Le 25 mai Fred
Pasqua sera au Sunset pour présenter Moon
River, premier disque sous son nom, qui sort sur le label Bruit Chic. L’occasion
de découvrir un batteur passionné…
La musique
Plusieurs
étés de suite, ma mère et son ami allaient dans les bals pour danser… Je devais
avoir six ou sept ans… Et lorsque j’ai vu une batterie pour la première fois,
mais surtout entendu le son qui en sortait, j’ai tout de suite flashé… Un flash
pour la vie ! Je me mettais derrière la scène et j’observais, j’écoutais...
J’étais vraiment fasciné par cet instrument !
J’ai
commencé par l’apprentissage des percussions classiques au conservatoire de
Salon de Provence. Il y avait une harmonie dans laquelle je pratiquais les
timbales chromatiques et quelques petites percussions. Avec le temps, je suis
passé à la batterie. Je ne jouais pas forcément ce qui était écrit sur les
partitions, mais respectais la trame des morceaux… J’improvisais déjà beaucoup
et j’aimais ça ! Par la suite, j’ai joué dans un groupe de rock, puis un
autre et ainsi de suite…
Après
ces quelques expériences, j’ai souhaité consacrer ma vie à la musique... J’ai donc
rejoint l’école de batterie Nadia et
Gilles Touché, à Aix en Provence. J’y ai découvert une méthode de travail, écouté
beaucoup de musiciens, étudié des batteurs, bien sûr – Elvin Jones, Christian
Vander – et vu beaucoup de concerts….
En
parallèle j’ai joué dans plusieurs groupes, pas mal de musique électrique.
Au
début des années quatre-vingt, ma Mère avait un disque vinyle de Dave Brubeck et son quartet. Ils jouaient
la musique de West Side Story.
J’adorais le son de ce disque et l’écoutais très souvent... En fait le jazz est
venu à moi comme une évidence : le désir de jouer des choses plus acoustiques,
avec un autre son... C’est comme ça que j’ai acheté ma première Gretsch :
une batterie défraîchie avec des vieilles cymbales. Et je me suis mis à
travailler différemment. Vander, Jones, Tony
Williams, Miles Davis, Milton Nascimento, Maurice Ravel… et beaucoup d’autres musiciens m’ont influencé… Aujourd’hui,
j’écoute attentivement le batteur, tromboniste, pianiste et compositeur Tyshawn Sorey.
Rencontrer
des musiciens tels que Robin Nicaise,
Yoni Zelnik, Yoann Loustalot, Sandro
Zerafa, Romain Pilon… a
également été décisif : ils m’ont donné envie de monter sur Paris ! Maintenant,
depuis plus de dix ans, je vis pleinement mes tentations musicales !... Dans
de nombreux projets, et je les assume de plus en plus. Tout cela m’a permis
d’enregistrer mon premier disque sur le label Bruit Chic avec une formation qui
me touche particulièrement : Loustalot, Nelson Veras, Zelnik, Laurent
Coq, Adrien Sanchez, Nicaise, Jean Luc Di Fraya… et, désormais, je partage ma vie
entre Paris et Marseille…
Cinq clés pour le jazz
Qu’est-ce
que le jazz ? La liberté dans
un cadre… C’est un peu comme les saisons d’une série qui défilent : avec
plein d’aventures à l’intérieur ! Mais les cadres évoluent et, parfois, les
formes peuvent devenir très complexes... Le Jazz est en perpétuel évolution. Dès
lors qu’on l’accepte, cette musique offre une grande ouverture sur le monde.
Pourquoi la
passion du jazz ? Cette
musique a une longue histoire… Toute une tradition qu’il est impossible de contourner
et c’est passionnant !... Plus je vieillis, plus je retourne en arrière…
pour mieux avancer ! Par ailleurs, l batterie est liée au jazz et elle a
évolué avec cette musique… Ensuite, il y a l’improvisation dans des formes
établies, être le plus libre possible dans une histoire… Faire entendre son
histoire, s’amuser avec, prendre des risques… C’est d’autant plus passionnant que
l’on s’efforce de respecter les codes de cette musique… J’aime ces instants quand
les musiciens communiquent bien entre eux, cette sensation de communion quand le
groupe est réactif à ce que vous proposez et vice et versa… Quand la musique
devient autre chose. Ce n’est plus mécanique, mais plutôt des effleurements
entre les instruments, des dynamiques particulières… Il est difficile d’exprimer
tout ça ! Il faut chercher et pratiquer dans ce sens pour ressentir ces sensations...
Où écouter
du jazz ? Si je veux vraiment écouter du jazz avec attention, ce
sera chez moi, sur mon canapé, devant ma chaîne stéréo... Sinon, un peu dans la
voiture et, quand je suis en déplacement, au casque…
Comment
découvrir le jazz ? Il faut en écouter en club et sur vinyle...
Le vinyle, mais pas les rééditions, respectent la couleur du jazz : écoutez
Out To Lunch d’Eric Dolphy en CD, puis mettez le vinyle derrière… On gagne tout un
spectre de fréquences qui n’existent pas sur CD, notamment pour les cymbales… Le
vinyle respecte les dynamiques !... Mais bon, rien de mieux que d’aller
voir des concerts, dans les clubs. Si possible dans les petits endroits, où les
musiciens jouent acoustique, sans micro... Je n’ai rien contre les festivals,
bien sûr, mais le son est souvent « abimé » par les micros, sauf, évidemment,
quand les ingénieurs du son connaissent cette musique et savent comment la
restituer, sans jamais forcer.
Une anecdote
autour du jazz ? Je n’en connais pas vraiment… Sauf celle du
contrebassiste Ira Coleman qui m’a
dit un jour qu’il avait mis trois mois avant d’arriver à jouer avec Tony Williams :
il avait toujours l’impression de se prendre un trente-huit tonnes sur la tête lorsque
Tony commençait à jouer… Finalement il avait fini par trouver sa place et il
l’a gardée….
Le portrait chinois
Si j’étais
un animal, je serais un sanglier,
Si j’étais
une fleur, je serais une orchidée,
Si j’étais
un fruit, je serais une banane,
Si j’étais
une boisson, je serais du
vin
rouge,
Si j’étais
un plat, je serais une omelette
berbère,
Si j’étais une
lettre, je serais A,
Si j’étais
un mot, je serais volonté,
Si j’étais
un chiffre, je serais 13,
Si j’étais
une couleur, je serais noir,
Si j’étais
une note, je serais sol,
Les bonheurs et regrets musicaux
A
ce jour mon disque Moon River est mon plus grand bonheur musical ! Je
regrette de ne pas savoir écrire correctement la musique et, surtout, de ne pas
arriver à retranscrire tout ce que
j’entends, mais je m’y mets…
Sur l’île déserte…
Quels
disques ? Nefertiti de Miles Davis,
Equality: Alive at MPI de Nasheet Waits, Pursuance de Kenny Garrett,
Dharma Days de Mark Turner, Black Codes
(From The Underground) de Wynton
Marsalis, Puttin’ It Together d’Elvin Jones, Unspoken de Matt Brewer,
Bill Frisell, Dave Holland, Money Jungle
de Duke Ellington, Ella et Louis… et
bien d’autres! La
liste serait trop longue !
Quels
livres ? Les chaussures Italiennes de Henning Mankell.
Quels
films ?
Mad
Max 1 de George Miller, Affreux, sales et méchants d’Ettore Scola, Rencontre du troisième type de Steven
Spielberg, Sur la route de Madison
de Clint Eastwood, La grande évasion de John Sturges, Le Corniaud de Gérard Oury,
L’homme de Rio de Philippe De Broca, Three Billboards de Martin
McDonagh, Little Big Man d’Arthur Penn…
Quelles
peintures ? Les peintures de Francis
Bacon.
Quels
loisirs ? Partir avec ma compagne, découvrir des endroits et s’y
perdre… Et se faire des bonnes bouffes avec des bons vins !
Les projets
Tout
d’abord, je veux vivre à fond la sortie de mon disque Moon River et pouvoir jouer sur scène autant de fois que possible avec
ce groupe… En tant que sideman, je veux continuer l’aventure avec le quartet
Lucky Dog, le trio Aérophone de Loustalot et Glenn Ferris, le trio et le quartet de Pilon, Les quatre vents, le
quartet de Simon Martineau, un
guitariste des plus prometteurs, rejouer avec le saxophoniste Walter Smith III… Et, au mois de mai et
Juin, faire une belle tournée en Russie avec le groupe Old And New Song… Sinon,
je veux aussi transmettre le peu que je connais... J’ai eu récemment une belle
expérience au conservatoire de Bobigny : deux belles journées de travail
avec les élèves de la classe de jazz, organisées par le guitariste Maxime Fougères.
Trois vœux…
1.
Faire un 2ème disque.
2.
Avoir un pied à terre plus grand à Paris que mes quinze mètres carrés
actuels... Mais faut pas rêver !
3.
Que l’on soit moins « bête » sur cette planète...