31 décembre 2021

21 décembre 2021

Poetry of Storms – Sylvain Cathala Quintet

Après Print, un quartet avec
Stéphane Payen, Jean-Philippe Morel ou Jean-Luc Lehr et Frank Vaillant, un trio aux côtés de Sarah Murcia et Christophe Lavergne, un septet en compagnie de Marc Ducret, Benjamin Moussay, Guillaume Orti, Bo Van der Werf, Murcia et Lavergne, et bien d‘autres projets en parallèle, Sylvain Cathala a monté un quintet qui réunit Olivier Laisney, Moussay, Frédéric Chiffoleau et Maxime Zampieri, avec lequel il sort un treizième disque sous son nom, Poetry of Storms, sur le label du Triton.

Cathala est l’auteur des huit morceaux. Le saxophoniste est visiblement marqué par l’espace : « Centaurus A », « Sirius Story », « Laniakea »… à moins que ce ne soit la mythologie (« Enée’s Story »), ou les deux !

Les mélodies de Cathala sont résolument modernes, sous forme d’airs dissonants et secs (« Centaurus A »), de thèmes-riffs endiablés (« Study 5 »), de questions – réponses recherchées (« My Strong Identity, My Real Self-2 ») ou de ballades sophistiquées (« Line 2 »). Le plus souvent denses et nerveux (« W.I.C. (Winter Is Coming) »), les développements s’appuient sur des constructions harmoniques complexes (« Sirius Song ») et une tension coriace (« Study 5 »), renforcée par des interactions foisonnantes (« Enée’s Story »). La rythmique, costaude (« Sirius Song »), navigue entre un « néo bop contemporain » (« Enée’s Story ») et des motifs entraînants (« Study 5,»), voire délirants (« My Strong Identity, My Real Self-2 »), en passant par des lignes dansantes (« W.I.C. (Winter Is Coming) »), parfois teintées de funk (« Laniakea »). Claire et vive (« Enée’s Story »), la trompette s’envole dans des chorus virtuoses (« Sirius Song ») ou des lignes aériennes (« Line 2 »). Le saxophone ténor joue volontiers des phrases fragiles (« Enée’s Story »), parfois soulignées par un vibrato subtil (« My Strong Identity, My Real Self-2 »), prend des solos fluides et puissants (« Sirius Song »), et dialogue en contre-chant ( « Study 5 ») ou  cavale à l’unisson (« W.I.C. (Winter Is Coming) ») avec la trompette. Le piano bondit d’un phrasé contemporain (« Centaurus A ») pimenté de swing (« My Strong Identity, My Real Self-2 » ), à un mouvement enlevé (« Study 5 »), et accompagne les solistes d’accords discordants (« Sirius Song »), en pointillés (« Enée’s Song ») ou en contrepoints (« Laniakea »). La contrebasse assure une carrure solide (« Enée’s Story »), mais déroule aussi des motifs sombres (« W.I.C. (Winter Is Coming) »), des lignes débridées (« Sirius Song ») et des développements mélodieux (« Laniakea »). Touffue et enthousiaste (« Sirius Song »), la batterie promène ses frappes chaloupées (« Study 5 ») en toute liberté (« Centaurus A »), avec un solo à base de roulements énergiques (« W.I.C. (Winter Is Coming) »)

Pas le temps de s’ennuyer dans Poetry of Storms : Cathala et sa bande jouent un jazz animé, nerveux, citadin… qui n'endort jamais !

Le disque

Poetry of Storms
Sylvain Cathala Quintet
Sylvain Cathala (ts), Olivier Laisney (tp), Benjamin Moussay (p), Frédéric Chiffoleau (b) et Maxime Zampieri (d).
Le Triton – TR-21564
Sortie le 28 janvier 2022

Liste des morceaux

01. « Centaurus A » (6:26).
02. « Enée’s Story » (5:26).
03. « Sirius Song » (5:39).
04. « W.I.C. (Winter Is Coming) » (6:27).
05. « Laniakea » (6:20).
06. « Study 5 » (5:29).
07. « My Strong Identity, My Real Self-2 » (8:44).
08. « Line 2 » (4:14).

Tous les morceaux sont signés Cathala.


18 décembre 2021

Paradigme – Clover

Clover est un trio monté en 2020 par trois amis de vingt ans : Sébastien Boisseau à la contrebasse, Alban Darche au saxophone ténor et Jean-Louis Pommier au trombone. Après Vert émeraude, sorti en 2020, Clover publie Paradigme le 14 octobre 2021, toujours chez Yolk.

Au programme de Paradigme, dix morceaux, dont les titres sont des jeux de mots - « Label aventure », clin d’œil à Yolk, fondé par les trois compères, « La sensation du temps », presque une contrepèterie – des hommages - « Telemann » pour le compositeur aux six mille œuvres et « Wendat » pour les Hurons – ou le reflet de leur structure – « Canevas », « Paradigme ». Darche en signe huit, et Boisseau et Pommier en proposent un chacun.

Ce qui marque d’emblée, c’est une grande cohérence des thèmes et des développements. Les mélodies sont plutôt courtes (« Laisse aller »), sous forme de tourneries (« La sensation du temps ») ou de riffs (« Paradigme »). Si l’esprit du jazz est omniprésent en filigrane, la musique classique – moderne et / ou baroque – et les musiques folkloriques marquent également Paradigme de leur empreinte. Comme il n’y a pas de batterie, la pulsation rythmique est assurée par des ostinatos (« Les anges silencieux »), des pédales (« Label aventure »), des motifs dansants (« L’empreinte »), des lignes slappées (« Paradigme »), mais aussi par la structure même des échanges, qui pallie également l’absence d’instrument harmonique. En effet, les dialogues reposent sur une savante organisation de contre-chants (« La sensation du temps »), questions-réponses (« Paradigme »), unissons (« Label aventure »), décalages (« Les anges silencieux »), superpositions (« Winter Song ») ou croisements (« Canevas ») des voix, qui n’est pas sans rappeler la musique de chambre classique. La musique circule de l’un à l’autre avec un bel équilibre (« Canevas »), une expressivité communicative (« Wendat »), un esprit ludique évident (« Laisse aller ») et une finesse de jeu à toute épreuve (« Paradigme »).

Dans la lignée de Vert Emeraude, Paradigme confirme que Clover est un trio élégant – à l’instar des flamands roses de la pochette du disque – et que leur musique de chambre moderne vaut incontestablement le détour !

Le disque

Paradigme
Clover
Alban Darche (ts), Jean-Louis Pommier (tb) et Sébastien Boisseau (b).
Yolk Records – J2087
Sortie le 14 octobre 2021

Liste des morceaux

01. « Laisse aller » (4:59).
02. « Canevas » (6:41)
03. « Les anges silencieux » (3:22).
04. « Paradigme » (3:23).
05. « Label aventure », Pommier (5:19).
06. « La sensation du temps » (2:44).
07. « Telemann » (4:14).
08. « Wendat » (4:06).
09. « Winter Song » (2:44).
10. « L'empreinte », Boisseau (3:01).


12 décembre 2021

Under One Sky – Mark Lewandowski

Contrebassiste anglais, désormais installé à New York, Mark Lewandowski (Robert n’est pas son frère…) est passé par la Guildhall School of Music and Drama et la Juillard School. Après le très réussi Waller, dédié à la musique de Fats Waller et sorti en 2017 chez Whirldwind Recordings, le contrebassiste propose Under One Sky, toujours en trio, et publié le 5 novembre 2021.

Lewandowski s’entoure d’Addison Frei au piano et de Kush Abadey à la batterie. Les onze morceaux sont signés Lewandowski. Quant à l’illustration de la pochette – un couple devant un paysage de montagnes sous un ciel de tournesols – c’est une œuvre de la photographe Naomi Allen.

Au milieu des frémissements de la batterie, la contrebasse et le piano exposent à l’unisson le délicat « Introduction (3459 Miles) ». Le développement de Frei reste dans une ambiance intimiste soulignée par les frappes discrètes d’Abadey et la finesse de Lewadowski. Dans « Licks », mené sur un bon tempo, Lewandowski prend un chorus feutré et sinueux, Abadey foisonne et Frei déroule ses phrases limpides dans un registre médium. Le cliquetis de la batterie, le contre-chant vif et souple de la contrebasse et les bonds du piano introduisent « Provarus », qui prend rapidement une voie bop, avec sa walking, son chabada et les envolées véloces du piano. Après un mouvement sombre du piano, porté par les frappes denses de la batterie et la ligne profonde de la contrebasse, « For Paul Bley » part dans un blues du plus bel effet. Ballade tranquille, « The Same Moon » met en valeur le sens musical de Lewandowski et sa belle sonorité boisée. Frei lance « Islands » avec enthousiasme et un humour sautillant à la Erik Satie, soutenu par les notes en pointillés de Lewandowski et le drumming touffu d’Abadey. Frei aborde « Very Well » sur les traces de Bill Evans, avec une mélodie chaloupée qui s’égrène sur ses trois temps, tandis que les balais d’Abadey caresse les peaux et que Lewandowski soliloque avec verve. « Very Well » fait ensuite une escapade dans le bop, avec un piano dont le swing est mis en relief par une walking et un chabada non moins énergiques. Batterie aux couleurs latines, ponctuées de rim shots, contrebasse aux lignes chaloupées, pimentées de shuffle, et piano guilleret emportent la « Queen of the Orchids » dans une ronde entraînante… Des échanges croisés entre une batterie sépulcral, une contrebasse fougueuse et un piano débridé annoncent « For Andrew Hill », que Lewandowski sublime dans un chorus plein d’adresse et de musicalité. Unisson dansant de la contrebasse et du piano sur une batterie touffue : « Skyline » est un thème-riff légèrement teinté de funk. Le développement de Frei s’inscrit dans une lignée bop, sur une rythmique excitante. La contrebasse poursuit le chorus du piano avec le même entrain. Le final s’emballe et permet à Abadey de laisser parler sa puissance. Avec ses lignes croisées élégantes et ses contre-chants, « Under One Sky » s’apparente d’abord un peu à une pièce de musique de chambre, encore marquée ça-et-là par Evans, mais le final s’emballe brusquement, dans une atmosphère de jazz luxuriant.

Dans une lignée néo-bop, Under One Sky est servi par un casting parfait qui fait bouillonner la musique !

Le disque

Under One Sky
Mark Lewandowski
Addison Frei (p), Mark Lewandowski (b) et Kush Abadey (d).
Sortie le 5 novembre 2021

Liste des morceaux

01. « Introduction (3459 Miles) » (03:58).
02. « Licks » (04:28).
03. « Provavus » (04:30).
04. « For Paul Bley » (03:16).
05. « The Same Moon » (05:10).
06. « Islands » (04:28).
07. « Very Well » (05:45).
08. « Queen of the Orchids » (04:21).
09. « For Andrew Hill » (03:04).
10. « Skyline » (05:35).
11. « Under One Sky » (06:21).

Tous les morceaux sont signés Lewandowski.

Alter ego - Yves Rousseau

Yves Rousseau
n’a pas d’œillères ou, plutôt, pas d’« oreillères » ! Sa musique jongle aussi bien avec Franz Schubert (Wanderer Septet), Thomas Jennefelt et Alfred Schnittke (D’amour et de folie) ou la poésie de François Cheng (Murmures), que le rock expérimental (Fragment Septet), les dialogues plus intimistes (Continuum duo) et, bien sûr, le jazz, toujours en filigrane (Spirit Dance).

Dirigé depuis janvier 2019 par Pierre-François Roussillon, transfuge du Théâtre 71 de Malakoff dans lequel Rousseau a été en résidence, l’Orchestre Régional de Normandie propose des spectacles plus variés les uns que les autres depuis près de quarante ans, à l’image d’Alter ego, qui sort sur le label MCO le 10 décembre 2021. Ce programme est une suite de sept mouvements composés par Rousseau comme autant de dialogues entre l’Orchestre Régional de Normandie et le multi-instrumentistes et griot Oua-Anou Diarra. L’artiste burkinabé joue du n’goni, de la flûte peul, des percussions et chante avec les dix-sept musiciens qui entourent le chef d’orchestre Jean Deroyer : sept violons (Florent Maviel, Karen Lescop, Anne Faucher, Jean-Yves Ehkirch, Corinne Basseux-Béguin, Gaëlle Israëliévitch et Jean-Daniel Rist), deux altos (Cédric Catrisse et Adrien Tournier), deux violoncelles (Vincent Vaccaro et Aurore Doué), une contrebasse (Fabrice Béguin), une flûte (Aurélie Voisin-Wiart), un hautbois (Alain Hervé), une clarinette (Gilles Leyronnas), un cor (Arthur Heintz) et un basson (Clément Bonnay).

Les trames mélodiques de Rousseau trouvent aussi bien leurs sources dans le post-romantisme (« Renaissance ») que dans la musique moderne (« Kolokènèya »), avec des touches folkloriques (« Hakilisigi »), voire filmiques (« Clair-obscur »). Les développements s’appuient sur des unissons sépulcraux (« Renaissance ») et majestueux (« Clair-obscur »), des contrepoints élégants (« Hakilisigi »), des contre-chants touffus (« Kolokènèya »)… et jouent avec les textures des cordes (« Man Tao Tao »), des flûtes (« Hakilisigi »), du cor (« Kolokènèya ») et des bois (« Teriya »). Les sonorités de l’orchestre, familières à l’oreille, tranchent avec la douceur boisée du n’goni (« Renaissance »), l’expressivité vibrante de la flûte peul («  Teriya ») et les mélopées (« Clair-obscur »). Autre contraste flagrant, l’approche rythmique : au traitement régulier et linéaire de la musique classique répondent les phrases syncopées, aspérités et autres contorsions dansantes des musiques du monde. Concertiste au n’goni (« Renaissance »), conteur avec un poème en bambara (« Kaari »), choriste puissant (« Renaissance »), chanteur mélancolique (« Clair-obscur »), flûtiste expressif (« Hakilisigi »), percussionniste entraînant (« Man Tao Tao »)… Diarra a évidemment un rôle clé dans Alter ego, « cette rencontre entre deux mondes », comme l’écrit Rousseau.

Alter ego ou les sept promenades d’un rêveur (pas solitaire, celui-là !) en quête d’harmonie entre musique savante et musique populaire… A « médicouter » !

Le disque

Alter ego
Orchestre Régional de Normandie – Jean Deroyer - Yves Rousseau - Oua-Anou Diarra
Oua-Anou Diarra (fl, n’goni, perc, voc), avec Florent Maviel, Karen Lescop, Anne Faucher, Jean-Yves Ehkirch, Corinne Basseux-Béguin, Gaëlle Israëliévitch et Jean-Daniel Rist (vl), Cédric Catrisse et Adrien Tournier (avl), Vincent Vaccaro et Aurore Doué (cello), Fabrice Béguin (b), Aurélie Voisin-Wiart (fl), Alain Hervé (hb), Gilles Leyronnas (cl), Arthur Heintz (cor) et Clément Bonnay (basson).
MCO Label – MCO13
Sortie le 10 décembre 2021

Liste des morceaux

01. « Renaissance (part 1) » (6:17).
02. « Renaissance (part 2) » (5:25).
03. « Hakilisigi (part 1) » (3:43).
04. « Hakilisigi (part 2) » (3:09).
05. « Hakilisigi (part 3) » (6:47).
06. « Kaari (part 1) » (3:22).
07. « Kaari (part 2) » (2:29).
08. « Kaari (part 3) » (1:51).
09. « Teriya (part 1) » (1:07).
10. « Teriya (part 2) » (2:22).
11. « Clair-obscur (part 1) » (2:07).
12. « Clair-obscur (part 2) » (4:25).
13. « Man Tao Tao » (3:44).
14. « Kolokènèya (part 1) » (3:24).
15. « Kolokènèya (part 2) » (3:19).
16. « Kolokènèya (part 3) » (4:11).

Tous les morceaux sont signés Rousseau.