Formé en 2014 par Alexandre Herer (claviers), Olivier Laisney (trompette) et Julien Pontvianne (saxophone ténor et clarinette), le Onze Heures OnzeOrchestra ne chôme pas : en septembre 2017, il se produit au Studio de
l’Ermitage dans le cadre du festival Jazz à la Villette pour la sortie de leur Volume 1… Et rebelote le 11 mai 2018
pour le Volume 2 !
En dehors de Joachim Govin, tous
les musiciens du Volume 2 ont
répondu présents : Franck Vaillant et Thibault
Perriard à la batterie, Florent Nisse à la
contrebasse, Stéfan Caracci au vibraphone, Johan Blanc et Michel
Massot au trombone (ou au tuba pour le deuxième), Stéphane
Payen et Denis Guivarc’h au saxophone alto, et Magic
Malik à la flûte et au chant pour les deux morceaux qui clôturent le
concert.
L’orchestre joue des morceaux tirés du
répertoire des deux volumes et poursuit sa route le long de la musique
contemporaine. Steve Reich, Maurice Ohana, Isaac Albeniz, György Ligeti, Conlon Nancarrow, Edgar Varese, Olivier
Messiaen, Morton Feldman…
s’invitent à la fête, le plus souvent en filigrane. Les deux sets commencent d‘ailleurs
par des œuvres contemporaines interprétées par le duo Les Discordantes. C’est
d’abord la percussionniste Amélie Grould
qui joue « Having Never Written a Note For Percussion (for John Bergamo) »,
œuvre composée par James Tenney, en 1971 :
sur la mezzanine du Studio de l’Ermitage, les vibrations du gong croissent
progressivement en intensité, du pianissimo au fortissimo, avant de décroître
dans un mouvement continu jusqu’à retrouver le pianissimo initial. La
saxophoniste Safia Azzoug enchaîne
ensuite sur « Tre pezzi per sassofono », écrites par Giacinto Scelsi en 1956. Les trois pièces
sont imbriquées : après un démarrage lent et mystérieux, ponctué de sauts
d’intervalles et de quelques accents médiévaux, le soprano égrène une belle
mélodie étrange… Quant au duo qui introduit le deuxième set, il s’inscrit dans
la musique répétitive et l’esprit de Terry
Riley (« A Rainbow In Curved Air ») plane au-dessus de cette
composition signée Pontvianne : les pédales du soprano d’Azzoug
s’immiscent dans les boucles du vibraphone de Grould et l’ensemble évolue par
petites touches, puis débouche sur un passage minimaliste.
Le Onze Heures Onze Orchestra attaque la
première partie avec « Proverb » de Reich, arrangé par Herer. Sur une
rythmique solide, des nappes d’accords au clavier et un riff de vibraphone, les
soufflants juxtaposent leurs voix dissonantes et Laisney s’envole dans un
chorus tendu. Caracci a écrit « Densité 11.11 » (évidemment !) à
partir du « Densité 21.5 » de Varese. Ce morceau ludique démarre avec
Massot, qui souffle et crie dans son tuba bouché, sur une rythmique
minimaliste, avant que l’orchestre entre en jeu petit à petit et qu’Herer
prenne un solo à base de clusters et de motifs économes dans une lignée free
contemporain. La « Fanfare pour Denis » (Guivarch’) de Payen, inspirée par
Ligeti et Nancarrow, commence par un cri d’oiseau à l’unisson et s’oriente vers
un concerto déchaîné pour saxophone alto, porté par un accompagnement touffu.
Signé Vaillant, « Raja » est un morceau soigné et plutôt méditatif. A
contrario, « Kung Fu 37 », écrit par Guivarch’ à partir de modes développés par
Messaien, foisonne et se base sur des questions – réponses entre tous les
instruments.
C’est avec l’« Autoportrait » d’Alban Darche, mélange d’Ohana et d’Albeniz,
que débute la deuxième partie. Sur une rythmique puissante, le saxophone alto
brode des lignes impétueuses, tandis que les chœurs rappellent une fanfare. Laisney
a cherché chez Messiaen les racines d’« Arcane 4 ». Après des
contrechants du tuba et du vibraphone, des mouvements des soufflants à l’unisson
et un chorus sombre de la contrebasse, le morceau décolle sur un rythme
quasiment funky. Malik rejoint l’orchestre pour « From Crippled Symmetry », un arrangement
d’Herer de la pièce éponyme de Feldman. Les développements en suspension de la
flûte, puis du saxophone alto, sur les ostinatos étirés des chœurs et les notes
éparses du piano contrastent avec la rythmique entraînante. L’orchestre
enchaîne avec « XP32 » de Malik : son chant, entre blues et
incantations africaines, est particulièrement expressif, avec son lot de cris,
passage en voix de tête et autres effets expressionnistes.
Dans Volume II, « Little
Thing To », morceau dansant aux accents orientaux et bop, de Payen, et « Study
For Player Piano N°20 », une transcription par Pontvianne de l’étude éponyme
de Nancarrow, constituée d’alternances d’échanges minimalistes et de contrepoints
recherchés, viennent compléter le programme. A noter la prise de son et le mixage
impeccable du disque.
Fanfare contemporaine, le Onze Heures Onze Orchestra réussit à présenter un
propos complexe sous une forme séduisante : les structures musicales
sophistiquées s’appuient sur une rythmique charnelle.
Le disque
Onze Heures Onze
Orchestra
Olivier Laisney (tp), Julien Pontvianne (cl, ts), Stéphane Payen (as),
Denis Guivarc’h (as), Johan Blanc (tb) ou Michel Massot (tb, tu), Stéfan
Caracci (vib), Alexandre Herer (p, org), Joachim Govin ou Florent Nisse (b) et
Franck Vaillant ou Thibault Perriard (d), avec Magic Malik (fl).
Onze Heures Onze – ONZ027
Sortie en mai 2018
Liste des morceaux
01. « Little Thing To », Payen (5:32).
02. « Densité 11.11 », Caracci (5:41).
03. « From Crippled Symmetry », Herer (8:04).
04. « Arcane 4 », Laisney (7:32).
05. « Study For Player Piano N° 20 », Pontvianne (6:20).
06. « Kung Fu 37 », Guivarch’ (5:48).
07. « XP32 », Malik (6:06).