Le 7 juin 2018,
Freddy Morezon s’installe au Studio de l’Ermitage pour une soirée avec trois
groupes qui sortent trois albums sur trois labels : Airs de Moyenne Montagne de La Soustraction des Fleurs, chez Umlaut Records, Trois oiseaux de Sweetest
Choice, chez Mr Morezon, et Tribute To An
Imaginary Folk Band de Bedmakers, chez Babel Label…
Né en 2002, le collectif toulousain Freddy Morezon regroupe
désormais une quinzaine de musiciens autour d’une vingtaine de projets. Outre
la production et la diffusion de créations musicales, Freddy Morezon organise
également des concerts (le rendez-vous mensuel Freddy Taquine), des masters
class, des ateliers musicaux… et, depuis 2006, il possède son propre label, Mr
Morezon.
Airs de Moyenne Montagne
La Soustraction des Fleurs
Les violonistes Jean-François Vrod et Frédéric Aurier jouent
ensemble depuis les années quatre-vingt-dix. En 2003, avec le percussionniste Sylvain Lemêtre, ils créent le trio La
Soustraction des Fleurs. Le trio explore les musiques traditionnelles du Massif
Central et d’ailleurs. En 2006 ils enregistrent un premier album éponyme pour
Signature, le label de Radio France, suivi, en 2015, d’un deuxième opus : L’après de l’avant. Le dernier né, Airs de Moyenne Montagne, sorti en
janvier 2018, est constitué de deux disques : « L’amont », qui
reprend la musique composée pour Les Fêlés, spectacle créé en 2006 par la
chorégraphe Cécile Magnien, et
« L’aval », enregistré en 2017.
Pendant le concert, La Soustraction des Fleurs joue une
partie des seize morceaux de « L’aval ». Toutes les compositions ont
été écrites par le trio.
Dès les premières notes, les deux violons et le zarb
s’emballent, avec la voix qui ajoute son grain de sel, dans un maelstrom
rythmique contemporain, qui débouche bientôt sur une ritournelle aux
consonances médiévales. Sur un zarb énergique, les violons se lancent ensuite,
en contrepoints, dans un une tournerie folklorique pimentée de dissonances. La
musique contemporaine revient sur le devant de la scène, avec des frottements,
couinements, crissements, feulements… et autres effets des violons, suivis de
lignes mélodico-rythmiques désarticulées, entre pizzicatos et archet, pour
finir par un joli clin d’œil aux mélodies baroques. Une farandole, jouée tantôt
à l’unisson, tantôt en contrechants, et portée par la pulsation dynamique du
zarb, oscille entre danse et abstraction. La baie d’Audierne à marée basse
(sic) est dépeinte par des violons préparés et la voix, qui rivalisent
d’expressivité : grincements, souffles, sirènes, stridences, sifflements…
tout à fait dans l’esprit de la musique concrète. Le zarb installe ensuite un
rythme entraînant, quasi rituel, et le morceau devient sombre et majestueux.
Après cet air maritime, les deux violons pastichent un air du Moyen-Age, que le
zarb transforme en une danse entraînante, qui s’achève par des échanges
déchaînés quasi-free… « Colindada » porte bien son nom : à
partir d’un air de Noël joué en Picardie, le trio se lance dans des collages
sonores improbables, dans lesquels la voix divague (« dit vague »,
comme dirait un compère d’Uzeste), les violons s’interpellent à qui mieux mieux
et le zarb se déchaîne, avant que le trio ne conclue le concert sur une
tournerie folklorique irrésistible…
Savants et populaires, joyeux et tristes, sophistiqués et dansants,
ensoleillés et obscurs… les Airs de
Moyenne Montagne présentent indubitablement deux versants : L’adret et
L’ubac…
Le disque
Airs de Moyenne Montagne
La Soustraction des Fleurs
Jean François Vrod (vl, voc), Frédéric Aurier (vl, voc) et
Sylvain Lemêtre (zarb, voc)
Umlaut Records – UMFR-CD2425
Sortie le 22 janvier 2018
Liste des morceaux
Disque 1 - Amont
01. « Aléas de Notice », Vrod (02:02).
02. « Dans 4 Temps à Table », Aurier & Lemêtre
(02:41).
03. « En Forme De Gallinacé », Lemêtre (01:36).
04. « OA », Vrod (00:36).
05. « AE », Vrod & Lemêtre (01:11).
06. « Les Pleureurs », Vrod (02:42).
07. « Happy 14 Temps », Vrod (02:54).
08. « 2 Guitares » (02:44).
09. « Electrochoc », Vrod & Lemêtre (01:22).
10. « Obstiné Mais Clair », Aurier & Lemêtre
(00:31).
11. « Obstiné Mais Indécis », Aurier & Lemêtre
(00:48).
12. « Obstiné Mais Matinal », Aurier & Lemêtre
(00:43).
13. « Obstiné Mais Sans Excès », Aurier &
Lemêtre (00:37).
14. « Les Pleureurs 2 », Vrod & Lemêtre (02:19).
15. « Chose d'Importance », Vrod (02:07).
16. « Tango 2TX », Vrod, Aurier & Lemêtre
(03:49).
17. « Last Dance, Last Chance », Vrod, Aurier
(02:27).
Disque 2 – Aval
01. « La Mazurka du Bout du Quai »,
Vrod (01:55).
02. « Ou Sommes-Nous ? », Vrod (02:31).
03. « Echo de Ressort », Vrod, Aurier &
Lemêtre (01:53).
04. « Air de Moyenne Montagne en Automne », Vrod
(03:12).
05. « Total Rebonds », Vrod, Aurier & Lemêtre
(01:14).
06. « Post Milton », Vrod, Aurier & Lemêtre
(02:53).
07. « Nez Bouché (Une Seule Narine) », Vrod, Aurier
& Lemêtre (03:16).
08. « Rêve de Mouche », Vrod (03:44).
09. « Le Chasseur et le Rossignol », Vrod, Aurier &
Lemêtre (04:05).
10. « La Racleuse », Vrod (03:52).
11. « Norsechretto », Vrod, Aurier & Lemêtre
(00:46).
12. « Tréméoc », Vrod, Aurier & Lemêtre (04:14).
13. « Destins Parallèles », Vrod, Aurier & Lemêtre
(00:52).
14. « Pour Un Roi Pacifique », Aurier (01:52).
15. « Scordature Trou D'Air », Vrod, Aurier &
Lemêtre (01:34).
16. « Colindada », Vrod (01:42).
Trois oiseaux
Sweetest Choice
Le trompettiste Sébastien Cirotteau et le guitariste (à douze cordes) Benjamin Glibert forment un duo original : Sweetest Choice. Leur
répertoire va de la musique médiévale à Luigi
Nono (enfin pour l’instant…). Trois
oiseaux, leur premier opus, sort le 7 juin. Pour le concert, le duo reprend
sept des huit morceaux de l’album et joue deux inédits.
L’introduction mystérieuse de la trompette laisse place à une
élégante mélodie de Maurice Ravel, « Trois
beaux oiseaux du paradis », interprétée sur une basse continue qui alterne
des riffs d’accords et des motifs arpégés. « La nuit froide et sombre »
de Roland de Lassus est basée sur des
échanges de contrepoints aux accents médiévaux. Le « Syrinx » de Claude Debussy oscille entre bossa
nova, portée par les accords legato de la guitare, et musique contemporaine. Dans
la bourrée II de la Suite n°1pour orchestre
de Johann Sebastian Bach, la guitare
prend une sonorité de luth pour répondre en contrechant à la trompette. Comme
dans Trois oiseaux, le morceau se
prolonge par un jeu de construction très moderne, « ¿ Donde estás hermano ? »,
signé Nono. Les échanges
mélodico-rythmiques piquants se poursuivent
dans « Milonga para tres », le tango d’Astor Piazzolla. Après une alternance d’accords
parcimonieux et de frappes sur la caisse de la guitare, soutenue par une pédale
de la trompette, « Dans les bois sauvages », un air de musique ancienne
anglaise, monte en tension et se transforme en une tournerie folklorique
entraînante. Les dialogues soignés et les phrases solennelles de « Si la
noche hace escura », du musicien sévillan de la Renaissance Francisco Guerrero, évoquent presque
une chanson d’amour courtois. Le concert s’achève sur la célébrissime chanson interprétée
par Mercedes Sosa, « Alfonsina
y el mar », composée par Ariel
Ramírez sur un texte de Félix Luna
(en hommage à la poétesse Alfonsina
Storni, qui s’est suicidée en 1938 en sautant d’un brise-lame). Cirotteau
commence par réciter le poème avec émotion, puis le duo déroule le thème,
empreint de mélancolie, avant de le développer dans une direction plus dansante,
sur un rythme latino.
Clarté des timbres, netteté des phrasés, raffinement des constructions…
la musique de Sweetest Choice impressionne par sa sobriété intime et
distinguée.
Le disque
Trois Oiseaux
Sweetest Choice
Sébastien Cirotteau (tp) et Benjamin Glibert (g).
Mr Morezon 018
Sortie le 7 juin 2018
Liste des morceaux
01. « Si
la noche haze escura », Guerrero (3:29).
02. « Syrinx »,
Debussy (3:35).
03. « Milonga
para tres », Piazzolla (6:12).
04. « Trois
beaux oiseaux du paradis », Ravel (3:42).
05. « Der Leiermann (in
Winterreise) », Schubert (3 52).
06. « Bourrée
2 (in Suite n°1 pour orchestre) », Bach (1:14).
07. « ¿
Donde estás hermano ? », Nono (5:55).
08. « Alfonsina
y el mar », Ramirez (6:28).
Tribute To An Imaginary Folk Band
Bedmakers
En 2016, Robin
Fincker forme Bedmakers avec son compère de Whahay, le contrebassiste Fabien Duscombs, le violoniste Mathieu Werchowski et le batteur Pascal Niggenkemper. L’objectif du
quartet est de relire la musique folk anglo-saxonne à leur manière.
Le répertoire de Tribute
To An Imaginary Folk Band, sorti en avril, s’articule autour de deux compositions
du guitariste folk américain John Fahey,
deux thèmes signés du guitariste écossais Bert
Jansch et trois airs traditionnels irlandais ou écossais. Pour le concert, Dave Kane remplace Niggenkemper et le
quartet joue cinq morceaux tirés du disque.
La plupart des morceaux alternent passages contemporains,
dans un style musique concrète, dialogues chantants et escapades free. Le violon
grince, crisse et gémit, pendant que la contrebasse vrombit, gronde et ronfle,
tandis que la batterie bruisse, cliquette et foisonne, et que le saxophone
ténor claque, souffle et rugit. Fincker lance ensuite des bribes de phrase qui débouchent
sur une tournerie furieuse, reprise de plus belle à l’unisson ou à contre-chant
par Werchowski, soutenus par les riffs vigoureux de Kane et les frappes puissantes
de Duscombs. L’auditeur est irrémédiablement emporté par ce tsunami de rythmes
et de mélodies d’une expressivité intense. D’autant plus que Bedmakers gère la
tension et le suspens avec maestria.
Avec son jeu varié, nerveux, vif et touffu, Duscombs
maintient la pression du début à la fin. Kane possède une belle sonorité ronde,
grave et boisée. Ses ostinatos, pédales et autres lignes denses donnent de la
gravité aux propos du quartet. Volontiers débridé, Werchowski apporte une
touche originale à la palette sonore de Bedmakers. Son archet s’enflamme
souvent dans des tuttis effrénés, des allers-retours violents et un jeu
particulièrement démonstratif. Quant à Fincker, son gros son au saxophone
ténor, parfois couplé à un vibrato profond, la virtuosité de son phrasé, l’aisance
de ses articulations et la cohérence de ses développements rappellent Sonny Rollins et John Coltrane. Les idées fusent : d’une ritournelle digne d’un
fest-noz à de la musique de chambre contemporaine, en passant des traits
be-bop, des jeux acousmatiques et des envolées free… Même clarté à la
clarinette et toujours autant de classe !
Fincker et ses compagnons prennent le jazz à la lettre :
épris de liberté, ils abolissent les frontières entre musiques populaires et
musiques savantes… Les airs folks ou celtiques passés à la moulinette de
Bedmakers deviennent un cocktail explosif et jubilatoire !
Le disque
Tribute to an
Imaginary Folk Band
Bedmakers
Robin
Fincker (ts, cl), Mathieu Werchowski (vl), Pascal Niggenkemper (b) et Fabien
Duscombs (d).
Mr Morezon
017 & Babel Label
Sortie le 4 avril 2018
Liste des morceaux
01.
« Dying Bedmaker Suite », Fahey (08:37).
02.
« The Gardener », Jansch (05:15).
03.
« Mac Crimmon's Lament », traditionnel Ecosse (07:32).
04.
« Princess Beatrice », traditionnel Ecosse (08:03).
05.
« The Road to Lisdoonvarna », traditionnel Irlande (03:38).
06.
« Smokey River », Jansch (07:58).
07.
« Some Summer Day », Fahey (03:39).