Le
contrebassiste Thomas Bramerie est un hyperactif de la scène française –
Olivier Hutman, André Ceccarelli, Laurent de Wilde, Pierrick Pedron, Julien
Loureau et beaucoup d’autres ! – et de la scène newyorkaise – Dee Dee
Bridgewater, David Sanchez, Jacky Terrasson, Jean-Michel Pilc... Après trente
ans de carrière et plus d’une centaine de disques en sideman, Bramerie vient de
sortie Side Stories, son premier
album en leader, l’occasion de partir à sa découverte…
La musique
J’ai
découvert le jazz dès mon enfance, à la maison, grâce à la discographie de mon
père. J’ai d’abord étudié la guitare pendant plusieurs années dans une école de
musique. Comme l'orchestre avait besoin d'un bassiste, je me suis mis à la
basse électrique… un peu malgré moi ! Mais j’étais attiré par le jazz
acoustique, donc je me suis procuré une contrebasse…. C’est à se demander
parfois si ce n'est pas l'instrument qui choisit le musicien !
Jusqu’à
dix-huit ans, j’ai d’abord été élève du guitariste Tony Petrucciani à l'école cantonale de musique de Solliès-Toucas, créée
par Yvan Belmondo. J’ai ensuite pris
des cours particuliers avec Jean Paul Florens,
à Marseille, puis des leçons de contrebasse classique avec Jean-Bernard Rière. A partir de là, le reste de mon apprentissage
de la musique de Jazz s'est fait en jouant avec de nombreux musiciens
expérimentés.
Mes
influences principales sont avant tout les quintets de Miles Davis et le trio Herbie
Hancock – Ron Carter – Tony Williams. Aujourd’hui, je suis
inspiré par des trios comme ceux de Christian
McBride, Brad Mehldau ou Avishai Cohen, entre autres...
Cinq clés pour le jazz
Qu’est-ce
que le jazz ? Le jazz est toute
la musique jouée par les jazzmen... Un jazzman est un musicien qui a été – et
sera toujours – amoureux de chaque note jouée par Louis Armstrong, Lester
Young, Duke Ellington, Django Reinhardt, Thelonious Monk, Charlie
Parker, Kenny Clarke, Ray Brown, Davis, John Coltrane, Lee Konitz,
Hancock, Carter, Chet Baker, René Urtreger, Jack Dejohnette, Alain
Jean-Marie, Joe Lovano, Stéphane Belmondo, Brad Mehldau, Ricardo Del
Fra, Mark Turner et des milliers
d’autres ! Toutes les notes jouées par les musiciens animés d’un tel amour
passionné sont du jazz... Les musiciens de jazz se reconnaissent entre eux,
tandis que l’appréciation du jazz par le public et la presse ne correspond pas
toujours à celle des jazzmen.
Pourquoi la
passion du jazz ? Un des aspects du jazz les plus stimulants
pour moi en particulier, et pour les jazzmen en général, est l’interaction
entre les musiciens, l’improvisation, et donc la création de la musique dans
l’instant, au moment présent. Un morceau de jazz ne peut pas être répété deux
fois ! Chaque interprétation d’un même morceau est un nouveau morceau de
musique... J’ai écrit des textes sur le sujet dans le livret de mon disque, Side Stories.
Où écouter
du jazz ? Une des
meilleures façons d’apprécier le jazz est d’aller écouter des concerts. Aller
écouter les musiciens jouer cette musique sur scène, au plus proche si
possible. Les clubs de jazz sont les lieux idéaux pour ça, pour essayer de
percevoir au mieux l’énergie qui circule entre les musiciens lorsqu’ils jouent
du jazz...
Comment
découvrir le jazz ? On
découvre souvent le jazz quand on a été accroché par une mélodie, un groove, un
tempo, un son d’orchestre particulier ou une interprétation… Ella Fitzgerald – ou Cecil McLorin Salvant aujourd’hui – , le
Count Basie Big Band – ou le Lincoln Center Orchestra aujourd’hui –, les trios
d’Oscar Peterson et d’Ahmad Jamal – ou de Brad Mehldau – ont le pouvoir
d’interpeller nos sens... A partir de là, il est intéressant de prendre
conscience de ce qui nous a plu et écouter les disques en cherchant les
harmonies du pianiste derrière la chanteuse, le groove du bassiste et du
batteur derrière le swing du Big Band, la cohésion des trois musiciens derrière
le son du trio… Après cette écoute, on peut aller découvrir cette magie dans
d’autres orchestres, même si, a priori, ils ne nous avaient pas plu... Le goût n’est
pas inné : comme pour la cuisine, la peinture et toute autre expression
culturelle, le jazz demande une certaine initiation. Cela dit, personne n’est
obligé d’aimer le jazz !
Une anecdote
autour du jazz ? Lors
des séances d’enregistrement avec Davis, si l’un des musiciens du groupe
n’était pas satisfait de ce qu’il avait joué et le disait, le trompettiste lui
répondait : « you played it! » (tu l’as jouée !). Autrement dit, si tu ne
voulais pas jouer ces notes, il suffisait de ne pas les jouer au moment de la
prise... Et si tu étais à 100% dans ce que tu jouais, tu ne regretterais aucune
de tes notes !
Le portrait chinois
Si j’étais
un animal, je serais, une cigale,
Si j’étais
une fleur, je serais un coquelicot,
Si j’étais
un fruit, je serais une figue,
Si j’étais
une boisson, je serais une mauresque,
Si j’étais
un plat, je serais un cassoulet,
Si j’étais
une lettre, je serais X,
Si j’étais
un mot, je serais Peuchère !
Si j’étais
un chiffre, je serais 9,
Si j’étais
une couleur, je serais vert,
Si j’étais
une note, je serais bleue,
Les bonheurs et regrets musicaux
Après
trente ans de carrière, je suis heureux d'être un musicien toujours actif auprès
de musiciens de premier plan… et de n’avoir aucun regret !
Sur l’île déserte…
Quels
disques ? N'importe quel disque de Davis de sa période entre 1956
et 1961 !
Quels livres ?
N'importe
quel livre de Jiddu Krishnamurti.
Quels
films ?
N'importe quel film que je n'ai pas encore vu... à condition qu’il soit de Woody Allen !
Quelles
peintures ? N'importe quel tableau de Johannes Vermeer.
Quels
loisirs ? La pétanque... et une mauresque !
Les projets
Mon
projet d'aujourd'hui : je viens de sortir mon premier disque en leader, Side Stories, chez Jazz Eleven, et j'espère
pouvoir tourner avec le trio, composé de Carl-Henri
Morisset au piano et Elie Martin-Charrière
à la batterie.
Par ailleurs je fais aussi partie, entre autres, des formations de Pierrick Pédron, Stéphane Belmondo,
Bojan Z, Jacky Terrasson... Une prochaine collaboration avec Eric Legnini est également prévue.
Sinon,
je compte aussi enregistrer un disque de chansons Occitanes avec la chanteuse Miquela, ma mère, et le guitariste Emile Bramerie, mon fils...
Trois vœux…
Qu’une
grande majorité d’entre nous commence à voir les choses comme elles sont, et
non comme nous les imaginons.
Qu’une
grande majorité d’entre nous commence à apprécier ce que nous avons, plutôt que
désirer ce que nous n’avons pas.
Que
mes deux premiers vœux se réalisent, de manière à ce que des questions comme «
Quels sont vos trois vœux ? » deviennent ineptes...