27 novembre 2016

Tandem au New Morning

Vincent Peirani et Michael Wollny ne sont plus à présenter. Ils se sont rencontrés en 2012 au New Morning, lors de la soirée des vingt ans du label Act. L’année d’après, l‘accordéoniste invite le pianiste pour l’enregistrement de Thrill Box, en trio avec Michel Benita à la basse.


Après avoir poursuivi leur chemin chacun de leur côté, avec le succès que nous leur connaissons, Peirani et Wollny ont décidé de recroiser leurs touches. A l’occasion de la sortie de Tandem chez Act, en septembre 2016, le duo part en tournée et se produit le 6 novembre au New Morning.

Le répertoire du concert reprend sept des dix morceaux de Tandem, plus « I Mean You » de Thelonious Monk, « Trois temps pour Michel P », un hommage à Michel Portal signé Peirani et « The Kiss », de la chanteuse Judee Sill, dédié à Michel Benita. Le duo commence par enchaîner « Song Yet Untitled » d’Andreas Schaerer, fondateur de l’orchestre déjanté Hildegard Lernt Fliegen, et « Hunter » de Björk. Le piano et l’accordéon sont sombres et lyriques à souhait, avec moult effets, l’un sur les cordes, l’autre avec le soufflet. L’ « Adagio For String » de Samuel Barber s’enfonce dans un romantisme émaillé de contrepoints, de riffs et de boucles marqués par le free. « Did You Say Rotenberg? », hommage à Lionel et Béatrice Rotenberg, mélomanes avertis et supporters de Peirani dès les premières heures, part d’une belle mélodie, soutenue par un piano puissant, et débouche sur des questions – réponses vives et touffues, dans une veine « vingtiémiste ». Wollny s’empare de « I Mean You » dans un style stride virtuose, puis Peirani lui emboîte le pas pour un dialogue ludique, très Erik Satie. Les notes crépitent et les deux artistes intègrent constamment des éléments rythmiques. Comme Wollny trouve que l’accordéon a des points communs avec l’orgue, le duo interprète « Sirènes », un morceau qu’il a composé par le pianiste pour un quartet piano – trombone – batterie – orgue d’église. Les femmes-poissons de Wollny sont graves et majestueuses, avec un brin de mélancolie ! « Uniskate », pour Youn (Sun Nah) is Kate (Bush), mélange incantation et folk. Peirani passe à l’accordina pour « Vignette », un thème de Gary Peacock. Toujours rythmé, le morceau est tendu et moderne. Energique, dansante et expressive, la valse « Trois temps pour Michel P » lorgne de nouveau vers les bastringues et Peirani accompagne l’accordéon avec des vocalises à l’unisson. Pour le premier rappel, le duo joue « Travesuras » du guitariste argentin de tango-rock, Tomás Gubitsch, encore un morceau entraînant et nerveux avec, toujours, des lignes mélodieuses en filigrane. Quant à « The Kiss », Peirani et Wollny l’interprètent plutôt fidèlement.

L’esprit général de Tandem sur disque reste évidemment dans la lignée du concert, mais la clarté de la prise de son et le mixage léché rapprochent encore un peu plus les dialogues du duo de la musique classique. Il y a moins d’emballement rythmique qu’au New Morning. « Bells », un thème de Wollny, et « Fourth of July », du chanteur folk Sufjan Stevens, figurent sur le disque, mais n’ont pas été joués le 6 novembre. « Bells » commence comme un morceau de musique contemporaine avec des lignes arpégées heurtées du piano sur des notes tenues de l’accordéon, puis la discussion s’anime avec des échanges brefs et dynamiques. « Fourth of July » s’étire langoureusement dans des unissons harmonieux et des contre-chants délicats.

Wollny et Peirani forment un sacré duo : orthodoxes et modernes, structurés et libres, sophistiqués et populaires, lyriques et rythmiques… Leur piano et accordéon s’accordent parfaitement !

26 novembre 2016

Cristal Records souffle vingt bougies

Label indépendant créé en 1996 par Eric Debègue, Cristal Records s’articule aujourd’hui autour de Cristal Production pour la partie organisation, Cristal Publishing pour les disques, Studios Alhambra Colbert pour les enregistrements et Sirius Image pour les vidéos et films.

Le label rochelais décline son catalogue sous sept lignes éditoriales :
  • 10h10 pour les musiques du monde, les chansons, la pop, le rock, le hip hop et l’électro ;
  • Cristal Records Classique dédié aux musiques classiques et contemporaines ;
  • 7 music – héritage du label RDC Records de Franck Hagège, racheté en 2005 – spécialisé dans l’accordéon ;
  • BOriginal consacré aux  musiques de films ;
  • Saperlipopette tourné vers le jeune public ;
  • et Cristal Records, la signature jazz…
Cristal Records a fêté son anniversaire au Pan Piper et, pour ses vingt ans, le label propose une actualité discographique particulièrement riche… De Mario Stantchev à Sébastien Texier, en passant par Céline Bonacina, Stéphane Tsapis, Olivier Hutman, Nicolas Folmer, Lionel Martin... et tous les autres, à écouter d’urgence !

Mario Stantchev & Lionel Martin

Domi Emorine & Marcel Loeffler

Domi Emorine & Marcel Loeffler
Domi Emorine (acc), Marcel Loeffler (acc), Cédric Loeffler (g) et Gilles Coquard (b)
Cristal Records – CR 249
Sortie le 4 novembre 2016

Maître accordéoniste jazz es-Manouche, Marcel Loeffler s’associe à une prodige venue de la variété et du classique : Domi Emorine. Avec Cédric Loeffler à la guitare et Gilles Coquard à la contrebasse ou à la basse, le duo d’accordéoniste sort un disque éponyme chez Cristal Records en novembre 2016.

Le programme est pour le moins éclectique ! Trois compositions signées Loeffler, dans une veine jazz manouche, côtoient des œuvres classiques (le prélude du « Tombeau de Couperin » de Maurice Ravel et « Le chemin des forains » d’Henri Sauguet), deux morceaux d’accordéonistes (« Délicatesse » de Marcel Azzola et « Douce joie » de Gus Viseur) et des morceaux composés par des jazzmen : « September 2nd » de Michel Pettruciani, « Mouvements » de Biréli Lagrène, « Valse des Dragons » de Patrice Caratini, « Take Bach » de Philippe Duchemin, « Spain » de Chick Corea et « Since We Met » de Bill Evans.

Emorine et Loeffler dialoguent avec verve (« Le tombeau de Couperin »), virtuosité (« Mouvements ») et élégance (« Take Bach »). Les deux accordéonistes mènent les morceaux avec un entrain (« Conférence ») et un sens de la danse contagieux (« Espérance »). La guitare tient son rôle rythmique avec assurance : pompes (« Douce joie »), phrases arpégées (« Amour secret »), mais aussi chorus mélodieux (« Spain »). La walking (« Since We Met ») et les lignes minimalistes (« Le chemin des forains »)  de la contrebasse ou les grondements de la basse (« Spain ») garantissent une pulsation solide.

Emorine et Loeffler proposent une musique enjouée, un duo pétillant entre jazz manouche et jazz musette.


Is It Real? - Olivier Hutman


Is It Real?
Olivier Hutman Meets Alice Ricciardi
Alice Ricciardi (voc), Olivier Temime (ts, ss), Gilad Hekselman (g), Olivier Hutman (p, kbd), Darryl Hall (b) et Gregory Hutchinson (d).
Cristal Records – CR 236
Sortie le 4 novembre 2016

La carrière discographique d’Olivier Hutman a débuté il y a plus de quarante ans et compte aujourd’hui près de soixante-dix disques, dont une douzaine sous son nom. Hutman a accompagné bon nombre de chanteurs et ses deux derniers opus – No Tricks (2011) et Give Me The High Sign (2013) – sont enregistrés avec Denise King. Pour Is It Real ?, qui sort chez Cristal Records en novembre 2016, Hutman poursuit son aventure avec le jazz vocal.

Hutman fait appel à la chanteuse italienne Alice Ricciardi et s’entoure de deux fidèles, Olivier Témime aux saxophones ténor et soprano et Darryl Hall à la basse, ainsi que Gilad Hekselman à la guitare et Gregory Hutchinson à la batterie.

Le répertoire d’Is It Real? est constitué de huit chansons composées par Hutman et mise en paroles par la complice de toujours, Viana Wember-Hutman. Le sextet interprète également « Don’t Think Twice » de Bob Dylan (The Freewheelin’ Bob Dylan – 1963) et le désormais standard « The Night We Call It a Day », que Matt Dennis a écrit avec Tom Adair en 1941, et qui, d’ailleurs, a également été chanté par Dylan.

Les mélodies aériennes (« The Night We Call It A Day ») aux accents pop (« Is It Real ? ») conviennent parfaitement à la voix suave, volontiers éthérée, et le timbre médium de contralto de Ricciardi. Hutman accompagne les chansons avec des riffs funky (« No Way By Mistake ») et des solos enlevés (« Sunday Morning Drive »), tandis que la paire Hall – Hutchinson assure une pulsation dansante (« No Way By Mistake »), servie par un timing impeccable (« Tana Bolero »), un groove entraînant (« A Coin Without Face ») et des lignes chaloupées (walking et chabada subtils dans « Strange Deal »). Temime double Ricciardi à l’unisson (« Sweet Inertia »), souligne la voix avec des contrechants élégants (« Tana Bolero ») ou joue les chœurs (« Your Call »). Sa sonorité puissante et ronde (« Don’t Think Twice ») et les touches bluesy dont il parsème son discours (« Strange Deal ») densifient la texture sonore du sextet. Hekselman apporte des notes soul (« A Coin Without Face »), mais sa guitare contribue aussi à l’ambiance folk (« Don’t Think Twice »), voire rock (« Sweet Inertia »).


De facture plutôt classique, les chansons d’Is It Real? possèdent un caractère personnel et intime qui les situent entre la chanson à texte et la variété jazzy.

20 novembre 2016

Steve Lehman dans l’Espace Sorano

Dans le cadre de Sorano Jazz, après le trio de Michel Portal, sur scène le 13 octobre 2016, Vincent Bessière a programmé le Steve Lehman Octet, le 5 novembre.

Formé à l’aulne du free – Anthony Braxton –, de la musique contemporaine – Alvin Lucier, Tristan Murail… –, mais aussi d’un jazz mainstream – Jackie McLean –, le saxophoniste alto newyorkais, Lehman est passé par la Wesleyan University, Columbia et le CNSMDP ! En dehors de sa participation aux formations de Braxton, Vijay Iyer, Jason Moran, Meshell Ndegeocello… Lehman a monté ses propres projets, en solo, en trio et en octet.


Le Steve Lehman Octet existe depuis un peu moins d’une dizaine d’années et compte deux disques à son actif : Travail, Transformation & Flow (2009) et Mise en Abîme (2014). A l’exception de Cody Brown qui remplace Tyshawn Sorey à la batterie pour le concert de l’Espace Sorano, les membres de l’octet sont inchangés depuis son démarrage : Jonathan Finlayson à la trompette, Tim Albright au trombone, Mark Shim au saxophone ténor, José Davila au tuba, Chris Dingman au vibraphone, Drew Gress à la contrebasse et, donc, Brown à la batterie.

En cinquante minutes de concert, Lehman et son octet jouent neuf compositions, y compris le rappel. Démarrages brutaux, développements tendus sur un socle rythmique dense et conclusions abruptes : les morceaux sont carrés et compacts. La texture sonore repose sur une opposition entre la section rythmique sourde, le son brillant des soufflants et la sonorité cristalline du vibraphone. Les lignes de basse particulièrement graves de Gress trouvent du renfort dans les motifs épais de Davila et dans les frappes puissantes et touffues de Brown. La contrebasse, le tuba et la batterie grondent de bout en bout et maintiennent sous pression les vents, tandis que le vibraphone égrène ses notes argentines. Les pédales et contrechants heurtés des bois et cuivres, les mélodies dissonantes, les dialogues foisonnants, les effets sonores et les chorus nerveux s’inscrivent dans une lignée free contemporain (pas si éloignée de Braxton), toujours portée par une rythmique robuste et entraînante.

Résolument moderne, la musique de Lehman et de son octet s’appuie sur une mise en place jazz pour soutenir un discours sophistiqué, une sorte d’abstraction expressive…



19 novembre 2016

Le Quatuor iXi et François Couturier au Théâtre 71

Le 3 novembre, dans le cadre de la résidence de Régis Huby au Théâtre 71, le Quatuor iXi invite François Couturier pour une soirée inédite : « dans le prolongement ». Outre Huby et l’altiste Guillaume Roy qui ont créé iXi en 1994, le quatuor s’appuie sur Atsushi Sakai au violoncelle et l’omniprésent Théo Ceccaldi, au violon.


Après Linéal, en 2000, et Phrasen avec Joahim Kühn, en 2005, iXi s’est associé à Sound of Choice en 2007 (Invisible Correspondance), avant de revenir à une formule en quatuor pour Cixircle (2011) et Temps Suspendus (2015). Si le duo Dominique Pifarély et Couturier a déjà croisé iXi, en revanche c’est la première fois que le pianiste est invité seul par le quatuor, le temps d’un concert (et d’un disque ?).


Le quintet entame la soirée avec « Mychkine », morceau composé par Couturier pour le Tarkovksy Quartet, avec Anja Lechner, Jean-Marc Larché et Jean-Louis Martinier. Suivent trois composition d’Huby – « New String Quintet », « G H J » et « Dans le prolongement » – et trois de Roy – un morceau sans titre (?) dans le prolongement de « Dans le prolongement », comme le souligne non sans humour Roy, « Continuo » et « Best Of Tomorrow ».



Croisements de phrases, contrepoints qui mêlent pizzicatos et rubatos, structure complexe des morceaux basée sur des mouvements aux tempos variables – andante, allegro, adagio… –, esquisses de canons, unissons dissonants… : la musique d’iXi est exigeante (« New String Quintet »). La précision millimétriques et les constructions sophistiquées relèvent sans doute davantage de l’écriture que de l’improvisation, mais avec de tels musiciens, qui sait ? Qu’ils soient sombres et mélancoliques, dans une veine romantique minimaliste (« Mychkine »), bâtis autour d’une tournerie baroque, soutenue par une basse continue (« Continuo ») ou inscrits dans la musique contemporaine du XXe («  G H J »),  les morceaux combinent passages lyriques et effets rythmiques à base de pédales, crépitements, coups d’archets, pizzicato… (« Best of Tomorrow »). 


Il y a une telle symbiose entre Le Quatuor iXi et Couturier qu’ils semblent jouer ensemble depuis toujours et il se passe beaucoup de choses dans cette musique de chambre contemporaine qu’ils jouent avec brio.


Le Quatuor iXi et François Couturier © Jérôme Prébois

14 novembre 2016

Welcome Home - Ozma

Welcome Home
Ozma
Julien Soro (sax), Guillaume Nuss (tb), Tam de Villiers (g), Edouard Séro-Guillaume (b) et Stéphane Scharlé (d).
Cristal Records – CR 253
Sortie le 21 octobre 2016

Formé en 2001 par le bassiste Edouard Séro-Guillaume et le batteur Stéphane Scharlé, Ozma écume les scènes du monde depuis quinze ans... Et Welcome Home, le sixième disque du groupe, sort chez Cristal Records en octobre 2016. Après trois premiers albums en quintet dans une veine funk (Ozma, Electric Taxi Land et Strange Traffic), Ozma sort deux disques en quartet, sans trombone, qui lorgnent vers le rock (Peacemaker et New Tales).

Pour Welcome Home, le guitariste Adrien Dennefeld cède sa place à Tam de Villiers et Julien Soro succède à David Florsh aux saxophones. Welcome Home marque aussi le retour de Guillaume Nuss au trombone. Séro-Guillaume et Scharlé se partagent les compositions, dont les titres évoquent des souvenirs et des voyages d’Ozma : Krefeld, Casmere, Durban… A noter, la photo noir et blanc décalée qui orne la pochette : une cycliste a volé par-dessus son vélo et s’est écrasée la tête la première sur le gazon, non sans avoir aplati la clôture du jardin… Welcome Home !

Les mélodies élégantes (« Concertos For Sharks »), voire majestueuses (« Magnus Effect »), les dialogues sensibles (« My Favorite Regret ») ou les contrepoints habiles du saxophone et du trombone (« Krefeld mon amour ») peuvent compter sur l’énergie rock de la rythmique (« Goldi Boldi »), les envolées de guitar hero (« Concerto For Sharks ») et les pédales des soufflants (« Electric Lament »). Des morceaux aux développements calmes, mais tendus (« Cashmere Weekend »), laissent la place à des pièces binaires puissantes (« He Saved The Girl (Once Again) »). Ozma porte toujours un soin particulier à l’architecture des morceaux (« Flat Tire At Durban Market »), souvent construit comme une succession de tableaux qui alternent unissons et contrechants, passages a capella, variations du volume sonore, intensités rythmiques variées…

Ozma a trouvé un bel équilibre et sa musique atteint une maturité indiscutable : Welcome Home est une synthèse convaincante des influences jazz, funk et rock du quintet.


13 novembre 2016

L’Europe selon l’ONJ…

Fondé en 1986, l’OrchestreNational de Jazz a fêté ses trente ans le 2 septembre à la Cité de la Musique, dans le cadre du festival Jazz à la Villette, en présence des dix musiciens qui l’ont dirigé : François Jeanneau (1986), Antoine Hervé (1987 – 1989), Claude Barthélémy (1989 – 1991 et 2002 – 2005), Denis Badault (1991 – 1994), Laurent Cugny (1994 – 1997), Didier Levallet (1997 – 2000), Paolo Damiani (2000 – 2002), Franck Tortillier (2005 – 2008), Daniel Yvinec (2009 – 2013) et Olivier Benoît (2014 – 2018).

L’ONJ compte plus d’une vingtaine de disques à son actif. Après avoir publié huit disques chez Label Bleu, entre 1986 et 1994, l’ONJ a enregistré pour Verve avec Cugny, Evidence avec Levallet, ECM avec Damiani, ensuite, l’orchestre est revenu chez Label Bleu en 2003 et 2004 avec Barthélémy, avant de passer au Chant du Monde avec Tortiller, puis Bee Jazz et Jazz Village avec Yvinec.

Au fil des ans et des appétences de ses directeurs, l’ONJ n’a cessé d’évoluer dans les directions les plus variées. En 2014 l’institution s’est dotée d’un label, ONJ Records, qui édite les disques de l’ONJ, bien sûr, mais aussi ceux des musiciens de l’orchestre : Rebirth de Fabrice Martinez, Post K de Jean Dousteyssier, Petite moutarde de Théo Ceccaldi... Par ailleurs, Benoît a décidé de permettre aux musiciens de l’ONJ et d’artistes invités de développer leurs propres projets en créant l’ONJazz Fabric en partenariat avec le Carreau du Temple.

Côté ONJ, Benoît a monté un programme autour du portrait musical de quatre capitales européennes : Europa Paris (juin 2014), Europa Berlin (avril 2015), Europa Rome (octobre 2016) et Europa Oslo (printemps 2017). Le directeur artistique s’est entouré de musiciens venus de tous azimuts : Dousteyssier aux clarinettes, Alexandra Grimal aux saxophones ténor et soprano, Hugues Mayot au saxophone alto, Fidel Fourneyron au trombone et tuba, Martinez à la trompette et au bugle, Ceccaldi au violon et à l’alto, Sophie Agnel au piano, Paul Brousseau aux claviers, Sylvain Daniel à la basse et Eric Echampard à la batterie.


  
Europa Rome

Benoît a demandé à Benjamin de la Fuente et Andrea Agostini de composer deux pièces pour décrire la Ville Eternelle. Violoniste et compositeur passé par le CNR de Toulouse, le CNSMDP, Paris VIII, l’IRCAM et la Villa Médicis, de la Fuente compose aussi bien pour son quartet, Caravaggio, que pour Ars Nova, l’Orchestre Philarmonique de Radio France, les Percussions de Strasbourg… le théâtre et le cinéma. Pianiste de formation, Agostini a également étudié la composition et la musique électronique à Bologne, avant de rejoindre l’IRCAM. Il travaille à la fois dans la musique contemporaine, le rock, les musiques improvisées… et fait de la recherche en informatique musicale, notamment autour de Bach et Cage, deux logiciels de composition assistée  développés avec Daniele Ghisi.

Le 5 octobre, les dix musiciens de l’ONJ se retrouvent sur la scène du Carreau du Temple pour interpréter Europa Rome, qui sort le 21 octobre. A l’inverse du disque, le concert commence par les dix-neuf morceaux de Rome: A Tone Poem of Sorts d’Agostini, suivi des six mouvements de In Vino Veritas, signé de la Fuente.

Rome: A Tone Poem of Sorts est une œuvre de musique contemporaine typique, avec ses mouvements rythmiques complexes, ses jeux sur les sonorités – de la musique concrète à gamelan, en passant par des nappes dignes d’un film de science-fiction –, le travail sur les textures avec l’opposition entre les unissons ou les contrechants des soufflants et la section rythmique sombre et sourde. L’œuvre évoque un concerto grosso touffu dans lequel les instruments dialoguent à qui mieux mieux, régis par une organisation qui ne laisse pas de place au lâché-prise. Le Rome d’Agostini a un côté mystérieux et secret.


Si la musique concrète, avec les imitations de bruits de machines et les voix off, est bien présente, les ambiances d’In Vino Veritas sont variées, avec des passages quasiment rock, des questions-réponses bondissantes, des sonnailles d’enterrement, des thèmes cinématographiques, une rythmique souvent puissante, des foisonnements vigoureux… La construction sophistiquée de la partition s’appuie sur une énergie jazz. Des dialogues tirés de Gente di Roma, qu’Ettore Scola a réalisé en 2003, s’intercalent dans la suite écrite par de la Fuente. In Vino Veritas porte bien son nom : Rome est enivrante…

La parenté avec la musique contemporaine des deux suites d’Europa Rome est particulièrement évidente sur disque, avec une production soignée, des voix précises et une sonorité nettes qui servent parfaitement les partitions d’Agostini et de de la Fuente.


Europa Paris et Europa Berlin

Les répertoires d’Europa Paris et d’Europa Berlin ont été composés par Benoît. Europa Paris se décline en six pièces, de « Paris I » à « Paris VI », chacune constituée de une à onze parties. Dans Europa Paris, La musique de Benoît porte le sceau de la musique répétitive teintée de free, de rock et de punk. Le compositeur joue élégamment avec des boucles en contrepoints sur des ostinatos, des contrechants minimalistes soutenus par une section rythmique nerveuse et mate, des passages lyriques soulignés par des bourdons, des motifs répétitifs sur un martèlement rock, des unissons denses interrompus par des envolées free, des dialogues improvisés qui s’entrecroisent… Les parties s’enchaînent quasiment sans interruptions, un peu comme un plan-séquence. Aux antipodes de la musette, french cancan, opérettes, chansons à texte et autres clichés, le Paris de Benoît est moderne, trépidant, fébrile, touffu…

Europa Berlin compte huit morceaux. Alors qu’Europa Paris est essentiellement marqué par la musique répétitive, Europe Berlin s’inscrit davantage dans un univers jazz. Benoît se concentre sur des mouvements d’ensemble denses, portés par une rythmique musclée et entraînante. Après des introductions courtes sous forme de bourdon, carillon, voix off sur grésillements, bruits de machine… l’orchestre expose des mélodies souvent courtes et soignées. Les développements rassemblent des ingrédients de musique contemporaine et de rock progressif ou psychédélique, avec ça-et-là quelques traces de musiques du monde, l’évocation d’une fanfare parsemée de dissonances, comme un thème de clown triste à la Kurt Weill, mais aussi des passages de musique de chambre pour un mouvement sombre et majestueux qui évoque sans doute les époques douloureuses que Berlin a traversées. Seul « Persistance de l’oubli » s’inscrit dans la lignée de la musique répétitive. Berlin, selon Benoît, est une ville plurielle, où la nostalgie côtoie le contemporain…

Benoît et son ONJ sont des guides touristiques à suivre sans a priori ! La visite de ces trois premières capitales donnent envie de poursuivre le voyage et d’écouter les sons d’Oslo.

06 novembre 2016

A la découverte de… Lionel Martin

Entre sa participation active aux orchestres d’ImuZZic et ses propres formations, qui vont de l’éthio-jazz au punk en passant par un jazz libre et ouvert, Lionel Martin mérite d’être découvert !


La musique

Quand j’avais neuf ans, j’ai découvert Sydney Bechet… et le jazz ! Un jour, un copain d’école, François Plantier, a amené son saxophone dans notre classe de CE1. Le choix de l’instrument était fait ! Ensuite je suis allé à l’école de musique de Caluire. J’y ai appris le saxophone avec Michel Rodriguez, à  qui je dois beaucoup… En dehors de Bechet, j’ai également été influencé par Steve Lacy, Louis Sclavis, Pascal Kung Fu de Molodoï…


Cinq clés pour le jazz

Qu’est-ce que le jazz ? Le cri, l'amour, la liberté de circuler…

Pourquoi la passion du jazz ? L'engagement, la surprise, le son, la puissance lyrique, le rythme…

Où écouter du jazz ? N’importe où et à n'importe quel moment de la journée, mais en vinyle !

Comment découvrir le jazz ? Assistez à des concerts puis aller à la médiathèque…

Une anecdote autour du jazz ? Mon premier concert de jazz : je dois avoir environ douze ans... Le concert est prévu à vingt heures trente, mais Archie Shepp arrive à vingt et une heures quarante-cinq… Très chaud ! Il joue vingt minutes, regarde sa montre et dit : « Oh ! Il est tard ! Il faut que je rentre me coucher »…


Le portrait chinois

Si j’étais un animal, je serais un tigre lion,
Si j’étais une fleur, je serais un edelweiss,
Si j’étais un fruit, je serais du raisin,
Si j’étais une boisson, je serais un Mango Juice, comme en Ethiopie,
Si j’étais un plat, je serais une soupe thaï,
Si j’étais une lettre, je serais U,
Si j’étais un mot, je serais LIBRE
Si j’étais un chiffre, je serais 7,
Si j’étais une couleur, je serais rouge,
Si j’étais une note, je serais Bb


Les bonheurs et regrets musicaux

Parmi mes réussites musicales : Ukandanz et Jazz Before Jazz, le duo avec Mario Stantchev. A l’inverse, j’ai regretté d’avoir cassé mon saxo après une minute de concert aux Nuits de Fourvière, en première partie d'Iggy Pop.

  

Sur l’île déserte…

Quels disques ? Fun House des Stooges, Paris Blues de Lacy et Gil Evans.

Quels livres ?  Punk Rock Jesus de Sean Murphy, Ainsi parlait Zarathoustra de Friedrich Nietzsche et Mademoiselle, entretiens avec Nadia Boulanger de Bruno Monsaingeon.

Quels films ? Poesía sin fin d’Alejandro Jodorowsky et Taxi Blues de Pavel Lounguine.

Quelles peintures ? Francis Bacon et Edvard Munch.

Quels loisirs ? Funboard, freeride en snowboard, vélo et course à pied.


Les projets

Un nouvel album avec Stantchev est en cours, mais aussi avec Ukandanz. Et beaucoup de surprises ! Ouch Orchestra pour le Saint-Fons Jazz festival, avec Sclavis, Ramón López... Un trio avec Daniel Humair qui se produira au Sunside en février prochain. La sortie d’un disque avec George Garzone en janvier 2017... Un gros programme, quoi !...


Trois vœux…

1. Que tout le monde puisse s'exprimer, bouger librement…

2. Aucune barrière entre les musiques !

3. Que les deux premiers vœux se réalisent…