31 mai 2019

Mythical River - Moutin Factory Quintet


A la suite du Moutin Reunion Quartet, en 2» Forward » 3, François et Louis Moutin ont monté le Moutin Factory Quintet avec Christophe Monniot aux saxophones alto et sopranino et Manu Codjia à la guitare. Après Thomas Enhco et Jean-Michel Pilc, c’est au tour de Paul Lay de s’asseoir au piano.

Après Lucky People (2» Forward » 3) et Deep (2» Forward » 6), Mythical River, le troisième opus du Moutin Factory Quintet, sort chez Laborie Jazz en mai 2» Forward » 9. Au programme, onze morceaux composés par les frères Moutin, dont trois repris de la musique du documentaire de Richard Ledes, No Human Is Illegal, un hommage à Wayne Shorter, « Wayne’s Medley », et des morceaux inspirés par un voyage aux Etats-Unis, le long du Mississippi…  la Mythical River !

Les quatre membres « historiques » se connaissent sur le bout des notes et la musique circule entre eux avec une efficacité évidente. Le piano de Lay a trouvé sa place à leurs côtés sans problème, grâce à sa palette de jeu riche et variée basée sur des contrepoints subtils (« Tears And Despair »), phrases élégantes (« Echoing »), passages funky (« Summer Twilight »), accords robustes (« Fight And Anger ») et réminiscences bop virtuoses (« Take It Easy »). Monniot apporte sa touche free dans des chorus désaxés (« Fight And Anger »), des envolées « harmolodiques » (« Trauma ») ou des emballements impromptus (« In Love »), mais toujours avec la mélodie en filigrane (« Tears And Despair ») et une expressivité sensible (« Summer Twilight »).  Codjia fusionne rock (« Summer Twilight ») et néo-bop (« Trauma »), en jouant sur la sonorité de sa guitare et des développements tantôt sinueux (« Forward »), tantôt véloces (« Take It Easy »), voire psychédéliques, avec des lignes en suspension (« Blesse And Cursed »). Des motifs dansants (« Summer Twilight ») aux walking entraînantes (« Trauma ») en passant par de jolis motifs boisés (« Echoing »), des lignes fluides (« Blesse And Cursed ») et des shuffle dynamiques (« Wayne’s Medley »), la contrebasse de Moutin est à la fois chantante (« No Human Is Illegal ») et profonde (« Forward »). Moutin frère a la batterie animale et instinctive : des frappes mates (« Take It Easy »), des roulements secs (« Wayne’s Medley »), un son naturel (« No Human Is Illegal »), une pulsation puissante (« Forward »), avec des passages binaires (« Summer Twilight »), mais aussi des chabadas mainstream (« Trauma »).

Fougeux et dense, le courant de Mythical River emporte l’auditeur dans des eaux post-bop aux accents rock et free.



Le disque

Mythical River
Moutin Factory Quintet
Christophe Monniot (as, ss), Manu Codjia (g), Paul Lay (p), François Moutin (b) et Louis Moutin (d, voc), avec Axelle du Rouret (voc)
Laborie Jazz – LJ54
Sortie le 17 mai 2019

Liste des morceaux

01. « Forward » (4:40).
02. « No Human Is Illegal » (4:33).
03. « Fight and Anger » (4:41).
04. « Tears and Despair » (5:09).
05. « Summer Twilight » (6:02).
06. « Echoing » (6:33).
07. « Wayne’s Medley » (4:32).
08. « Trauma » (4:35).
09. « Blessed and Cursed » (6:16).
10. « In Love » (4:53).
11. « Take It Easy » (7:52).

Toutes les compositions sont signées des frères Moutin.

29 mai 2019

A la découverte de Robin Nicaise


Le Tabasco Quintet, c’est Robin Nicaise au saxophone ténor, Loïc Réchard à la guitare, Leo Montana au piano, Ivan Réchard à la contrebasse et Fred Pasqua à la batterie. Après The Last Blues, publié en 2016 sur le Petit Label, leur deuxième album, The Very Last Blues, sort en juin 2019 sur Clapson Label. L’occasion de partir à la découverte pimentée d’un saxophoniste passé de Manosque à Paris...


La musique

J’ai découvert le jazz vers l’âge de six ans, grâce à des amis de mes parents et j’ai choisi le saxophone un peu par hasard… Sûrement influencé à l’époque par la sortie du film Bird ! Vers huit ans j’ai commencé mon apprentissage en Ecole de Musique, puis j’ai suivi un parcours classique au conservatoire jusqu’au diplôme de fin d’étude. En dehors de Charlie Parker, Dizzy Gillespie, Stan Getz, John Coltrane, Wayne Shorter, Michael Brecker… sont les musiciens qui m’ont le plus influencé.

Robin Nicaise (c) Cristof Echard 


Cinq clés pour le jazz

Qu’est-ce que le jazz ? L’art de construire un discours cohérent en improvisant avec peu de notes au départ.

Pourquoi la passion du jazz ? Il nous oblige à découvrir qui nous sommes réellement.

Où écouter du jazz ? En concert ! Je pense que c’est le meilleur endroit. Pour les disques, il y en a certains que je n’écoute qu’en hiver et d’autres qu’en été...

Comment découvrir le jazz ? Ecouter les bons disques !... Je plaisante… Chaque période de l’histoire de la musique est intéressante avec ses maîtres et ses grands disques.

Une anecdote autour du jazz ? L’histoire de Phil Woods et de son identification avec Charlie Parker est saisissante !


Le portrait chinois

Si j’étais un animal, je serais un arapède,
Si j’étais une fleur, je serais un lys,
Si j’étais un fruit, je serais une fraise,
Si j’étais une boisson, je serais un vin rouge,
Si j’étais un plat, je serais des pasta alla romana,
Si j’étais une lettre, je serais R,
Si j’étais un mot, je serais roc,
Si j’étais un chiffre, je serais 7,
Si j’étais une couleur, je serais vert,
Si j’étais une note, je serais La bémol.


Les bonheurs et regrets musicaux

Je ne sais pas quelle est ma plus belle réussite musicale et je n’ai aucun regret…


Sur l’île déserte…

Quels disques ?  Il y en a beaucoup ! J’ai le droit à combien de cartons ?
Côté jazz : sans doute Stan Getz Plays, Return To Forever de Chick Corea, Coltrane Plays The Blues, Still Life (Talking) de Pat Metheny, Chet de Chet Baker, You Must Believe In Spring de Bill Evans, The Melody At Night With You de Keith Jarrett, Modern Art d’Art Pepper
Côté classique : L’intégrale des nocturnes de Gabriel Fauré par Jean-Paul Sévilla, à peu près tout le répertoire pour piano d’Erik Satie par Daniel Varsano, Une petite musique de nuit de Wolfgang Amadeus Mozart

Quels livres ? Sur la musique, je relis souvent Straight Life d’Art Pepper… Sinon, plus généralement, j’emporterais probablement Le Comte de Monte-Cristo d’Alexandre Dumas, L’éducation sentimentale de Gustave Flaubert et La possibilité d’une île de Michel Houellebecq… Et puis bien sûr un bouquin vraiment drôle pour ne pas trop déprimer sur mon île déserte !… Genre un magazine de Fluide Glacial par exemple !

Quels films ? Quasiment tous les films de Stanley Kubrick et de Martin Scorsese et… Groundhog Day d’Harold Ramis.

Quelles peintures ? Des toiles de William Turner, Vassily Kandinsky, Camille Pissarro, Henri Matisse

Quels loisirs ? Les échecs et le tennis.


Les projets

Aujourd’hui, tourner régulièrement avec mes projets… comme le concert du 25 juin au Sunside ! A court terme, enregistrer un disque en trio saxophone ténor – contrebasse – batterie. Et à la retraite, ouvrir ma propre école de musique !


Trois vœux…

1. Que mon fils et ma femme aient une vie heureuse.

2. Moins de souffrances et de peines dans ce monde.

3. Que je puisse jouer et écrire de la musique le plus longtemps possible.

26 mai 2019

Des hommes soi-disant paisibles à l’Ermitage…


Le 9 mai dernier, le Studio de l’Ermitage accueille Quiet Men à l’occasion de la sortie du disque éponyme sur le label Faubourg du Monde. Quiet Men c’est Denis Colin aux clarinettes basse et contralto, Simon Drappier à l’arpeggione, Julien Omé à la guitare et Pablo Cueco au zarb.

Colin et Cueco jouent ensemble depuis près de trente ans… notamment au sein de leur célèbre trio avec Didier Petit, actif jusqu’au début des années deux mille. Quant à Omé, il a rejoint la Société des Arpenteurs de Colin à la fin des années quatre-vingts dix. Dernier venu dans la sphère des Arpenteurs du son, Drappier complète l’instrumentation pour le moins originale du quartet avec son arpeggione, sorte d’hybride de guitare (six cordes et le même accord, Mi La Ré Sol Si Mi) et de viole de gambe (tenue entre les jambes et jeu à l’archet), créée en 1823 par le luthier Johann Georg Stauffer (spécialisé en guitares). Appelée également « guitare d’amour », sa sonorité veloutée se rapproche effectivement de celle des instruments d’amour, tandis qu’en pizzicato elle évoque davantage la guitare.


Le programme du concert reprend dix des onze titres de Quiet Men, ne manque que « 4 L ». Des thèmes aux accents médiévaux (« Magic Spring »), bluesy (« Really Ready »), moyen-orientaux (« La chasse »), hispanisants (« Milonga desigual »), méditatifs (« Nigth Is Over ») ou celtes (« Gavotte sans retour ») : Quiet Men ne qualifie pas sa musique de « jazz folk psychédélique » pour rien ! Les développements passent d’un jazz mélodieusement free (« Jank Kasàlà »)  à des échanges chambristes contemporains (« Hommage au désert »), via des dialogues ethniques (« Really Ready »), des contrepoints baroques (« Milonga desigual »), des unissons puissants (« La chasse »)… Côté rythmique, le zarb mène la danse, avec une subtilité de tons et de frappes inattendue, pour une simple peau tendue sur un bocal en bois (« Hommage au désert ») ! Les trois autres instruments mettent aussi leur grain de sel (« Jank Kasàlà ») à coup d’ostinato, pédale, bourdon, riff et autres chœur, qui insufflent un dynamisme guilleret à la musique du quartet. Tout au long du concert, Cueco annonce les morceaux avec des anecdotes cocasses et s’avère être un conteur comique hors pair. Verve qui se retrouve d’ailleurs dans l’acrostiche et le poème du livret de Quiet Men, tous les deux de sa plume.

Quand le jazz s’empare des musiques du monde avec un vernis de musique contemporaine, le résultat est réjouissant. Les Quiet Men ont peut-être la sérénité de la maturité, mais ne sont pas si tranquilles que ça !


Le disque

Quiet Men
Denis Colin (bcl, ccl), Simon Drappier (arpeggione), Julien Omé (g) et Pablo Cueco (zarb).
Faubourg du Monde
Sortie le 29 mars 2019






Liste des morceaux

01.  « Night Is Over », Omé (5:53).
02.  « La chasse », Colin (4:28).
03.  « Chevaliers », Drappier (3:19).
04.  « Hommage au désert », Cueco (6:00).
05.  « Turkish Women at The Bath », Pete La Rocca (5:21).
06.  « Milonga desigual », Cueco (5:49).
07.  « Jank Kasàlà », Colin (4:18).
08.  « Really Ready », Colin (3:21). 
09.  « Magic Spring », Omé (4:00).
10.  « Gavotte sans retour », Cueco (3:50).
11.  « 4 L », Drappier (3:55).

25 mai 2019

Sur le quai en mai…


Seul à la barre de Jazz à bâbord, il n’est malheureusement pas toujours possible d’embarquer tous les disques qui veulent lever l’ancre chaque mois ! Voici ceux qui sont sur le quai en mai…

Shifted
Sal La Rocca
Jeroen Van Herzeele (sax), Pascal Mohy (p, kbd), Sal La Rocca (b) et Lieven Venken (d), avec Phil Abraham (tb)
Igloo Records – IGL295
Sortie en mai 2019
  





Life Size
John Greaves
John Greaves (voc, b, g, p,electro), avec Annie Barbazza (voc, p, g), Valérie Gabail (voc), Himiko Paganotti (voc), Vincent Courtois (cello), Matthieu Rabaté (d), Olivier Mellano (g), Sophia Domancich (p), Zeena Parkins (harp), Jakko Jakszyk (g), Lino Capra Vaccina (p, perc), Camillo Mozzoni (hb), Max Marchini (g), Jordi Tagliaferri (vibes, perc), Irene Barbieri (vl), Diego Romani (alto) et The Warm Morning Brothers (voc)
Manticore Records – MAN003
Sortie le 1er mai 2019


Les Démons de Tosca – Opus 1
Brun / Courtois / Fincker
Robin Fincker (ts), Vincent Courtois (cello) et Sébastien Brun (d, électro), avec Daniel Erdmann (ts), Benjamin Moussay (kbd), Bruno Ruder (kbd), Julian Sartorius (d), Sylvain Daniel (b), Pierre Baux (voc), Hélène Cœur ( ) et Tina Merandon (images)
BMC Records – BMC CD 280
Sortie le 10 mai 2019



Mythical River
Christophe Monniot (as, ss), Manu Codjia (g), Paul Lay (p), François Moutin (b) et Louis Moutin (d, voc), avec Axelle du Rouret (voc)
Laborie Jazz – LJ54
Sortie le 17 mai 2019





L’Hiver des Poètes
Marianne Feder
Marianne Feder (voc), Romane (g), Alexis HK (voc), Yves Carini (voc), Michel Macias (acc), Jacques Gandard (vl), Brice Moscardini (tp), Charles Lamouroux (g), Vincent Muller (g, voc), Arthur Simon (tp), Benjamin Body (b), Benoit Garnier (as) etm S.O.A.P. (kbd, electro).
LesMusiterriens – MUSIMF18/1
Sortie le 17 mai 2019




Nit De Nit
Partisans
Julian Siegel (ts, ss, bcl), Phil Robson (g), Thaddeus Kelly (b) et Gene Calderazzo (d)
Sortie le 17 mai 2019







Alain Jean-Marie (p), Patrice Caratini (d) et Roger Raspail (d)
French Paradox – FP.02
Sortie le 24 mai 2019









El mar de nubes
Tori Freestone Trio
Tori Freestone (ts), Dave Manington (b) et Time Giles (d)
Sortie le 31 mai 2019



24 mai 2019

No Wind Tonight - Free Human Zoo


La joyeuse bande de déjantés du batteur Gilles Le Rest est de retour avec un double-album dense : No Wind Tonight. Le sextet est toujours composé de Laurent Skoczek au trombone, et co-fondateur de Free Human Zoo, Samy Thiébault au saxophone ténor, Matthieu Rosso à la guitare et Nicolas Feuger à la basse. Seul changement : Emmanuel Guerrero remplace Patrice Kornheiser au piano. Pour étoffer sa palette sonore, Free Human Zoo invite La chanteuse Camille Fritsch, les flûtistes Joce Mienniel et Bruno Ortega, ainsi que le percussionniste Jonathan Edo.

Les morceaux ont été composés par Le Rest (avec un emprunt à un thème traditionnel du XIIIe) et les arrangements co-écrits avec Skoczek. Sur le premier disque, « Bab’Y », ou « le ravin de la grand-mère », est une suite en onze mouvements en mémoire aux victimes de la seconde guerre mondiale. Le deuxième disque s’articule autour de trois morceaux : « Curritur ad Vocem », pièce en cinq parties, hommage au pionnier de la redécouverte de la musique médiévale, René Clemencic, et à Joel Cohen, autre spécialiste des musiques du Moyen-âge et instigateur de la fête de la musique ; « Talitha Koum » (« jeune fille : lève-toi ») s’inspire de la phrase symbolique que Jésus prononce lorsqu’il ressuscite une fillette de douze ans ; « No Wind Tonight… » est dédié au batteur et pédagogue Georges Paczynski.

L’enregistrement a été réalisé au Studio Sextan – La Fonderie, à Malakoff, par Vincent Mahey. Quant à la pochette du disque, toujours aussi ethnique et animalière que celle de Freedom Now!, elle est encore signée Gérald Nimal. Le livret concocté par Le Rest propose de nombreuses illustrations – clichés de femmes et d’enfants pris pendant la deuxième guerre mondiale, miniatures extraites du Codex Manesse, photos des musiciens de Jeff Humbert… –, des citations tirées de témoignages de l’holocauste, mais aussi des poèmes et extraits d’œuvres d’Hanna Dallos, Anne van Kakerken, Pierre Rabhi, François Cheng

« Bab’Y » démarre en force et majesté avec un « Prologue » touffu, porté par la batterie et la guitare. Dans « Barbarossa », les boucles du piano accompagnées des riffs des soufflants et de la guitare évoluent progressivement, dans une ambiance tantôt minimaliste hypnotique, tantôt luxuriante répétitive, soutenue par une basse et une batterie musclées. Comme son titre l’indique, « Klezmer Volutes » s’inspire de la musique des Juif ashkénazes : Le trombone et le saxophone répondent aux traits mélodiques de la guitare, sur une pulsation toujours robuste et entraînante. La ronde « Die fröhlichen Kameraden » se développe sur rythmique vigoureuse, une guitare en mode guitar hero et un trombone mélodieux. « Pitchipoï » s’oriente vers un funk dansant, animé par Thiébault et des dialogues savoureux avec Scoczek et Rosso. Un leitmotiv du piano, un foisonnement rythmique, des superpositions des voix, une tourneries de la flûte et de la guitare… constituent les ingrédients joyeux et énergiques de « L’espoir au cœur », qui porte bien son nom. Retour à un funk sous influence rock pour « The Yar », avec des ostinatos, chœurs des soufflants, effets électro de la guitare, solo coloré du piano, riffs entêtants de la basse et frappes mates et sèches de la batterie… Le piano et la flûte exposent « My African Little Doll », mélodie touchante qui part rapidement sur des sentiers africains, emmenée par une polyrythmie enjouée, un trombone expressif, une flûte démonstrative, un piano lyrique et des chœurs en contrepoints. « Revoir l’Aurore » s’articule autour de questions-réponses véloces, de motifs sourds et de roulements rapides. Avec « Forces vitales », l’ambiance tourne au hard-bop funky, ascendant rock quand la guitare entre en jeu. Après un solo virtuose de Rosso, Skoczek et Thiébault prennent la suite dans une même veine, sur un accompagnement dense et répétitif. « Bab’y » s’achève sur un « Epilogue » plus calme, marqué par le motif lancinant du piano, la batterie emphatique et la basse grondante.

Le deuxième disque commence par « Curritur ad Vocem », courte suite en cinq tableaux. La première danse sort tout droit du Moyen-Âge : chant cadencé de Fritsch, bourdon, unissons, rythmes sautillant et envolées de Mienniel. Autre époque avec le deuxième mouvement, davantage inscrit dans une lignée hard-bop funky, avec son thème-riff brillant, sur un motif rapide du piano, des roulements serrés de la batterie et les boucles nerveuses de la basse. Le chorus de guitare est pimenté de rock, tandis que le saxophone ténor part dans des phrases sinueuses et virevoltantes. Retour à la voix et au piano pour une brève transition, avant que le trombone ne s’envole dans un chorus ébouriffant sur une rythmique grondante. Le tableau suivant reste dans un hard-bop sur-vitaminé : ligne de basse running, roulements vifs de la batterie, avec passages en chabada, et discours fonceurs du trombone et de la guitare. Au milieu du morceau, le rock fait surface avec un saxophone hurleur et une guitar hero... « Curritur ad Vocem » se conclut sur des formules mélodieuses de la basse, des phrases placides du piano, une batterie imposante, une guitare lointaine et un ténor réverbéré en arrière-plan… Mais ce n’est que le calme avant la tempête ! Le morceau se transforme brutalement en une ronde folklorique luxuriante, avec la flûte qui se mêle au chant et autres cris… dans une atmosphère de foire médiévale ! Changement de décor avec « Talitha Koum » : du médiéval au post bop. Après une introduction de Le Rest à base de frisés secs, sur une ligne sourde et rapide de Feuger et un ostinato de Guerrero, les soufflants jouent des phrases courtes, puis le piano déroule le thème dans un esprit rock – funk. Le deuxième volet du morceau s’apparente davantage à une comptine (le motif du piano) avec des solos chantants du trombone et de la basse. La conclusion revient à du hard-bop, poussée par un saxophone ténor et un piano en verve, encouragés par une rythmique trapue. Le morceau-titre, « No Wind Tonight… », débute par un trio majestueux, mais s’engage rapidement sur un chemin mainstream : stimulé par une walking parsemée de schuffle et un chabada sorti de derrière les fagots, le ténor déroule des phrases inspirées et convaincantes sur les accords élégants du piano, qui reste dans le même sillon, avec de jolis contrepoints entre la main droite et la main gauche.

Sur les traces d’Aïki Dõ RéMy (2014) et de Freedom, Now! (2016), la musique de No Wind Tonight crépite de mille feux, enflammée par une fusion détonante de jazz, funk, rock, folk et musique ancienne !

Le disque

No Wind Tonight
Free Human Zoo
Samy Thiébault (ts), Laurent Skoczek (tb), Matthieu Rosso (g), Emmanuel Guerrero (p), Nicolas Feuger (b) et Gilles Le Rest (d), avec Camille Fritsch (voc), Joce Mienniel (fl), Bruno Ortega (fl) et Jonathan Edo (perc).
Ex-tension Records – EX14
Sortie le 1er février 2019

Liste des morceaux

Disque 1

01. « Bab’Y » (44:06).

Disque 2

01. « Curritur ad Vocem » (24:46).
02. « Talitha Koum » (6:42).
03. « No Wind Tonight... » (7:07).

Tous les morceaux sont signés Le Rest.

18 mai 2019

Sonnerie – Dadèf Quartet


Après Labyrinthe, publié en 2016, Dadèf Quartet sort un nouvel opus en mars 2019 : Sonnerie, toujours au sein de l'association Concertons. Le quartet est inchangé : Raphaël Sibertin-Blanc, au kemençe et au violon, Simon Charrier à la clarinette, Guillaume Gendre à la contrebasse et Carsten Weinmann à la batterie,

L’illustration noueuse de la pochette, tirée d'un clip, sur Dadèf Quartet, est toujours signée du graphiste Alem Alquier, à l’instar du logo du quartet. Les morceaux, composés par Sibertin-Blanc, se réfèrent au Café Plum (« Plum »), partenaire du quartet et réciproquement, à Labyrinthe (« Méandres »), aux jeux de constructions (« Capla ») et à Alquier (« Alem Song »). Quant à la suite éponyme, « Sonnerie », elle est constituée de cinq mouvements.

Les mélodies aux accents orientaux (« Plum ») ou klezmer (« Sonnerie 5 »), parfois fragiles (« Sonnerie 1 ») ou mélancoliques (« Sonnerie 3 »), toujours dansantes (« Sonnerie 4 ») et souvent pimentées de touches folkloriques (« Capla »), s’appuient sur le contraste entre la sonorité aigrelette du kemençe et le ton suave de la clarinette. Dadèf Quartet soigne ses rythmes, marqués par la musique arabo-andalouse (« Méandres »), avec moult motifs polyrythmiques (« Sonnerie 5 »), riffs (« Sonnerie 1 »), ostinato (« Sonnerie 2 ») et autres bourdons (« Alem Song »). Sibertin-Blanc navigue entre musique du monde et musique classique, en passant d’une atmosphère médiévale ou orientale à la lyre (« Plum ») à des contrepoints baroques au violon (« Méandres »), avec un crochet par la musique répétitive (« Sonnerie 2 »). Charrier renforce les mouvements mélodiques, soit à l’unisson (« Alem Song »), soit en contrechant (« Capla ») du kemençe, et ses chorus se révèlent d’une intensité subtile (« Alem Song »). Des lignes robustes (« Sonnerie 5 ») et des boucles puissantes (« Sonnerie 2 »), qui maintiennent le quartet sur le cap (« Sonnerie 1 »), un coup d’archet majestueux (« Alem Song ») et une musicalité de tous les instants (« Capla ») : la contrebasse de Gendre assure une pulsation solide. Quant à Weinmann, il danse sur les rythmes composés (« Sonnerie 5 »), possède un drumming chatoyant (« Sonnerie 4 ») et d’une carrure massive (« Plum »), qui va comme un gant à la musique de Dadèf.

Mélodies pittoresques, tourneries folk, boucles minimalistes, ambiances orientales… sur un socle jazz : Sonnerie emporte l’auditeur dans ses rondes, irrésistible !

Le disque
Sonnerie
Dadèf Quartet
Raphaël Sibertin-Blanc (vl, kemençe), Simon Charrier (cl), Guillaume Gendre (b) et Carsten Weinmann (d)
Dadèf Quartet – Dadson-1
Sortie le 10 mars 2019

Liste des morceaux

01. « Plum » (5:19).              
02. « Sonnerie I » (4:03).                  
03. « Sonnerie II » (2:45).                 
04. « Sonnerie III » (2:16).                
05. « Sonnerie IV » (3:52).                
06. « Sonnerie V » (1:36).                 
07. « Méandres » (6:38).                  
08. « Capla » (6:35).  
09. « Alem Song » (7:46).

Tous les morceaux sont signés Sibertin-Blanc