22 octobre 2022

La Dynamo aux anges…

Au beau milieu du quartier des Quatre-Chemins, à Pantin, en 2006 le Festival Banlieues Bleues crée la Dynamo. Ce lieu culturel, constitué d’une salle de concert et de trois studios de répétition, accueille des artistes en résidence et propose une programmation musicale éclectique tout au long de l’année. Le 11 octobre 2022, Sylvain Rifflet y présente son dernier projet en date : Aux anges.

Depuis Alphabet, publié en 2012, Rifflet poursuit son aventure avec Philippe Gordiani à la guitare et Benjamin Flament aux percussions. Jocelyn Mienniel accompagne encore le trio lors du deuxième opus, Mechanics, paru en 2015, mais pour Troubadours, édité en 2019, Rifflet change de couleurs : la trompette de Verneri Pohjola et l’harmonium de Sandrine Marchetti se substituent à la flûte et à la batterie. Dans Aux anges, son « disque le plus personnel », le saxophoniste retrouve Pohjola, Gordiani et Flament. L’album sort en février 2022 sur le label Magriff, qu’il a créé en compagnie de la danseuse et actrice Anne Marion-Gallois.

Verneri Pohjola, Philippe Gordiani, Benjamin Flament & Sylvain Rifflet - 11 octobre 2022 (c) PLM

Le public a boudé la ligue de champions, l’ancienne fabrique de sacs en toile de jute affiche quasiment complet et c’est tant mieux ! Au programme de la soirée, onze morceaux signés Rifflet : huit des dix d’Aux anges – « The Vicking’s Waltz », « Abbey », « Mésanges », « Déjà vu ? », «  Duo 2 », «  Ryuichi, Fennesz, Alva et les autres », « Ackward Commute » et « Baldwin » –, deux reprises de Troubadours – « Le murmure » et « Alberico (da Romano) » – et « To Z », tiré d’Alphabet. A chaque projet, son costume de scène : le sarong succède au manteau scorpion de Mechanics et au pardessus de ménestrel de Troubadours...

Aux anges -  11 octobre 2022 (c) PLM 

L’hommage à Moondog, « The Vicking Waltz », commence par une comptine qui sort d’une petite boîte à musique à rouleau actionnée par Rifflet. La ritournelle, l’ostinato du métallophone de Flament et les motifs minimalistes de la guitare de Gordiani accompagnent les longues phrases feutrées de la trompette de Pohjola, avant que le quartet ne se retrouve pour un mouvement majestueux. Tout au long du concert, Rifflet, Pohjola et Gordiani utilisent moult pédales pour modifier leur sonorité (la trompette sonne presque comme une flûte dans « Baldwin »), jouer des effets (la guitare grésille, fuse et vrombit dans «  Ryuichi, Fennesz, Alva et les autres ») ou faire du re-recording (le ténor converse avec lui-même dans « To Z »). Porté par une rythmique puissante, des accords épais et un élégant dialogue aérien, « Abbey » se pare d’une teinte rock progressif. Ce morceau dédié à Abbey Lincoln est également l’occasion d’un clin d’œil au disque You Gotta Pay The Band
Sylvain Rifflet - 11 octobre 2022 (c) PLM
, sorti en 1991, avec, en invité, Stan Getz – autre référence de Rifflet. Même esprit pour le démarrage de « To Z », renforcé par le solo aux couleurs punk de Gordiani. Cet air, inspiré par le film éponyme de Costa-Gavras, voit ensuite Rifflet aux prises avec lui-même a capella, avant que le groupe ne s’envole pour un voyage free… Si « Le murmure » commence comme un gamelan, suivi d’une belle mélodie sinueuse, il ne tarde pas à s’amplifier avec des percussions intenses, une guitare agressive, des soufflants en contre-chants tendus et une accélération finale imposante. L’ostinato de la guitare, les ponctuations du métallophone et les lignes legato du saxophone donnent à « Mésanges » un caractère subtil et léger, comme une étude et ses variations. Le thème-riff rapide de « Déjà vu ? » exposé à l’unisson par la trompette et le saxophone, a des allures hard-bop, mais la rythmique binaire, touffue et sourde tient davantage du rock. Le morceau est mené tambour battant ! Dans « Duo 2 », le shruti-box – instrument indien à anches libres et à soufflet dont le son rappelle l’harmonium – installe un bourdon, la guitare plaque ses accords, la clarinette pose un ostinato, les percussions enlacent des boucles et la trompette brode dans le lointain, bientôt rejointe par le saxophone ténor, qui enchaîne les ondulations véloces en souffle continu… Une ambiance de musique de chambre quasi-médiévale. «  Ryuichi, Fennesz, Alva et les autres » renvoie évidemment à Ryûichi Sakamoto, Christian Fennesz, Alva Noto et autres compositeurs de musique électronique. D’où cette atmosphère de jeu vidéo, soulignée par les bruitages de Gordiani, mais qui débouche sur un mouvement ample et solennel, juste troublé par les phrases décalées de Pohjola. Lors d’un séjour à New York, Rifflet voulait se rendre en métro de Brooklyn au Queens et Jon Irabagon lui fit remarquer que le trajet était un tantinet compliqué ! Avec ses trucages sonores, ses échanges heurtés, ses croisements de voix, sa rythmique mate et sourde... « Ackward Commute » reflète ces pérégrinations souterraines ! Rifflet évoque également le célèbre écrivain américain James Baldwin avec un morceau éponyme foisonnant, dans lequel le bourdon sert de décor, la guitare joue un riff incantatoire, les percussions écument les poly-rythmes, la trompette et le saxophone ténor alternent unissons, contrepoints et envolées rapides ! Le concert se conclut sur « Alberico (da Romano) », aventurier et ménestrel italien du douzième siècle… et beau générique de fin, mélancolique et profond.


Aux anges confirme que Rifflet a réussi à créer un univers musical tout à fait personnel, bâti autour de mélodies séduisantes, de développements entre tradition et free saupoudrés de zestes de world, d’une rythmique aux penchants rocks et d’articulations héritées de la musique de chambre. De quoi être heureux…


09 octobre 2022

Le 24 septembre, Pharoah Sanders s'en est allé...

Pharoah Sanders (c) PLM

Photo prise le 17 février 2012 à la Maison des Arts de Créteil, pendant le festival Sons d'hiver, lors d'un concert en compagnie du São Paulo – Chicago Underground, avec Rob Mazurek au cornet, Matthew Lux à la basse,  Chad Taylor à la batterie, Mauricio Takara aux percussions et Guilherme Granado aux claviers.