Autour d’un quart est
un festival biennal pluridisciplinaire dont le piano est le fil conducteur
: pendant une semaine, du 14 au 19 mars, musique, poésie et conte se
rencontrent dans l’Atelier du plateau…
A une rue du parc des Buttes Chaumonts, au fonds d’une cours
étroite, dans une ancienne fabrique de tuyaux du dix-neuvième siècle, l’Atelier
du Plateau propose depuis près de dix-huit ans une programmation éclectique
autour des spectacles vivants contemporains : de la musique, bien sûr,
mais aussi du théâtre et du cirque. Si, avec ses cent-dix mètres carrés, la
salle unique n’est pas grande – une soixantaine de places à vue d’œil – et
occupée en partie par le bar et la cuisine, en revanche, avec ses six mètres
sous verrières, la hauteur sous plafond a de quoi impressionner !
Au milieu des résidences (Benoît Delbecq, Valentin
Ceccaldi…), l’Atelier du plateau programme la biennale Autour d’un quart. Les sept soirées commencent le mardi 14 mars par
un conte (Les deux frères et les lions)
qui met en scène deux comédiens, Hédi
Tillette de Clermont-Tonnerre et Lisa
Pajon, accompagnés par la pianiste et chanteuse Lucrèce Sassella. Le mercredi, c’est au tour de Trio en-corps – Eve Risser, Benjamin Duboc
et Edward Perraud – d’investir
l’Atelier du plateau. John Greaves
prend la suite, le jeudi, en solo. Place à de la poésie en musique le vendredi,
avec le piano de Roberto Negro, la
grosse caisse symphonique de Florian
Satche et la voix de Pierre Dodet.
C’est le trio Stephan Oliva, Guillaume Roy et Atsushi Sakai qui anime la soirée du samedi. Enfin, la clôture est
confiée au sextet de Catherine Delaunay
et au comédien Yann Karaquillo, pour
le spectacle Jusqu'au dernier souffle.
Tout sauf une programmation plan-plan.
Trio En Corps
Mercredi 15 mars
Le trio piano-basse-batterie est sans doute l’une des
formules les plus banales dans le jazz, mais c’est sans compter la créativité de
Risser, Duboc et Perraud. Habitués tous les trois aux environnements
d’avant-garde, ils forment le trio En Corps, qui a d’abord sorti un disque
éponyme en 2012, puis Generation en
2016, toujours chez Dark Tree Records.
Le concert du 15 mars est enregistré par France Musique pour
l'émission A l’improviste d'Anne Montaron, diffusée le 13 avril. La
taille et l’acoustique de l’Atelier du plateau sont telles que l’amplification
des instruments est inutile. Le son sera donc naturel !
Le concert est un plan séquence improvisé d’un peu plus d’une
heure, sans doute sur la thématique de Generation
qui compte deux mouvements : « Des corps » et « Des âmes ».
Le concert débute par des échanges clairsemés dans une veine contemporaine :
notes
isolées et cordes pincées, frottements de peaux et gongs, résonnances sourdes et stridences… Le trio construit une pyramide sonore étrange. La tension va crescendo et culmine dans un passage hypnotique captivant qui évoque le Keith Jarrett d’Endless avec les ostinatos du piano, le foisonnement des percussions et les pédales de la contrebasse. Les musiciens, très concentrés, s’écoutent attentivement et réagissent au quart de tour. Dans une deuxième phase, Perraud, toujours aussi expressif, en met partout, dans un véritable fatras de cliquetis, tandis que Duboc vrombit dans les graves et Risser, la tête dans la table d’harmonie, joue avec les cordes. Entre les bruitages des percussions, les riffs de la contrebasse et les motifs répétitifs du piano, le climat reste dans un esprit contemporain minimaliste. Les trois musiciens font largement appel aux techniques étendues pour sculpter la matière sonore : piano préparé, baguette entre les cordes et moult gimmicks. L’un des développements a des allures d’atelier avec des martèlements, crissements, craquements, claquements, grondements… et le piano qui égrène des notes et quelques bribes de phrases. Là encore, le trio finit par faire monter la pression dans un tumulte de sons. Le piano préparé fait ensuite tourner des boucles imbriquées les unes dans les autres, pendant que l’archet tient une note continue et les balais bruissent sur les peaux… Duboc rebondit sur une pédale qui débouche sur un motif mélodique grave, soutenu par Perraud qui fait crisser ses cymbales et Risser fait résonner ses cordes. Nouveau développement avec le piano qui joue délicatement, sur une contrebasse qui vibre et des percussions subtiles, un peu dans le genre gamelan. Puis c’est un retour aux ostinatos et aux phrases courtes de Risser, avec un Perraud luxuriant et un Duboc puissant. Dans le final, la pédale du piano se fait cristalline, la ligne de basse profonde et la batterie toujours dense…
isolées et cordes pincées, frottements de peaux et gongs, résonnances sourdes et stridences… Le trio construit une pyramide sonore étrange. La tension va crescendo et culmine dans un passage hypnotique captivant qui évoque le Keith Jarrett d’Endless avec les ostinatos du piano, le foisonnement des percussions et les pédales de la contrebasse. Les musiciens, très concentrés, s’écoutent attentivement et réagissent au quart de tour. Dans une deuxième phase, Perraud, toujours aussi expressif, en met partout, dans un véritable fatras de cliquetis, tandis que Duboc vrombit dans les graves et Risser, la tête dans la table d’harmonie, joue avec les cordes. Entre les bruitages des percussions, les riffs de la contrebasse et les motifs répétitifs du piano, le climat reste dans un esprit contemporain minimaliste. Les trois musiciens font largement appel aux techniques étendues pour sculpter la matière sonore : piano préparé, baguette entre les cordes et moult gimmicks. L’un des développements a des allures d’atelier avec des martèlements, crissements, craquements, claquements, grondements… et le piano qui égrène des notes et quelques bribes de phrases. Là encore, le trio finit par faire monter la pression dans un tumulte de sons. Le piano préparé fait ensuite tourner des boucles imbriquées les unes dans les autres, pendant que l’archet tient une note continue et les balais bruissent sur les peaux… Duboc rebondit sur une pédale qui débouche sur un motif mélodique grave, soutenu par Perraud qui fait crisser ses cymbales et Risser fait résonner ses cordes. Nouveau développement avec le piano qui joue délicatement, sur une contrebasse qui vibre et des percussions subtiles, un peu dans le genre gamelan. Puis c’est un retour aux ostinatos et aux phrases courtes de Risser, avec un Perraud luxuriant et un Duboc puissant. Dans le final, la pédale du piano se fait cristalline, la ligne de basse profonde et la batterie toujours dense…
Si le trio En Corps vogue résolument dans les eaux de la musique
contemporaine minimaliste, Risser – Duboc – Perraud dégagent une puissance rythmique
et une énergie tirées du jazz, qui apportent beaucoup de caractère à leur
musique.
John Greaves
Jeudi 16 march
Bassiste, pianiste et chanteur, Greaves s’est illustré au
sein du groupe de rock alternatif Henry Cow et dans Kew.Rhone. avec Peter Blegvad. Il a également participé
à des projets aux côtés de Robert Wyatt,
Elton Dean, Pip Pyle… Installé en France dans les années quatre-vingt, Greaves joue,
entre autres, avec Sophia Domancich,
Vincent Courtois, Elise Caron, Louis Sclavis, Julien
Loureau, Catherine Delaunay, l’ONJ
de Daniel Yvinec, Sandra Nkaké, Jeanne Added, Dominique
Pifarély, Thomas de Pourquery,
Post Image…
L’Atelier du plateau est loin d’être plein et la plupart des
spectateurs semblent connaître Geaves. Comme cette spectatrice qui était
présente au Théâtre des Champs-Elysées pour un concert de Greaves avec Wyatt il
y a… quarante-cinq ans ! Jean-Marc
Foussat enregistre le concert pour un disque à venir ?
A quelques exceptions près, le répertoire reprend Piacenza (Dark Companion – 2015) : une
mise en musique des poèmes de Paul
Verlaine tiré de ses projets (Greaves
Verlaine 1 & 2, en 2008 et 2012, et Verlaine
Gisant en 2015), « La lune blanche » et « Chanson d’automne »
(écouter la version de Léo Ferré, de
toute beauté), « The Thunderthief », co-écrit avec Blegvad, « God
Song », signé Wyatt, « The Green Fuse », d’après un poème de Dylan Thomas, « Saturne » de Georges Brassens (la version d’origine
mérite un détour), et des chansons de son cru : « Walking on
Eggshells », « Summer On Ice », « The Trouble With
Happiness », « The Same Thing », « Dead Poets », « The
Song », « The Price We Pay »…
Un chant intimiste servi par un timbre plutôt grave, Greaves
développe des airs souvent dissonants. Le jeu de piano reste dans les classiques
du genre variété, avec un petit côté piano-bar, comme le souligne d’ailleurs
Greaves : un accompagnement à l’unisson pour souligner les mélodies, des tempos
lents, des rythmes simples, des riffs arpégés – tantôt descendants, tantôt
ascendants –, des motifs répétitifs intercalés entre des pédales d’accords, quelques
nuances bluesy, des lignes d’accords rudimentaires…
Un concert sans doute plus intéressant pour les amateurs de chanson
pop que pour les fans de musiques improvisées.