de départ d’un dialogue élégant
entre le soprano et la trompette, arbitré par le saxophone ténor et soutenu par
les accords heurtés du piano et de la guitare, sur une ligne de basse qui
gronde et une batterie et des percussions qui foisonnent. Pierre, Malempré et
Zurstrassen installent ensuite un funk vif et dansant, qui lance « Metropolitan
Adventure », un morceau citadin s’il en est : il grouille, pullule et
s’emballe, avec quelques accalmies temporaires – un De Looze très Debussyste. « Les
douze marionnettes » commencent dans un esprit de musique contemporaine :
la guitare vibre, les percussions émettent des bruits stridents, les soufflants
jouent sur leur vibrato… Une atmosphère de science-fiction plane sur le CWB. Puis
un rythme entraînant s’installe progressivement et, après un détour par le
Moyen Orient, la clarinette basse provoque le piano en duel… « Close
Enough » porte peut-être mieux son titre initial : « Techno 1.3 ».
Le solo de Pierre, entre grosse caisse et rim shot, laisse place à un ostinato
et un climat saccadé qui permet à la trompette de s’envoyer en l’air ! Tout
Urbex met du sien pour qu’ « Entropy » et « Spin » soient
puissants et touffus avec, comme souvent, une rythmique qui pulse à fond !
L’un des inédits, « Tomorrow », a des côtés cinématographiques :
unclimat dense et compact, accentué par les effets d’orgue de la guitare. La
trompette se montre toujours aussi inspirée et rebondit sur les contre-chants
des soufflants. Après « Who Planted This Tree? », exposé par la
guitare, la basse se lance dans un solo particulièrement chantant, suivi d’un
duo savoureux avec la batterie, sans oublier les interventions free des
soufflants. Quant à Malempré, il s’en donne ensuite à cœur joie : des
congas aux gongs, en jonglant d’un ustensile à l’autre (y compris un bol d’eau…),
il donne une véritable « master class » de percussions…
Par rapport au concert, le disque ne rend évidemment pas l’énergie
déployée par l’octet, mais l’équilibre et la précision de l’enregistrement permet
une meilleure écoute des voix, notamment celle du piano, un peu étouffée au
CWB.
Il n’y a aucun doute : Pierre s’est forgé un style tout
à fait personnel ; mélodieuse, exubérante, nerveuse, entraînante… la
musique d’Urbex réussit le tour de force d’être réellement originale.
Urbex
Antoine Pierre
Jean-Paul Estiévenart (tp), Toine Thys (ts, ss, bcl), Steven
Delannoye (ts), Bert Cools (g), Bram De Looze (p), Félix Zurstrassen (b), Frédéric
Malempré (perc) et Antoine Pierre (d)
Igloo – IGL268
Sortie en janvier 2016
01. « Coffin
for a Sequoia (to Basquiat) » (6:53).
02. « Litany
For An Orange Tree » (7:04).
03. « Who
Planted This Tree? » (4:48).
04. « Les
Douze Marionnettes » (6:54).
05. « Urbex
» (12:10).
06. «
Metropolitan Adventure » (5:41).
07. « Walking
On A Vibrant Soil » (5:25).
08. « Wandering
#1 » (0:39).
09. « Metropolitan
Adventure (reprise) » (2:06).
10. «
Moon's Melancholia » (2:57).
11. « Ode To My Moon »
(13:30).
Toutes les compositions sont signées Pierre.
10 décembre 2016
A la découverte de Nicolas Folmer
Du CNSMDP à
Horny Tonky, le parcours musical de Nicolas Folmer passe par la musique latine,
NoJazz, l’ONJ, le Paris Jazz Big Band, Dee Dee Bridgewater et beaucoup d’autres
choses à découvrir…
La
musique
A
la maison, mes parents écoutaient beaucoup de musiques et m’emmenaient aux
concerts. A onze ans j’ai commencé à jouer dans un big band. Mes camarades avaient
sept ou huit ans de plus que moi : j’étais un peu comme leur petit frère.
Cette situation m’a d’autant plus stimulé que je n’ai pas de grand frère. C’est
dans cet orchestre que j’ai appris à m’exprimer et à aimer comprendre ce qui se
passe. J’y ai aussi noué des amitiés qui durent encore. Le chef de l’orchestre,
tout comme mon premier professeur de trompette, sont des personnes géniales et
ouvertes. Leur rapport à la vie swingue… Et ça, j’ai tout de suite adoré !
La
trompette est venue naturellement. Peut-être grâce au Festival International de
Musiques Militaires d’Albertville ! Je crois que ce qui m’a plu dans la
trompette, c’est le côté à la fois brillant et parfois très intime… Sa palette
d’expressions est très large.
Mon
apprentissage musical c’est un tiers de conservatoire, un tiers autodidacte, un
tiers de rencontres et un tiers de chance – « ça dépend de la grosseur des
tiers », comme dirait Marcel Pagnol !...
Le tout avec une bonne dose de travail, bien sûr ! Il n’y a pas de secret
et pas (encore) de formule magique. Je me suis installé à Paris car c’est une ville cosmopolite. En arrivant,
j’ai d’abord commencé par la musique latine, à la mode dans la fin des années quatre-vingts
dix. Puis j’ai joué du Raï, de la musique classique, de la musique africaine,
du rhythm’n’blues, du funk… tout ce qui était disponible ! J’ai la chance d’être
un bon lecteur et de m’adapter assez rapidement. Donc je faisais beaucoup de
remplacements à droite et à gauche. C’était une période enivrante ! La vie
était peut-être plus douce aussi : un Paris-la-nuit plus intense, avec
davantage de gens qui sortait et une insouciance palpable….
Je dirais que
j’ai été influencé par tous les musiciens et aucun à la fois ! Et ce, dans
tous les styles que j’ai eu à portée de main. Les influences dépendent des
périodes… C’est délicat de donner un nom. Il en est souvent déduit, à tort, que
nous sommes influencés à vie, que nous copions etc. Aujourd’hui, je crois que
ce qui m’influence le plus, c’est l’époque actuelle. J’essaie de la comprendre
et de la ressentir…Sinon, en tant que compositeurs, j’ai eu la chance de rencontrer Eric Mallet – Kapagama, Kosinus… Il m’a
ouvert les portes de la musique d’illustration sonore pour la publicité, la
télévision, le cinéma… Il m’a appris le métier de compositeur et nous
travaillons ensemble depuis près de vingt ans.
Cinq
clés pour le jazz
Qu’est-ce que le jazz ?
Une culture dans laquelle tout
est possible, dans laquelle il n’y a rien d’obligatoire et qui rassemble.
Pourquoi la passion du jazz ?
Pour l’improvisation, pour son
côté universel, son ouverture et son acceptation de l’autre dans ses
différences…
Où écouter du jazz ? En concert ! Il faut vibrer et
partager avec les artistes l’instant présent, qui est unique.
Comment découvrir le
jazz ? Le jazz
est un univers très vaste : il contient autant de périodes en cent vingt ans que la musique
dite classique en quatre cent ans ! Il est plein de styles et de genres
différents et chacun peut en trouver un qui parle à son âme... Partez d’un
style musical que vous aimez et allez découvrir comment il s’est métissé avec
le jazz. Parce que le jazz a, entre autres, le pouvoir de se réapproprier les
styles musicaux. Et prenez votre temps ! Le temps est un luxe
d’aujourd’hui… Enfin, rien ne vaut la musique live ! Surtout pour le
jazz ! Et surtout en club… où les musiciens sont libres, ont tout leur
temps, où vous pouvez presque les toucher, sentir leur énergie, voir leurs
mains, croiser leur regard… C’est ça que j’aime. Cette communication
instantanée entre le public et l’artiste.
Une anecdote autour du jazz ?
En 1998, j’ai joué avec John Lewis à Paris et, en 2000, il m’a
invité à dîner chez lui à New York. Il m’a raconté sa vie, ses relations avec Charlie Parker, Dizzy Gillespie, Miles Davis
etc… C’était un moment très intense. Je lui avais apporté une bouteille d’un
bon vin blanc de Savoie. Je savais qu’il apprécierait. Mais il m’en a servi un
grand verre et, moi qui boit très peu et ne tient pas l’alcool, j’ai dû faire
un effort surhumain pour me concentrer sur ses paroles sans perdre ma
contenance… Ce qui me reste, c’est sa gentillesse, sa générosité et son
ouverture d’esprit. Voilà de belles valeurs !
Le
portrait chinois
Si j’étais un animal, je serais un oiseau qui plane, puis un koala pour finir ma vie… mais pas trop
défoncé par les feuilles d’eucalyptus quand même !
Si j’étais une fleur, je serais un édelweiss, mes grands-parents les adoraient
aussi…
Si j’étais un fruit, je serais une mangue, tendre à l’intérieur, mais recouverte
d’une peau solide…
Si j’étais une boisson, je serais de l’eau très pétillante.
Si j’étais un plat, je serais un carry de poisson épicé.
Si j’étais une lettre, je serais la
lettre grecque Phi.
Si j’étais un mot, je serais solidaire, une valeur qui doit revenir au
premier plan.
Si j’étais un chiffre, je serais le 9, une bulle dans les étoiles rattachée
au sol…
Si j’étais une couleur, je serais
orange.
Si j’étais une note, je serais le fa, la note la plus agréable et naturelle à chanter pour moi… et,
quand j’étais ado, dans les notes aigües, le contre fa était le nirvana à
atteindre. Quand quelqu’un montait au contre fa, on disait : « Ouaou ! Il
monte au contre fa ! ».
Les
bonheurs et regrets musicaux
La production
d’Horny Tonky Experience avec Michel Casabianca est une fierté. D’ailleurs,
jusqu’à présent, les professionnels du son, le monde du jazz et le public nous
l’ont confirmé. Et nous ferons encore mieux la prochaine fois ! En tout cas, nous
ferons tout pour...
J’aurais aimé
pouvoir jouer avec Michael Brecker. Malheureusement il
nous a quittés en 2007. J’aurai adoré pouvoir l’inviter, mais il y a dix ans c’était
encore un peu tôt et aujourd’hui c’est trop tard…
Sur
l’île déserte…
Quels disques ? L’intégral de Maurice Ravel pour orchestre dans la version de Pierre Boulez avec le New York
Philarmonic. Un bon album d’Earth Wind and Fire et de Frank Sinatra, période Capitol. Un disque de Clément Saunier, le plus grand trompettiste classique et de musique
contemporaine actuel.
Quels livres ? Bruits de
Jacques Attali, L’heure du peuple de Jean-Luc
Mélenchon, Le journal d’Anne Franck…
Et un manuel de survie : je suis quand même sur une île déserte !
Quels films ? Jacky au royaume des
filles de Riad Sattouf, avec Charlotte Gainsbourg, Anémone,
Vincent Lacoste et Didier Bourdon. Travail d’arabe de Christian
Philibert, avec Mohammed Metina
– quel acteur ! Full Metal Jacket
de Stanley Kubrick… Mais aussi La grande vadrouille, pour des raisons
affectives : c’est l’effet « madeleine de Proust » pace que je
me souviens de l’avoir vu en famille quand j’étais gamin…
Quelles peintures ? Daniel
Humair ! J’ai
adoré sa dernière expo… et Salvator Dali,
tout !
Quels loisirs ? Plongée sous-marine, ski alpin, que je
pratique depuis que je marche, histoire et, depuis peu, les échecs…
Les
projets
J’ai des créations
en cours dans des domaines que je connais, mais dans lesquels je n’avais pas
encore réalisé de projet en entier : une pièce pour orchestre symphonique et trompette
solo, et un disque de chansons avec les musiciens d’Horny Tonky.
Trois
vœux…
1. Dans mon rayon
: plus de diversité musicale, accessible au plus grand nombre et en concert !
La diversité, c’est la liberté. Elle éveille les consciences, or, aujourd’hui, elle
est menacée. La télévision, par exemple, ne diffuse pratiquement que de la
chanson et quasiment jamais de musique instrumentale…
2. Un nouveau
modèle de société, sur le plan économique, bien sûr, mais aussi sur le plan
social : une société qui place l’humain au centre, le préserve, en prenne
soin… Le modèle actuel, fondé sur une croissance infini dans un espace fini, a
atteint ses limites. Nous sommes entrés en dette écologique le 13 août 2015 et
le 8 août 2016 [dates auxquelles « l’humanité a consommé les ressources
produites par la biosphère depuis le 1er janvier » – NDLR]. Le
message n’est-il pas clair ? De toute façon le modèle actuel est
mathématiquement absurde, sauf peut-être pour un économiste…
3. Me téléporter
à volonté… Être l’homme invisible arrive bien après !
27 novembre 2016
Tandem au New Morning
Vincent Peirani et
Michael Wollny ne sont plus à présenter. Ils se sont rencontrés en 2012 au New
Morning, lors de la soirée des vingt ans du label Act. L’année d’après,
l‘accordéoniste invite le pianiste pour l’enregistrement de Thrill Box, en trio avec Michel Benita à
la basse.
Après avoir poursuivi leur chemin chacun de leur côté, avec
le succès que nous leur connaissons, Peirani et Wollny ont décidé de recroiser
leurs touches. A l’occasion de la sortie de Tandem
chez Act, en septembre 2016, le duo part en tournée et se produit le 6 novembre
au New Morning.
Le répertoire du concert reprend sept des dix morceaux de Tandem, plus « I Mean You » de
Thelonious Monk, « Trois temps
pour Michel P », un hommage à Michel
Portal signé Peirani et « The Kiss », de la chanteuse Judee Sill, dédié à Michel Benita. Le duo commence par
enchaîner « Song Yet Untitled » d’Andreas Schaerer, fondateur de l’orchestre déjanté Hildegard Lernt
Fliegen, et « Hunter » de Björk.
Le piano et l’accordéon sont sombres et lyriques à souhait, avec moult effets, l’un
sur les cordes, l’autre avec le soufflet. L’ « Adagio For String »
de Samuel Barber s’enfonce dans un
romantisme émaillé de contrepoints, de riffs et de boucles marqués par le free.
« Did You Say Rotenberg? », hommage à Lionel et Béatrice Rotenberg,
mélomanes avertis et supporters de Peirani dès les premières heures, part d’une
belle mélodie, soutenue par un piano puissant, et débouche sur des questions –
réponses vives et touffues, dans une veine « vingtiémiste ». Wollny s’empare
de « I Mean You » dans un style stride virtuose, puis Peirani lui
emboîte le pas pour un dialogue ludique, très Erik Satie. Les notes crépitent et les deux artistes intègrent
constamment des éléments rythmiques. Comme Wollny trouve que l’accordéon a des
points communs avec l’orgue, le duo interprète « Sirènes », un
morceau qu’il a composé par le pianiste pour un quartet piano – trombone –
batterie – orgue d’église. Les femmes-poissons de Wollny sont graves et
majestueuses, avec un brin de mélancolie ! « Uniskate », pour Youn (Sun Nah) is Kate (Bush), mélange incantation et folk.
Peirani passe à l’accordina pour « Vignette », un thème de Gary Peacock. Toujours rythmé, le
morceau est tendu et moderne. Energique, dansante et expressive, la valse « Trois
temps pour Michel P » lorgne de nouveau vers les bastringues et Peirani
accompagne l’accordéon avec des vocalises à l’unisson. Pour le premier rappel,
le duo joue « Travesuras » du guitariste argentin de tango-rock, Tomás Gubitsch, encore un morceau
entraînant et nerveux avec, toujours, des lignes mélodieuses en filigrane. Quant
à « The Kiss », Peirani et Wollny l’interprètent plutôt fidèlement.
L’esprit général de Tandem
sur disque reste évidemment dans la lignée du concert, mais la clarté de la
prise de son et le mixage léché rapprochent encore un peu plus les dialogues du
duo de la musique classique. Il y a moins d’emballement rythmique qu’au New
Morning. « Bells », un thème de Wollny, et « Fourth of July »,
du chanteur folk Sufjan Stevens, figurent
sur le disque, mais n’ont pas été joués le 6 novembre. « Bells » commence
comme un morceau de musique contemporaine avec des lignes arpégées heurtées du
piano sur des notes tenues de l’accordéon, puis la discussion s’anime avec des
échanges brefs et dynamiques. « Fourth of July » s’étire
langoureusement dans des unissons harmonieux et des contre-chants délicats.
Wollny et Peirani forment un sacré duo : orthodoxes et modernes,
structurés et libres, sophistiqués et populaires, lyriques et rythmiques… Leur
piano et accordéon s’accordent parfaitement !
26 novembre 2016
Cristal Records souffle vingt bougies
Label indépendant
créé en 1996 par Eric Debègue, Cristal Records s’articule aujourd’hui autour de
Cristal Production pour la partie organisation, Cristal Publishing pour les
disques, Studios Alhambra Colbert pour les enregistrements et Sirius Image pour
les vidéos et films.
Le label rochelais décline son catalogue sous sept lignes
éditoriales :
- 10h10 pour les musiques du monde, les chansons, la pop, le rock, le hip hop et l’électro ;
- Cristal Records Classique dédié aux musiques classiques et contemporaines ;
- 7 music – héritage du label RDC Records de Franck Hagège, racheté en 2005 – spécialisé dans l’accordéon ;
- BOriginal consacré aux musiques de films ;
- Saperlipopette tourné vers le jeune public ;
- et Cristal Records, la signature jazz…
Mario Stantchev & Lionel Martin |
Sébastien Texier Quartet |
David Chevallier |
Céline Bonacina |
Ozma |
Stéphane Tsapis |
Trio Sud |
Nicolas Former |
Domi Emorine & Marcel Loeffler |
Olivier Hutman |
Domi Emorine & Marcel Loeffler
Domi Emorine &
Marcel Loeffler
Domi Emorine (acc), Marcel Loeffler (acc), Cédric Loeffler
(g) et Gilles Coquard (b)
Cristal Records – CR 249
Sortie le 4 novembre 2016
Maître accordéoniste jazz es-Manouche, Marcel Loeffler s’associe à une prodige venue de la variété et du
classique : Domi Emorine. Avec Cédric Loeffler à la guitare et Gilles Coquard à la contrebasse ou à la
basse, le duo d’accordéoniste sort un disque éponyme chez Cristal Records en
novembre 2016.
Le programme est pour le moins éclectique ! Trois compositions
signées Loeffler, dans une veine jazz manouche, côtoient des œuvres classiques
(le prélude du « Tombeau de Couperin » de Maurice Ravel et « Le chemin des forains » d’Henri Sauguet), deux morceaux d’accordéonistes
(« Délicatesse » de Marcel
Azzola et « Douce joie » de Gus
Viseur) et des morceaux composés par des jazzmen : « September 2nd »
de Michel Pettruciani, « Mouvements »
de Biréli Lagrène, « Valse des
Dragons » de Patrice Caratini, « Take
Bach » de Philippe Duchemin, « Spain »
de Chick Corea et « Since We
Met » de Bill Evans.
Emorine et Loeffler dialoguent avec verve (« Le tombeau
de Couperin »), virtuosité (« Mouvements ») et élégance (« Take
Bach »). Les deux accordéonistes mènent les morceaux avec un entrain (« Conférence »)
et un sens de la danse contagieux (« Espérance »). La guitare tient son
rôle rythmique avec assurance : pompes (« Douce joie »), phrases
arpégées (« Amour secret »), mais aussi chorus mélodieux (« Spain »).
La walking (« Since We Met ») et les lignes minimalistes (« Le
chemin des forains ») de la
contrebasse ou les grondements de la basse (« Spain ») garantissent
une pulsation solide.
Emorine et Loeffler proposent une musique enjouée, un duo
pétillant entre jazz manouche et jazz musette.
Is It Real? - Olivier Hutman
Is It Real?
Olivier Hutman Meets Alice Ricciardi
Alice
Ricciardi (voc), Olivier Temime (ts, ss), Gilad Hekselman (g), Olivier Hutman
(p, kbd), Darryl Hall (b) et Gregory Hutchinson (d).
Cristal Records – CR 236
Sortie le 4 novembre 2016
La carrière discographique d’Olivier Hutman a débuté il y a plus de quarante ans et compte
aujourd’hui près de soixante-dix disques, dont une douzaine sous son nom.
Hutman a accompagné bon nombre de chanteurs et ses deux derniers opus – No Tricks (2011) et Give Me The High Sign (2013) – sont enregistrés avec Denise King. Pour Is It Real ?, qui sort chez Cristal Records en novembre 2016,
Hutman poursuit son aventure avec le jazz vocal.
Hutman fait appel à la chanteuse italienne Alice Ricciardi et s’entoure de deux
fidèles, Olivier Témime aux
saxophones ténor et soprano et Darryl
Hall à la basse, ainsi que Gilad
Hekselman à la guitare et Gregory
Hutchinson à la batterie.
Le répertoire d’Is It
Real? est constitué de huit chansons composées par Hutman et mise en
paroles par la complice de toujours, Viana
Wember-Hutman. Le sextet interprète également « Don’t Think
Twice » de Bob Dylan (The Freewheelin’ Bob Dylan – 1963) et le
désormais standard « The Night We Call It a Day », que Matt Dennis a écrit avec Tom Adair en 1941, et qui, d’ailleurs,
a également été chanté par Dylan.
Les mélodies aériennes (« The Night We Call It A Day »)
aux accents pop (« Is It Real ? ») conviennent parfaitement à la
voix suave, volontiers éthérée, et le timbre médium de contralto de Ricciardi.
Hutman accompagne les chansons avec des riffs funky (« No Way By Mistake »)
et des solos enlevés (« Sunday Morning Drive »), tandis que la paire
Hall – Hutchinson assure une pulsation dansante (« No Way By Mistake »),
servie par un timing impeccable (« Tana Bolero »), un groove
entraînant (« A Coin Without Face ») et des lignes chaloupées (walking
et chabada subtils dans « Strange Deal »). Temime double Ricciardi à
l’unisson (« Sweet Inertia »), souligne la voix avec des contrechants
élégants (« Tana Bolero ») ou joue les chœurs (« Your Call »).
Sa sonorité puissante et ronde (« Don’t Think Twice ») et les touches
bluesy dont il parsème son discours (« Strange Deal ») densifient la
texture sonore du sextet. Hekselman apporte des notes soul (« A Coin
Without Face »), mais sa guitare contribue aussi à l’ambiance folk (« Don’t
Think Twice »), voire rock (« Sweet Inertia »).
De facture plutôt classique, les
chansons d’Is It Real? possèdent un
caractère personnel et intime qui les situent entre la chanson à texte et la
variété jazzy.
20 novembre 2016
Steve Lehman dans l’Espace Sorano
Dans le cadre de
Sorano Jazz, après le trio de Michel Portal, sur scène le 13 octobre 2016,
Vincent Bessière a programmé le Steve Lehman Octet, le 5 novembre.
Formé à l’aulne du free – Anthony Braxton –, de la musique contemporaine – Alvin Lucier, Tristan Murail… –, mais aussi d’un jazz mainstream – Jackie McLean –, le saxophoniste alto
newyorkais, Lehman est passé par la Wesleyan University, Columbia et le CNSMDP !
En dehors de sa participation aux formations de Braxton, Vijay Iyer, Jason Moran,
Meshell Ndegeocello… Lehman a monté
ses propres projets, en solo, en trio et en octet.
Le Steve Lehman Octet existe depuis un peu moins d’une
dizaine d’années et compte deux disques à son actif : Travail, Transformation & Flow (2009) et Mise en Abîme (2014). A l’exception de Cody Brown qui remplace Tyshawn
Sorey à la batterie pour le concert de l’Espace Sorano, les membres de
l’octet sont inchangés depuis son démarrage : Jonathan Finlayson à la trompette, Tim Albright au trombone, Mark
Shim au saxophone ténor, José Davila
au tuba, Chris Dingman au vibraphone,
Drew Gress à la contrebasse et,
donc, Brown à la batterie.
En cinquante minutes de concert, Lehman et son octet jouent
neuf compositions, y compris le rappel. Démarrages brutaux, développements tendus
sur un socle rythmique dense et conclusions abruptes : les morceaux sont carrés
et compacts. La texture sonore repose sur une opposition entre la section
rythmique sourde, le son brillant des soufflants et la sonorité cristalline du vibraphone.
Les lignes de basse particulièrement graves de Gress trouvent du renfort dans les
motifs épais de Davila et dans les frappes puissantes et touffues de Brown. La
contrebasse, le tuba et la batterie grondent de bout en bout et maintiennent sous
pression les vents, tandis que le vibraphone égrène ses notes argentines. Les
pédales et contrechants heurtés des bois et cuivres, les mélodies dissonantes,
les dialogues foisonnants, les effets sonores et les chorus nerveux s’inscrivent
dans une lignée free contemporain (pas si éloignée de Braxton), toujours portée
par une rythmique robuste et entraînante.
Résolument moderne, la musique de Lehman et de son octet s’appuie
sur une mise en place jazz pour soutenir un discours sophistiqué, une sorte d’abstraction
expressive…