05 juin 2020

A la découverte de Guillaume Perret…


Une base de jazz, assaisonnée d’électro, pimentée de rock progressif et d’un brin d’ambient, la musique de Guillaume Perret relève autant de la tradition que de la science-fiction. Un son et un univers musical aussi personnels attisent la curiosité et l’envie de partir à la découverte de cet artiste inclassable…


La musique

J’ai toujours voulu un sax comme instrument principal et rien d’autre. Dès que j’ai pu en avoir un, à sept ans, je me suis immédiatement mis à en jouer comme si je savais comment faire… Ce qui n’était pas vraiment le cas !

A six ans, j’entre au Conservatoire à Rayonnement Régional d’Annecy, dans la section classique, mais avec un tempérament d’autodidacte, qui veut toujours tout faire à sa manière… Elève irrégulier, timide en cours, avec des mauvaises notes en théorie musicale – ce n’est que bien plus tard que je m’y suis mis, quand j’ai pu en saisir l’intérêt – je m’en suis sorti grâce aux dictées de notes et en vivant les examens comme des concerts !

Au conservatoire, dès le début, je guette l’orchestre d’harmonie qui joue de temps en temps un peu de Glenn Miller. Quand les premiers ateliers jazz et le big band junior ont été créés, je me suis mis au ténor : avoir le droit d’improviser a été une révélation !

J’ai réussi mes diplômes de conservatoire Jazz et Classique avec les félicitations, puis le Diplôme d’État de professeur de musique en candidat libre. A côté, je participe à une multitude de jam sessions et de concerts, soit dans un esprit « sérieux », quand je joue du jazz avec des aînés, soit avec mes amis et, dans ce cas, je joue beaucoup de percussions ou de flûtes, que je fabrique moi-même. J’apprends aussi des techniques d’autres pays et fais beaucoup de rue. Johann Sebastian Bach, Dexter Gordon, Frank Zappa, Hariprasad Chaurasia, King Crimson, toute la période de Jazz Ethiopien, John Surman… comptent parmi mes influences principales.

Vers dix-neuf ans, à Genève, une jam session m’a ouvert la scène musicale suisse. Cela m’a permis d’avoir beaucoup d’expériences de sideman et de jouer en priorité dans des projets qui m’ont donné la possibilité de me développer artistiquement : jazz, expérimental, urbain, DJs, Funk, Africain, Latin… Sans jamais avoir besoin de faire des animations ou des concerts alimentaires. En parallèle, j’ai également beaucoup appris en donnant des cours. C’est aussi à cette période que j’ai commencé à voyager pour aller jammer plus loin : Londres, New-York, Berlin… Et peu de temps après, j’ai reçu mes premières commandes pour des musiques de spectacles, théâtre, danse... Je suis resté en Suisse plusieurs années et fait des tournées sur tous les continents avec ces différents projets, mais rarement en France.

En 2009, une fois que j’ai trouvé mon son, j’arrive à Paris avec mes pédales d’effets et un kilo de compositions… mais je ne connais personne et personne ne me connait ! Je commence donc par jouer tous les soirs dans différentes jam sessions pour me connecter. Au début je travaille même le sax dans un parking souterrain… Petit à petit, je trouve un local, des musiciens qui me plaisent et monte mon premier projet en leader : The Electric Epic. Après quelques années de mise en place, à gérer tout moi-même, le projet décolle et je finis par recevoir beaucoup de propositions de la part de plusieurs producteurs. Les deux albums que je sors avec ce groupe sont bien accueillis, puis j’en enregistre un autre en solo, tout en continuant de composer ou jouer pour la danse et le cinéma…


Cinq clés pour le jazz

Qu’est-ce que le jazz ? Pour moi, le jazz est un métissage musical ininterrompu, une piste ouverte à l’intégration de toutes sortes d’influences… Né d’un mélange, il n’a cessé de se régénérer après sa soi-disant mort, maintes fois annoncée. Dès ses origines, c’est une musique bâtarde : c’est ce qui en fait sa richesse et sa complexité́. Sous l’effet des mélanges, quasiment exponentiels, le jazz a généré beaucoup de styles différents, tout en gardant cette fraternité et ce respect des anciens qui le caractérisent. Comme moyen d’expression, le jazz permet aussi de pousser les instrumentistes à un haut niveau de performance, ce qui lui donne parfois une mauvaise image, de musique élitiste et compliquée… Pour moi, le jazz reste une musique sauvage, un tremplin pour l’improvisation et la prise de risques…

Pourquoi la passion du jazz ? Le jazz permet de comprendre les concepts de l’harmonie tonale et modale, outils indispensables pour s’adapter et improviser sur n’importe quel style de musique. Le jazz est une clé magique, qui ouvre toutes les portes musicales pour des rencontres et des échanges internationaux.

Comment découvrir le jazz ? C’est toujours passionnant de découvrir la vie des anciens par des livres, récits, films ou documentaires. Ils aident à palper l’énergie de cette époque et de la replacer dans un contexte qui lui donne tout son sens. Du coup, écouter John Coltrane dans les rues de New York à la tombée de la nuit prend une autre dimension ! Il faut réussir à sentir cette vibration...

Aborder le jazz par la base est une bonne chose, mais ce n’est pas la seule... Il faut aussi aller aux concerts : se prendre une bonne dose d’énergie live peut être redoutablement efficace, selon le groupe bien sûr ! [Sourire] C’est pour cela que je recommande mes projets ! [Rires] Ma démarche est d’accrocher le public dès la première note. Il est important pour moi qu’un maximum de spectateurs ressente des sensations fortes. Je donne donc des clés pour que la musique ne soit pas réservée aux spécialistes. Une fois que j’ai accroché la salle, je peux décoller et faire plein de trucs bizarres : le public me suit sans soucis et les connaisseurs y trouvent également leur compte. Je crois que beaucoup de trop jazzmen se soucient avant tout de leur performance instrumentale, comme si de proposer un show, serait ne pas être « pur »… D’où cet aspect élitiste. V’est bien dommage ! En tout cas, moi, en tant que public, je ne veux pas un bon concert, je veux du waouh !


Le portrait chinois

Si j’étais un animal, je serais un singe,
Si j’étais une fleur, je serais une marguerite,
Si j’étais un fruit, je serais une banane,
Si j’étais une boisson, je serais un rhum vieux,
Si j’étais un plat, je serais une côte de bœuf avec un os à moelle au gros sel, une Côte-rôtie et une bonne salade verte
Si j’étais une lettre, je serais G,
Si j’étais un mot, je serais Epic,
Si j’étais un chiffre, je serais 9,
Si j’étais une couleur, je serais rouge,
Si j’étais une note, je serais souvent sol et parfois mi


Les bonheurs et regrets musicaux

Ma plus belle réussite musicale, c’est de pouvoir m’adapter à tout moment, à tout type de musique et à tout type de musicien, légende ou débutant, et d’arriver à faire sonner le tout comme si nous avions travaillé ensemble depuis longtemps. Je trouve toujours une voie et une manière de relier les choses entre elles : dans un premier temps je reste à l’écoute et j’absorbe comme une éponge toutes les propositions musicales, puis j’y réponds clairement, pour mettre le(s) musicien(s) en confiance, sans hésiter à proposer des envolées surprenantes, quand la connexion est faite. Cette possibilité de pouvoir dialoguer à tous moments de manière universelle est, pour moi, la plus grande des richesses. Pendant les tournées, je me joins à toutes sortes de groupes que je rencontre sur ma route ou j’invite des artistes à se joindre à moi, j’adore ça !

Côté regrets, c’est d’avoir été contraint de refuser le Book of Angels que me demandait John Zorn


Sur l’île déserte…

Quels disques ? Upon Reflection de John Surman.

Quels livres ? Le petit Prince d’Antoine de Saint-Exupéry.

Quels films ? Brazil de Terry Gilliam.

Quelles peintures ? Un Paul Gauguin, période polynésienne, ça ira bien dans le décor et, comme ça, j’aurai une présence féminine ! [Rires]

Quels loisirs ? De la plongée en apnée et des cabanes dans les arbres…



Les projets

D’abord, la sortie de A Certain Trip le 5 juin 2020 : j’en suis content et ça va être fort à tourner car l’équipe est soudée !

Par ailleurs, depuis quelques temps, je travaille sur une nouvelle formule magique, qui devrait me permettre de générer des collaborations nombreuses et variées dans d’autres cercles musicaux que celui du jazz… Mais je n’en dis pas plus pour le moment !

A part ça, je compose toujours des musiques pour les spectacles de différentes compagnies, et, notamment, depuis trois ans, pour celle de Carolyn Carlson, que j’aime beaucoup.



Trois vœux…

1. Pouvoir rester toujours curieux, alerte, créatif et productif… 


2. Pouvoir me détacher complètement de tout l’aspect communication et promotion…Même si j’adore mon agence de presse ! [Clin d’œil] 


3. Réussir à concevoir un jour une musique complètement épurée et d’une extrême puissance…