Whirlwind Recordings
continue de sortir des disques à un rythme soutenu : en 2017, le label
anglais du contrebassiste américain Michael Janish a sorti près de deux disques
par mois ! L’occasion d’en écouter neuf, de Mark Lewandowski à Tony
Tixier, en passant par Quinsin Nachoff, Rez Abbasi et d’autres à découvrir…
29 janvier 2018
Life of Sensitive Creatures - Tony Tixier
Passé par le conservatoire de Montreuil et la Bill Evans
Academy, le pianiste Tony Tixier joue aussi bien aux côtés de Logan Richardson, Christian Scott, Justin
Brown... que de Laurent Cugny, Stéphane Spira, Olivier Temime… En 2006, il enregistre Fall in Flowers avec son trio, suivi l’année d’après d’Electric’ Trane, en solo. En 2009,
Tixier et son septet gravent Parallel Worlds, puis, en 2012, il sort Dream Pursuit avec un quartet américain.
Installé aux Etats-Unis, Tixier rejoint Whirlwind Recordings et publie Life of Sensitiv Creatures en 2017.
Pour Life of Sensitive
Creatures, Tixier est en trio avec Karl
McComas Reichl à la contrebasse et Tommy
Crane à la batterie. Le pianiste a composé huit morceaux et reprend deux
standards, « Tight Like This » de Louis
Armstrong et « Darn That Dream » de Jimmy
Van Heusen et Eddie DeLange, et
le tube pop « Isn't She Lovely » de Stevie
Wonder.
A la fois mélodieux (« I Remember the Time of Plenty ») et
délicats (« Illusion »), les airs de Tixier sont finement ciselés (« Denial of Love
»), souvent basés sur des motifs entraînants (« Home At Last »). Sa main
gauche, particulièrement agile, s’unit aux lignes de basse (« Blind Jealousy of
a Paranoid »), tandis que sa main droite se laisse emporter dans des
développements volontiers lyriques (« Isn’t She Lovely »). La section
rythmique est particulièrement dynamique (« Causeless Cowards »), dansante (« Home
At Last ») et prendrait facilement des chemins de traverse funk ou rock («
Tight Like This »), même si elle n’oublie pas les fondamentaux (chabada et
walking dans « Home At Last »). Entre un accompagnement
emphatique (« Illusion »), des motifs entraînants (« I Remember
The Time of Plenty ») et des accents pop (« Calling Into
Question »), Crane se laisse aller à quelques passages binaires (« Tight
Like This »). Les lignes souples (« Calling Into Question »),
voire minimalistes (« Denial of Love »), de McComas Reichl et ses unissons avec
la main gauche du pianiste (« Blind Jealousy of a Paranoid ») laissent
beaucoup d’espace à Tixier.
Life of Sensitive
Creature est bien nommé : à la fois sophistiquée et rythmée, la
musique de Tixier ne sort pas de ses gongs et garde une sensibilité toute
personnelle.
Le disque
Life of Sensitive
Creatures
Tony Tixier
Tony Tixier
(p), Karl McComas Reichl (b) et Tommy Crane (d)
Whirlwind Recordings – WR4716
Sortie en décembre 2017
Liste des morceaux
01. « I
Remember the Time of Plenty » (05:20).
02. « Denial
of Love » (05:19).
03. « Tight
Like This », Armstrong (03:57).
04. « Illusion
» (05:48).
05. « Home
At Last » (04:30).
06. « Calling
Into Question » (04:41).
07. « Darn
That Dream », Van Heusen & DeLange (05:28).
08. « Blind
Jealousy of a Paranoid » (04:11).
09. « Isn't
She Lovely », Wonder (02:35).
10. « Causeless
Cowards » (05:08).
11. « Flow » (04:22).
Toutes les compositions sont signées Tixier sauf indication
contraire.
Retour aux sorties 2017 de Whirlwind Recordings
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Unfiltered Universe – Rez Abbasi
Passé par la Manhattan School of Music, le guitariste
américain Rez Abbasi compte une
douzaine de disques à son actif enregistrés principalement avec ses trois
groupes : le trio Junction, le quartet RAAQ et le quintet Invocation.
Voilà près d’une dizaine d’années qu’Abbasi tourne avec
Invocation, dont le répertoire s’appuie sur des éléments de musique
traditionnelle pakistanaise et indienne. Dans les notes de la pochette du
disque Abbasi précise d’ailleurs qu’Unfiltered
Universe, qui sort en 2017 chez Whirlwind Recordings, est le troisième opus
d’une trilogie consacrée à la musique indo-pakistanaise : Things to Come (2009) tourne autour de
la musique hindoustanie, Suno Suno
(2011) est construit sur la musique qawwalî et Unfiltered Universe aborde la musique carnatique. Outre Abbasi, le
quintet est constitué du saxophoniste
alto Rudresh Mahanthappa, du
pianiste Vijay Iyer, du
contrebassiste Johannes Weidenmueller
et du batteur Dan Weiss. Pour Unfiltered Universe, Abbasi invite
également la violoncelliste classique Elizabeth
Mikhael.
Les sept pièces d’Unfiltered
Universe sont de la plume d’Abbasi. La musique d’Invocation s’appuie sur des
mélodies dissonantes (« Dance Number ») aux accents orientaux (« Thin-King »),
exposées à l’unisson (« Propensity »), des rythmes complexes et touffus («
Unfiltered Universe ») avec des changements de tempo impromptus (« Disagree to
Agree »), des jeux de contre-chants (« Unfiltered Universe ») et des
questions-réponses, comme un chase (« Turn of Events »)… Tour à tour
solennelles (« Disagree to Agree »), mystérieuses (« Turn of Events »), enjouées
(« Propensity »), déjantées (« Dance Number »)… les ambiances – râga et tâla
obligent – varient d’une plage à l’autre, voire au sein d’un même morceau. Côté
instrumentation, Invocation s’appuie sur une contrebasse qui gronde («
Propensity »), parfois comme un bourdon, et joue des riffs sourds, une batterie
versatile, mais toujours vive et foisonnante (« Unfiltered Universe »), un
piano volontiers cérébral (« Turn of Events »), qui joue des suites d’accords inventives
(« Thin-King »), un violoncelle qui apporte une touche lyrique (« Turn of
Events »), un saxophone alto bouillonnant, véloce et affranchi (« Dance Number
»), une guitare qui se partage entre section rythmique (« Turn of Events »),
envolées free (« Disagree to Agree ») et lignes mélodieuses (« Thin-King »).
La musique carnatique revue par Invocation évoque une sorte de free
folklorique…
Le disque
Unfiltered Universe
Rez Abbasi
Rudresh Mahanthappa (as), Rez Abbasi (g), Vijay Iyer (p),
Johannes Weidenmueller (b) et Dan Weiss (d), avec Elizabeth Mikhael (cello).
Whirlwind Recordings – WR4713
Sortie en octobre 2017
Liste des morceaux
01. « Propensity
» (06:52).
02. « Unfiltered
Universe » (09:32).
03. « Thoughts
» (01:41).
04. « Thin-King
» (05:21).
05. « Turn
of Events » (11:53).
06. « Disagree
to Agree » (07:46).
07. « Dance Number » (08:09).
Hybrid – Jure Pukl & Matija Dedić
Après son cursus à l’Université de Vienne et au
Conservatoire de Musique de Haag, le saxophoniste slovène Jure Pukl a intégré le Berklee College of Music. Quant au pianiste
croate Matija Dedić, il sort de la
Music High School Vatroslav Lisinski de Zagreb. Les deux musiciens se sont
rencontrés lors de leurs études à l’University of Music and Performing Arts de
Graz.
Hybrid est leur
premier opus en commun et ils ont fait appel au contrebassiste Matt Brewer et au batteur Jonathan Blake. La saxophoniste Melissa Aldana participe également à
deux morceaux. En dehors de « Lonely Woman », le standard d’Ornette Coleman, le quartet interprète
neuf compositions signées Pukl ou Dedić.
Les morceaux sont construits sur la structure classique
thème – solo – thème, sauf « Lonely Woman », un duo entre la
clarinette basse et le piano, solennel et proche de la mélodie. Avec les lignes
souples de la contrebasse (« Family ») et les frappes alertes de la batterie (« Where Are You Coming From
and Where Are You Going? »), Brewer et Blake forment une section rythmique
parfaite pour la musique de Pukl et Dedić. La batterie alterne passages denses («
Hybrid ») et jeu léger (« Family »), avec des chorus véloces (« Spinning
Thoughts »), tandis que la contrebasse passe d’un minimalisme ouvert (« Where
Are You Coming From and Where Are You Going? ») à des riffs entraînants («
Sequence II ») et prend des chorus chantants (« Family »). Les deux compères
s’emboîtent également le pas pour des séries de walking et chabada efficaces («
Hempburger»). Pianiste discret (« Sequence III »), Dedić se joint au saxophone
pour exposer les thèmes à l‘unisson (« False Accusations ») et répond avec
perspicacité à ses questions (« Sequence III »), ses accords soulignent
élégamment les propos de Pukl (« Where Are You Coming From and Where Are You
Going? ») et ses solos, bien construits et mélodieux (« Sequence II »), penchent
vers un néo-bop moderne (« Plan B »). Une sonorité douce et ouatée au soprano («
Where Are You Coming From and Where Are You Going? ») sert un discours délicat («
Family »), voire nostalgique (« Sequence III »), un son imposant au ténor («
Hybrid ») met en relief des développements tendus (« Sequence II »), émaillés
de dissonances (« Plan B ») : Pukl s’inscrit dans la lignée des
saxophonistes post-bop. Le ténor d’Aldana dialogue avec le soprano de Pukl («
Family ») ou interagit avec son ténor (« Lonely Woman») dans le même esprit.
Hybrid reprend les
fondamentaux du bop dans lesquels Pukl et Dedić insufflent des éléments
modernes avec un cadre rythmique moins formaté et des développements plus
ouverts.
Le disque
Hybrid
Jure Pukl &
Matija Dedić
Jure Pukl (ss, ts, bcl), Matija Dedić (p), Matt Brewer (b)
et Johnathan Blake (d), avec Melissa Aldana (ts).
Whirldwind Recordings – WR4712
Sortie en septembre 2017
Liste des morceaux
01. « Hybrid », Pukl (05:06).
02. « Where
Are You Coming From And Where Are You Going », Pukl (08:42).
03. « Sequence
II », Pukl (06:53).
04. « Hempburger
», Dedić (06:09).
05. « Lonely
Woman », Coleman (07:35).
06. « Plan
B », Dedić (04:49).
07. « Family
», Dedić (06:37).
08. « False
Accusations », Dedić (06:23).
09. « Sequence
III », Pukl (06:23).
The Other River – Joel Harrison
Depuis 3+3 =7, sorti en 1996, Joel Harrison a sorti dix-sept disques,
dont Leave The Door Open (2014) et Spirit House (2013) chez Whirlwind
Recordings. The Other River
est donc le dix-neuvième album du guitariste newyorkais et le troisième pour le
label anglais…
Pour cet enregistrement, Harrison s’entoure d’un trio inédit
avec Glenn Patscha aux claviers et
au chant, Byron Isaacs à la basse et
Jordan Perlson aux percussions.
Comme souvent, il élargit sa palette sonore avec des invités : Jamey Haddad renforce les percussions
sur deux titres, tout comme Christian
Howes et son violon ou Cuong Vu et sa trompette. Quant à Fiona McBain, elle prête sa voix pour trois
chansons, et Anupam Shobhakar joue
du sarode sur un morceau.
Harrison signe toutes les compositions. Country (« My
Beautiful Enemies »), folk (« Made It Out Alive »), slow
(« The Other River »), touches bluesy (« You’re All That Matters
To Me »), mais surtout pop (« So Long Chelsea Hotel », « I
Wonder What Happened To Jordan »), le chant et les arrangements d’Harrison
flatteront davantage les oreilles des amateurs de musiques de variété que
celles des passionnés de musiques improvisées.
Le disque
The Other River
Joel Harrison
Joel
Harrison (g, voc, bj), Glenn Patscha (p, kbd, voc), Byron Isaacs (b) et Jordan
Perlson (perc), avec Jamey Haddad (perc), Christian Howes (vl), Fiona McBain (voc),
Cuong Vu (tp) et Anupam Shobhakar (sarode).
Whirldwind Recordings – WR4673
Sortie en juillet 2017
Liste des morceaux
01. « My
Beautiful Enemies » (04:30).
02. « Scarecrow
Ray » (04:03 ).
03. « The
Other River » (06:07).
04. « So
Long Chelsea Hotel » (04:29).
05. « Made
It Out Alive » (05:07).
06. « You're
What Matters To Me » (04:16).
07. « Yellow
Socks » (05:58).
08. « Still
Here » (02:57).
09. « I
Wonder What Happened To Jordan » (03:31).
10. « Reservation
Blues » (05:08).
11. « Bus
to Brighton » (04:49).
Ask Seek Knock – Samuel Eagles’ Spirit
Pianiste classique qui a bifurqué vers le saxophone alto, Samuel Eagles a fait ses classes dans
le Royal Academy of Music’s Junior Jazz Band avant de parachever ses études
musicales au Trinity College of Music.
En 2014, Eagles publie son premier disque, Next Beginning, en quartet. Pour son
nouveau projet, Eagles a créé le sextet Spirit, avec son frère Duncan Eagles au saxophone ténor, Ralph Wyld au vibraphone, Sam Leak au piano, Max Luthert à la contrebasse et Dave Hamblett à la batterie. Son mentor, le saxophoniste ténor Jean Toussaint, joue également sur deux
morceaux. Eagles a composé les huit thèmes d’Ask Seek Knock.
Un riff du piano, sur un petit motif de contrebasse et des
cliquetis de la batterie, introduit « Eternity Within My Soul »,
exposé à l’unisson par les saxophones. Les soufflants élaborent des
contrepoints astucieux, soutenus par la sonorité cristalline du vibraphone et
une rythmique touffue. « Changed, Changing Still » commence dans un style
majestueux avec le sextet qui gronde, un solo grave de Luthert, souligné par les
contre-chants de Wyld, puis le morceau s’emballe sous l’impulsion des frères
Eagles et du jeu incisif de Leak. La belle mélodie de « Hear His Voice » sert
de prétexte à une introduction solennelle du piano, reprise dans le même esprit
par les saxophones, avant qu’une accélération du tempo ne permette aux
soufflants de se lancer dans des envolées néo-bop, poussées par la rythmique et
les lignes symétriques du vibraphone. Dans « Hope In The Hills », Wyld croise
ses lames avec les touches de Leak, les cordes de Luthert et les peaux
d’Hamblett, puis Eagles s’aventure vers des contrées dansantes. Stop-chorus de
la batterie, passages binaires, vibraphone en contrepoint et saxophone alto
tendu… « The Twelve » penche vers un néo-bop moderne. « Dream and Visions of
The Son » s’ouvre sur une discussion entre tous les instruments et, après un
solo soigné de Leak, Toussaint et Eagles poursuivent avec enthousiasme,
Hamblett s’emporte et le groupe conclut en fanfare. La section rythmique lance «
Spirit » sur des motifs aux accents funky, mais le vibraphone et les saxophones
apaisent l’ambiance avec un échange de contrepoints raffinés pour exposer le
thème. Eagles et Leak développent ensuite tranquillement leurs idées, avant de
faire monter la pression, soutenus par Wyld, Leak, Luhert et Hamblett, en
verve. Les deux frères dialoguent a capella pour introduire « Ask, Seek, Knock ».
La section rythmique entre en jeu et introduit une intensité palpable :
lignes heurtées de la batterie, boucles et ostinato du piano, grondements de la
basse, solo inspiré du vibraphone… Et les Eagles se montrent aussi dynamiques
l’un que l’autre.
Ask Seek Knock
possède une personnalité indiscutable : des mélodies intéressantes, des
rythmes variés, des développements tendus… Eagles réussit un deuxième disque
prometteur !
Le disque
Ask Seek Knock
Samuel Eagles’ Spirit
Samuel Eagles (as), Duncan Eagles (ts), Ralph Wyld (vib),
Sam Leak (p), Max Luthert (b) et Dave Hamblett (d), avec Jean Toussaint (ts,
voc).
Whirwind Recordings – WR4706
Sortie en juillet 2017
Liste des morceaux
01. « Eternity
Within My Soul » (05:57).
02. « Changed,
Changing Still » (06:58).
03. « Hear
His Voice » (10:03 ).
04. « Hope
In The Hills » (06:47).
05. « The
Twelve » (06:53).
06. « Dream
and Visions of The Son » (09:20).
07. « Spirit » (06:58).
08. « Ask, Seek, Knock » (08:48).
More Powerful – George Colligan
George Colligan
est un pianiste prolifique : il apparaît sur plus de cent enregistrements et
compte déjà vingt-quatre disques en leader à son actif… Diplômé de la Juillard
School, Colligan s’est notamment fait connaître en devenant le pianiste du Jack
DeJohnette’s New Quintet.
Dans More Powerful
Colligan joue avec un nouveau quartet: Nicole
Glover aux saxophones soprano et ténor, Linda May Han Oh à la contrebasse et Rudy Royston à la batterie. Les quatre musiciens interprètent neuf
compositions du pianiste.
Colligan navigue entre classicisme et modernisme : des
morceaux dans une lignée hard-bop énergique (« Today Again »), avec le thème
exposé à l’unisson, la walking et le chabada qui accompagnent les solistes («
More Powerful Than You Could Possibly Imagine »), les stop-chorus de la
batterie (« Whiffle Ball ») et le thème repris à l’unisson pour la conclusion,
côtoient des pièces élégantes – une valse bien emmenée (« Retrograde Pluto »),
une ballade vive aux accents folk (« Waterfall Dreams » ) ou une comptine en
mode musique de chambre (« Southwestern Silence ») – et des dialogues tendus («
Effortless ») et dissonants (« Southwestern Silence »), qui débouchent sur des
passages free (« Empty »). Royston est à batteur à la fois touffu (« Today
Again ») et puissant (« More Powerful Than You Could Possibly Imagine »), mais
toujours attentif (« Empty ») et subtil (« Southwestern Silence »). Han Oh fait
chanter sa contrebasse (« Effortless »), aussi bien dans ses solos mélodieux («
Southwestern Silence ») que dans ses accompagnements inventifs : ligne
souple (« Today Again »), walking véloce (« Whiffle Ball »), crépitements («
More Powerful Than You Could Possibly Imagine »), motifs minimalistes («
Southwestern Silence »), grondements (« Empty »)… Nerveuse (« Whiffle Ball »)
et volontiers free (« Empty »), Glover passe de la sonorité sèche et aigue du
soprano (« The Nash ») au son noueux et ferme du ténor (« Today Again ») avec
la même intensité. Quant à Colligan, il est aussi à l’aise dans le bop (« Today
Again »), avec des excursions dans le free (« More Powerful Than You Could
Possibly Imagine »), que dans les passages plus lyriques (« Waterfall Dreams »),
et sa main gauche s’intègre naturellement dans la section rythmique pendant que
sa main droite développe des lignes énergiques (« Effortless »). Par ailleurs,
loin de prendre la vedette, le pianiste laisse beaucoup d’espace à ses
acolytes.
Trépidant et moderne sans renier la tradition, More Powerful est un disque bien dans
son temps…
Le disque
More Powerful
George Colligan
Nicole
Glover (ss, ts), George Colligan (p), Linda May Han Oh (b) et Rudy Royston (d).
Whirldwind Recordings – WR4708
Sortie en juin 2017
Liste des morceaux
01. « Whiffle
Ball » (05:44).
02. « Waterfall
Dreams » (06:15).
03. « Effortless
» (07:09).
04. « Today
Again » (06:41).
05. « More
Powerful Than You Could Possibly Imagine » (06:34).
06. « Retrograde
Pluto » (04:51).
07. « Southwestern
Silence » (04:42).
08. « Empty
» (06:20).
09. « The
Nash » (06:07).
Quinsin Nachoff’s Ethereal Trio
Quinsin Nachoff,
le plus newyorkais des saxophonistes ténors canadiens, est bien connu de ce
côté de l’Atlantique grâce au 5 New
Dreams, codirigé avec Bruno Tocanne.
Nachoff navigue entre la musique de chambre contemporaine (Magic Numbers,
Horizons Ensemble, Violin Concerto…) et le jazz (Flux, FoMo…).
En 2016, Nachoff monte l’Ethereal
Trio avec Mark Helias à la
contrebasse et Dan Weiss à la
batterie. Le premier disque éponyme sort chez Whirlwind Recordings en mai 2017
avec un répertoire de six morceaux composés par le saxophoniste.
Même si l’instrumentation du trio évoque évidemment Sonny Rollins, Nachoff, Helias et Weiss
s’émancipent totalement du modèle : le free et la musique contemporaine sont
passés par là…
Un son de saxophone ténor puissant, plein et rond et des
lignes denses qui sinuent, puis s’arrêtent brusquement pour mieux rebondir, en
fonction des propositions de la contrebasse et de la batterie : dès « Clairvoyant
Jest », Quinsin Nachoff’s Ethereal
Trio est captivant. « Imagination Reconstruction » ménage son suspens avec
des changements impromptus de rythmes, des trilogues malicieux et une entente télépathique
entre Weiss, Helias et Nachoff. Les trois musiciens jouent au sens propre du
terme ! Une complainte profonde du ténor, soulignée par une mélopée étirée
de la contrebasse à l’archet et des bruissements mystérieux de la batterie :
« Gravitas » porte bien son titre… Weiss introduit « Subliminal
Circularity » avec un motif entraînant, presque funky, qu’Helias renforce par un
riff puissant. Sur cette pulsation robuste, Nachoff lance des phrases ténues
qui s’envolent dans des séries de dissonances parfaitement contrôlées. Le trio
flirte sans cesse entre équilibre et déséquilibre, à l’instar de « Push-Pull
Topology », avec sa walking irrégulière parsemée de shuffle, ses tambours
foisonnants sur une cymbale imperturbable et la ligne aérienne du ténor qui
tournoie autour de la section rythmique. « Potrait in Sepia Tones » commence
comme un morceau de musique contemporaine avec Helias à l’archet et Weiss qui
répond sur les cymbales, dans une ambiance imposante. Nachoff joue d’abord une mélodie
fragile, mélodieuse et ondoyante, puis le trio change de direction et s’engage
dans une course-poursuite effrénée avec une running bass et un chabada
ultra-rapide. Le tout s’achève sur un rythme binaire puissant ponctué de
roulements furieux en double-frappes…
Expressive et intime, recherchée et rythmée, la musique du
Quinsin Nachoff’s Ethereal Trio est excitante et mérite le détour.
Le disque
Quinsin Nachoff’s Ethereal Trio
Quinsin Nachoff (ts), Mark Helias (b) et Dan Weiss (d).
Whirlwind
Recordings – WR4706
Sortie en mai 2017
Liste des morceaux
01. « Clairvoyant Jest » (05:54).
02. « Imagination Reconstruction » (05:45).
03. « Gravitas » (07:06).
04. « Subliminal
Circularity » (06:58).
05. « Push-Pull
Topology » (07:13).
06. « Portrait in Sepia Tones » (09:56).
Sleight of Hand – NYSQ
Le New York Standard Quartet existe depuis une douzaine
d’années et Sleight of Hand est le
troisième disque enregistré pour Whirlwind Recordings, après The New Straight Ahead (2014) et Power of 10 (2015), mais c’est le
sixième album du quartet, qui avait déjà sorti Live in Tokyo en 2008, UnStandard
en 2011 et Live at Lifetime en 2013.
NYSQ s’appuie sur l’un des piliers de Whirlwind Recordings,
le saxophoniste Tim Armacost, et sur
une section rythmique constituée de David
Berkman au piano, Daiki Yasukagawa
à la contrebasse et Gene Jackson à
la batterie. En dehors d’une courte parenthèse avec Michael Janish à la contrebasse, l’équipe n’a pas changé depuis la
création du quartet.
Côté répertoire, le nom du groupe affiche la couleur : NYSQ
reprend essentiellement des standards. Sleight
of Hand ne déroge pas à la règle. En dehors du morceau éponyme proposé par Berkman,
les sept autres titres sont dans le Real Book : « Soul Eyes » composé
par Mal Waldron en 1957 pour Interplay for 2 Trumpets and 2 Tenors,
avec John Coltrane, qui reprendra
d’ailleurs ce titre en 1962 (Coltrane) ;
« Ask Me Now » de Thelonious
Monk (1951) ; l’indémodable « In A Sentimental Mood », écrit
par Duke Ellington en 1935 ;
« I Fall In Love Too Easily », un tube de Frank Sinatra, créé par Jule
Styne et Sammy Cahn en 1945 pour
le film Escale à Hollywood ;
« This I Dig of You » que Hank
Mobley a enregistré pour Blue Note en 1960 dans l’album Soul Station ; « Detour
Ahead » que Herb Ellis, John Frigo, et Lou Carter ont arrangé en 1947 pour The Soft Winds, l’orchestre de Jimmy Dorsey ; Sleight of Hand se referme sur « Lover
Man », saucisson de 1941 signé Jimmy
Davis, Roger Ramirez et James Sherman.
L’architecture des morceaux respecte à la lettre la
structure du be-bop : thème – solos – thème. D’une durée moyenne de sept
minutes, les solistes ont tout leur temps d’exprimer leurs sentiments. Après
des introductions courtes (« Ask Me Now »), les mélodies sont exposées par le
saxophone ténor (« Soul Eyes »), souvent à l’unisson avec le piano (« Sleight
of Hand »), puis les morceaux se déroulent, énergiques (« Sleight of Hand ») ou
calmes (« Detour Ahead »). La batterie de Jackson est luxuriante (« Soul Eyes »),
ses stop-chorus foisonnent (« Sleight of Hand ») et ses solos explosent (« I
Fall in Love too Easily »), mais son chabada reste inaltérable (« This I Dig of
You »). La walking de Yasukagawa est impressionnante de précision et de
régularité (« Sleight of Hand ») : le plus souvent imperturbable (« Soul
Eyes »), la contrebasse se montre également inventive dans ses solos (« This I
Dig of You ») et sait aussi jouer à l’économie (« In a Sentimental Mood »).
Berkman passe de lignes d’accords fermes (« Ask Me Now ») à des contre-chants
denses (« I Fall in Love too Easily »), et ses développements s’inscrivent en
plein dans la lignée bop (« Sleight of Hand »). Sonorité droite et claire, parfaitement
à son aise dans cette ambiance bop (« In a Sentimental Mood »), le ténor d’Armacost
reste dans le main stream (« Sleight of Hand ») avec des velléités « coltraniennes »
(« This I Dig of You »), époque hard-bop, tandis que son soprano enrichit la
palette du quartet pour des morceaux cool (« I Fall in Love too Easily ») ou
bop (« Lover Man »).
Sleight of Hand ne
vole pas son titre : le NYSQ possède clairement le tour de main pour interpréter le répertoire be-bop !
Le disque
Sleight of Hand
NYSQ
Tim Armacost (ss, ts), David Berkman (p), Daiki Yasukagawa (b)
et Gene Jackson (d).
Whirldwind Recordings – WR4704
Sortie en avril 2017
Liste des morceaux
01. « Soul Eyes », Waldron (09:28).
02. « Ask
Me Now », Monk (07:38).
03. « In a
Sentimental Mood », Ellington (03:29).
04. « Sleight
of Hand », Berkman (07:54).
05. « I
Fall in Love too Easily », Styne & Cahn (05:33).
06. « This
I Dig of You », Mobley (07:48).
07. « Detour
Ahead », Carter, Ellis & Frigo (08:04).
08. « Lover
Man », Davis, Ramirez & Sherman (07:41).
Retour aux sorties 2017 de Whirlwind Recordings
Retour aux sorties 2017 de Whirlwind Recordings
Waller – Mark Lewandowski
Installé à Londres, sorti de la Guildhall School of Music
and Drama et habitué du Ronnie Scott’s Jazz Club, le contrebassiste Mark Lewandowski s’est produit aux côté
de Soweto Kinch, John Surman, Tina May, Jean Toussaint…
En 2016 il monte un trio avec le pianiste Liam Noble et le batteur Paul Clarvis dans l’idée d’interpréter
des œuvres de Fats Waller : Waller a été enregistré au Vortex et
sort chez Whirldwind Recordings en avril 2017.
Le répertoire de Waller
tourne autour de neuf morceaux composés par le facétieux pianiste, né en 1904 et
mort en 1943, et « Surprise Ending » de Jelly Roll Morton.
Lewandowski reprend Waller sans stride, 4/4 bien marqués, ni
chant gouailleur haut perché. Quelques signes évoquent le passé : une voix
off qui annonce Waller (« Lulu’s Back In Town »), une prise de son lointaine et
le stride (« Fair & Square In Love ») ou un enregistrement radiophonique («
Honeysuckle Rose »). Le trio reste respectueux des mélodies (« Ain’t Misbehavin’
»), se renvoie la balle avec adresse (« Jitterbug Waltz ») et adapte les
rythmes : walking et chabada be-bop (« Lulu’s Back In Town »), valse («
Cinders »), marche (« Fair & Square In Love »), lignes modernes (« Ain’t
Misbehavin’ »)… Noble swingue («
Ain’t Misbehavin’ »), sautille (« I’ll Be Glad When You’re Dead... Susannah
»), s’amuse à glisser des ruptures mélodiques et harmoniques dans son discours («
Lulu’s Back In Town ») et ses solos sont inventifs (« Blue Because Of You »). Clarvis
possède un drumming dynamique (« Lulu’s Back In Town »), souvent foisonnant («
It’s a Sin to Write a Letter »), mais sait aussi se montrer minimaliste (« Fair
& Square In Love ») et subtil (« Jitterbug Waltz »). Sonorité grave et jeu souple (« Lulu’s Back In
Town »), Lewandowski passe d’une walking rapides (« Blue Because Of You ») à des
motifs sourds (« I’ll Be Glad When You’re Dead... Susannah »), via un chorus
profond a capella (« Have a Little Dream on Me ») et des solos chantants («
Jitterbug Waltz »). Waller se conclut
sur une note d’humour avec le « Surprise Ending » de Morton, chanté
et sifflé sur un accompagnement nostalgique… dans le style de Waller.
Noble, Clarvis et Lewandowski donnent une interprétation contemporaine
élégante de l’œuvre du pianiste au galurin !
Le disque
Waller
Mark Lewandowski
Liam Noble (p), Mark Lewandowski (b) et Paul Clarvis (d).
Whirldwind
Recordings – WR4703
Sortie en avril 2017
Liste des morceaux
01. « Lulu's
Back In Town » (04:44).
02. « I'll
Be Glad When You're Dead... Susannah » (05:12).
03. « Jitterbug
Waltz » (06:16).
04. « Blue
Because Of You » (03:40).
05. « Fair
& Square In Love » (07:03).
06. « Cinders
» (04:33).
07. « It's
a Sin to Write a Letter » (04:31).
08. « Have
a Little Dream on Me » (02:02).
09. « Ain't
Misbehavin' » (06:15).
10. « Honeysuckle
Rose » (01:55).
11. « Surprise
Ending », Morton (03:13).
Toutes les compositions sont signées Waller, sauf indication
contraire.
Retour aux sorties 2017 de Whirlwind Recordings
Retour aux sorties 2017 de Whirlwind Recordings
10 janvier 2018
Django Extended - The Amazing Keystone Big Band
Après Pierre et le loup
(2013), Le carnaval des animaux
(2015) et un Live au Crecent (2016), la
joyeuse bande de The Amazing Keystone Big Band prend les chemins de traverse
pour rendre hommage à Django Reinhardt.
L’orchestre, formé en 2010 par les trombonistes Fred Nardin et Bastien Ballaz, le saxophoniste Jon Boutellier et le trompettiste David Enhco, regroupe dix-sept musiciens autour de quatre
trompettes, quatre trombones, cinq saxophones et une section rythmique composée
d’une guitare, d’un piano, d’une basse et d’une batterie. Pour Django
Extended, The Amazing Keystone Big Band invite Stochelo Rosenberg, Didier
Lockwood, Thomas Dutronc et Marian Badoï.
Django Extended
sort en octobre sur le label Nome et, comme Pierre
et le loup et Le carnaval des animaux,
il fait l’objet d’une adaptation didactique pour les jeunes et moins jeunes… Et
après Edouard Baer, Denis Poalydès et Leslie Menu, c’est au tour de Guillaume
Gallienne de raconter l’histoire de Monsieur
Django & Lady Swing.
Django Extended
reprend neuf tubes de Reinhardt : « Djangology », « Troublant boléro », «
Nuages », « Rythme futur », « Manoir de mes rêves », « Tears », « Anouman », «
Flèche d'or » et « Minor Swing ».
Comme dans les précédents opus, portée par une véritable
armée de soufflants, les arrangements sont flamboyants : contre-chants tantôt
tonitruants (« Djangology »), tantôt raffinés (« Troublant boléro »),
chœurs vigoureux (« Nuages »), unissons intenses (« Flèches d’or »)
et vrombissements communicatifs (« Minor Swing »). Entre Duke Ellington, pour les atmosphères sophistiquées
(« Troublant boléro »), et Thad
Jones et Mel Lewis pour l’exubérance
swing (« Djangology ») et bop (« Flèche d’or »), The Amazing
Keystone Big Band s’appuie sur une section rythmique énergique qui embarque souvent
l’orchestre à grand renfort de lignes d’accords puissantes de la guitare et du
piano (« Anouman »), de walking véloces (« Flèches d’or ») parsemées
de shuffle (« Nuages ») et de chabada robustes (« Anouman »)
ponctués de rim shot (« Djangology »). A l’instar des big band de la
swing era, des plages sont aménagées pour que les solistes de l’orchestre prennent
des chorus. Quant aux guest stars, elles peuvent compter sur un moteur sur-vitaminé
pour les soutenir : fidèle à la tradition manouche, Rosenberg navigue
entre traits virtuoses (« Djangology ») et lyrisme (« Manoir de
mes rêves ») ; Lockwood passe de l’esprit bop (« Minor Swing »)
au style gipsy (« Nuages ») ou à un chorus aérien (« Rythme
futur ») avec l’aisance qu’on lui connait ; Dutronc et Badoï marient avec
élégance guitare et accordéon pour une belle ballade aux accents nostalgiques qui
s’envole, conduite par la rythmique entraînante (« Tears »). « Minor
Swing » donne l’occasion aux quatre invités de se livrer à un chase enjoué
dans la plus pure tradition manouche, encouragés par un chorus dynamique de la
batterie et le rugissement des soufflants…
Porté par des arrangements habiles, des solistes inspirés et
un répertoire inusable, Extended Django
rayonne : The Amazing Keystone Big Band dégage une vitalité contagieuse…
Le disque
Django Extended
The Amazing Keystone Big Band
Félicien
Bouchot, David Enhco, Vincent Labarre et Thierry Seneau (tp), Loïc
Bachevillier, Bastien Ballaz, Aloïs Benoit et Sylvain Thomas (tb), Jon
Boutellier, Pierre Desassis, Kenny Jeanney, Eric Prost et Ghyslain Regard
(sax), Thibaut François (g), Fred Nardin (p), Patrick Maradan (b) et Romain
Sarron (d), avec Marian Badoï (acc), Thomas Dutronc (g), Stochelo Rosenberg (g)
et Didier Lockwood (vl).
Label Nome
Sortie en octobre 2017
Liste des morceaux
01. «
Djangology » (6:19).
02. «
Troublant boléro » (5:36).
03. «
Nuages » (6:40).
04. «
Rythme futur » (8:37).
05. « Manoir
de mes rêves » (6:39).
06. « Tears »
(4:24).
07. « Anouman »
(6:44).
08. « Flèche d'or »
(6:23).
09. «
Minor Swing » (5:22).
Toutes les compositions sont signées Reinhardt.