24 février 2019

Sons d'hiver en photos - 22 février 2019

Maison des Arts - Créteil
Vendredi 22 février 2019

Eve Risser Red Desert Orchestra





 






Steve Coleman







22 février 2019

Sons d'hiver en photos - 20 février 2019

Théâtre Paul Eluard - Choisy-le-Roi
Mercredi 20 février 2019

Naïssam Jalal et Nanda Mohammad


Théâtre Paul Eluard - Choisy-le-Roi
Mercredi 20 février 2019

Mandorla Awakening II: Emerging Worlds



















Sons d'hiver en photos - 19 février 2019

Théâtre Antoine Vitez - Ivry-sur-Seine
Mardi 19 février 2019

Interzone - Kan ya ma can






Théâtre Antoine Vitez - Ivry-sur-Seine
Mardi 19 février 2019

Maâlem Mokhtar Gania, Jamie Saft, Adam Rudolph et Hamid Drake




21 février 2019

Sons d'hiver - Partie II


Théâtre Claude Debussy – Maisons-Alfort
Mardi 12 février 2019

Vive la France

Ou quand un Allemand, un Danois et un Français célèbrent la chanson française… avec humour ! Personne n’en attendait moins de Das Kapital. Formé au début des années 2000 par le saxophoniste ténor Daniel Erdmann, le guitariste Hasse Poulsen et le batteur Edward Perraud, le trio compte neuf disques à son actif : un coffret éponyme de quatre disques (Das Kapital & Sons – 2005), All Gods Have Children (Quark Records – 2006), Ballads & Barricades (Quark Records – 2009), Wonderland (Jazzwerkstatt – 2009), Conflicts & Conclusions (Das Kapital Records – 2011), Loves Christmas (Das Kapital Records – 2012), Kind of Red (Label Bleu – 2015), Eisler Explosion (Das Kapital Records – 2015) et Vive la France (Label Bleu – 2019). Le concert de Sons d’hiver à Maisons Alfort est l’occasion de célébrer la sortie du dernier opus, le 25 janvier 2019…

Les notes du disque rappellent un bon mot de John Lennon – cité également par Perraud pendant le concert – à qui l’on demandait ce qu’il pensait de la musique pop française : « la même chose que la vin anglais ! ».  Das Kapital enfonce le clou avec la conclusion de la Lettre sur la musique française de Jean-Jacques Rousseau, écrite en pleine querelle des bouffons, en 1753 : « […] d’où je conclus que les Français n’ont point de musique et n’en peuvent avoir, ou que, si jamais, ils en ont une, ce sera tant pis pour eux ». Le trio iconoclaste s’amuse aussi du Vive la France dans les illustrations de la pochette : sur la couverture, trois cosmonautes plantent le drapeau français sur la lune et, à l’intérieur, une photo satirique représente Erdmann déguisé en de Gaulle et Perraud en Napoléon, qui entourent Poulsen en Louis XIV…

Le répertoire de Vive la France se révèle un tantinet caustique en mélangeant des saucissons classiques – la « Pavane pour une infante défunte » de Maurice Ravel, la « Gymnopédie n° 1 » d’Erik Satie, « La marche pour la cérémonie des Turcs » de Jean-Baptiste Lully et « L’Arlésienne » de Georges Bizet –,  des morceaux insolites – « Le vertigo, rondeau » de Joseph-Nicolas-Pancrace Royer et « Les deux yeux bruns, doux flambeaux de ma vie » d’Antoine de Bertrand –, des rengaines de variété – « Born To Be Alive » de Patrick Hernandez, « Comme d’habitude » de Jacques Revaux et Claude François, et « Ne me quitte pas », du plus belge des artistes français, Jacques Brel – et des chansons à texte familières – « Ma plus belle histoire d’amour » de Barbara, « Le temps ne fait rien à l’affaire » de Georges Brassens et « La Mer » de Charles Trenet. Pendant le concert, Das Kapital joue neuf des douze titres.


La soirée s’ouvre sur « La marche pour la cérémonie des Turcs ». Le trio détourne cette composition un peu kitsch en lui ajoutant un piment bruitiste free. Erdmann annonce ensuite le morceau d’« un musicien philosophe » : né pour être vivant… Après un démarrage sur le thème, le saxophone s’envole dans un tournoiement de bourdonnements aux accents bluesy, exacerbés ensuite par la guitare électrique. Les boucles du ténor servent de décor à « Comme d’habitude », exposé par Poulsen sur un cliquetis percussifs. La guitare part dans un chorus aux sonorités acoustiques vives et teintées de bop, tandis qu’Erdmann développe ses volutes dans une veine plus free, puis, sur un rythme heurté, puissant et entraînant, Perraud conclut cette ritournelle par un solo ébouriffant. Sur un balancement doux de la guitare et de la batterie, le ténor expose la « Pavane pour une infante défunte », que la guitare transforme en une ballade bien sentie, reprise dans la même veine par le ténor. « L’histoire ne fait rien à l’affaire » commence avec un mélange rythmique sourd, à base de pad, de grosse caisse et autres peaux… Le refrain, joué à l’unisson par la guitare et le soprano, sert de prétexte à un échange à bâton rompu captivant entre les trois musiciens, et prend même bientôt des allures de course-poursuite, à grand renfort de chabada et de walking. Une vibration de cymbales annonce « Ma plus belle histoire d’amour », joué d’abord fidèlement par le ténor, sur un accompagnement aux balais et des lignes d’accords élégants. Le trio dynamise ensuite le thème dans un style tendu parsemé de dissonances. Après un « Vive la transe » lancé par Perraud, Das Kapital se lance dans « Le vertigo » de Royer : un morceau baroque, aux roulements appuyés, à la mélodie entêtante et aux contrepoints vigoureux. C’est évidemment sur « Ne me quitte pas » que se conclut le concert : riffs cristallins d’une viole électrique (?), roulements profond de la batterie et vibrato fragile du ténor pour exposer le refrain. Poulsen sort ensuite un archet pour développer la mélodie dans une atmosphère médiéval, avant qu’Erdmann ne la traite dans un free plutôt soft. En bis, Das Kapital met tout le monde d’accord avec « La Mer » : bruitages maritimes de Perraud, accords nonchalants de Poulsen et interprétation nostalgique d’Erdmann…

Vive la France est un concert (et un disque) réjouissant dans lequel Das Kapital mélange musique classique, free, musiques populaires, bop, blues… dans un cocktail jubilatoire de dérisions et de sérieux !

  
Michel Portal & Joachim Kühn Duo

Joachim Kühn et Michel Portal ont de nombreux points communs : virtuoses de la musique classique, ils font tous les deux partie des figures historiques du free jazz européen. Marc Sarrazy raconte l’épopée du pianiste dans Joachim Kühn, une histoire du jazz moderne (Syllepse – 2003) et Vincent Cotro consacre de nombreuses pages au clarinettiste dans Chants Libres  - Le Free Jazz en France, 1960-1975  (Outre-Mesure – 1999).

En plus de soixante ans de carrière, les deux artistes n’ont finalement pas eu l’occasion de croiser leurs notes si souvent. En 1987, le trio Kühn, Jean-François Jenny-Clark et Daniel Humair invite Portal pour plusieurs concerts, notamment au festival D’jazz à Nevers. Ils enregistrent l’année suivante, avec Marc Ducret à la guitare, 9.11 PM Town Hall à New York. A l’instigation d’Humair, les deux hommes se retrouvent en 1997 sur Quatre fois trois. Puis Kühn convie Portal pour Universal Time en 2002. Leurs dernières rencontres commencent en 2016 avec le quintet d’Emile Parisien, dans lequel Kühn est au piano. Ils jouent d’ailleurs le 29 janvier 2017 à Sons d’hiver…


Avec les trois rappels le duo ne joue pas moins de onze morceaux dans un esprit de musique de chambre improvisée. La connivence entre les deux musiciens est palpable au niveau de leurs interactions, des mimiques du clarinettiste et de la maîtrise sereine qui se dégage de leur jeu. A son habitude Portal est facétieux : quand il prend son saxophone alto, il précise qu’il n’en a pas joué depuis vingt-cinq ans (de fait, on l’entend rarement sur cet instrument) ; au deuxième rappel, il constate qu’« il n’y a plus de partition » ; lors du choix des morceaux, le clarinettiste soupire devant leur difficulté ; quand il veut jouer son hommage à Ornette Coleman, avec qui Kühn est l’un des rares pianistes à avoir joué, il se rend compte qu’il a oublié la partition pour le saxophone alto et l’interprète donc à la clarinette basse…

Kühn et Portal sont sur les mêmes longueurs d’ondes musicales : les questions-réponses tombent sous le sens, les contrechants semblent évidents, les dialogues, souvent intimes, paraissent limpides… En bref, les discussions entre Portal et Kühn sont d’une subtilité captivante. La construction des morceaux, autour de plusieurs tableaux, peut rappeler celle d’une sonate. Tendues, modernes, dissonantes… et pourvues d’une certaine forme de lyrisme, les mélodies évoquent la musique classique du début vingtième (« In Town »), avec quelques incursions dans la musique contemporaine (« Tutti no hystérique ») et plusieurs thèmes véloces, au parfum bop. La main gauche de Kühn fait souvent office de basse, avec des lignes robustes, des accords puissants, des motifs en balancier… et même quand elle s’associe aux envolées de la main droite, elle garde toujours un zeste de swing, voire des accents bluesy (« Tutii no hystérique ») sur lesquels Portal rebondit, zigzague, virevolte, papillonne… dans des tourbillons contemporains ou free.

Précision des échanges, clarté des propos et perfection des sons : pour paraphraser Platon, la musique du duo Portal – Kühn « donne une âme à nos cœurs et des ailes à la pensée ».

17 février 2019

Sons d'hiver en photos - 12 février 2019


Théâtre Claude Debussy – Maisons-Alfort
Mardi 12 février 2019

Vive la France









Michel Portal & Joachim Kühn Duo