19 février 2022

Idantitâ – Florian Favre

Sorti du conservatoire de Fribourg et de la Hochschule der Künste Bern, Florian Favre crée des projets qui vont du hip-hop, le sextet Néology, au jazz contemporain, le septet Fragments d’identités, en passant par un spectacle en solo – Dernière danse – et un trio, avec Manu Hagmann à la contrebasse et Arthur Hnatek ou Arthur Alard à la batterie. En 2013, le trio publie T’inquiète pas ça va aller, suivi de Ur en 2016 et On a Smiling Gust of Wind, en 2018. Pour Idantitâ, qui sort le 21 janvier 2022 chez Traumton Records, Favre est seul face à son piano.

En 2019, Favre réalise une performance artistique sur le lac de la Gruyère : il interprète en solo un chant traditionnel fribourgeois composé par l’abbé Pierre Kaelin, « Adyu mon bi Payi », sur un radeau en tavaillon qui dérive sur le lac… La vidéo vaut le détour. A la suite de cette expérience, le pianiste décide de reprendre des morceaux traditionnels de sa région et plus particulièrement ceux d’un autre abbé, Joseph Bovet. C’est ainsi que naît Identitâ (l’ « identité » en patois fribourgeois). A côté des six morceaux de Bovet, de celui de Kaelin et de « I’ve Got You Under My Skin » de Cole Porter, Favre propose trois pièces de son cru.

Les mélodies, pour la plupart élégantes (« Idantitâ ») et délicates (« Nouthra Dona di Maortsè »), évoquent tour à tour une marche quasi Dixieland (« Our Cowboy »), une pièce classique (« Le Ranz des vaches »), une comptine (« Don’t Burn The Witch »), une ritournelle enfantine (« Le vieux chalet »), voire un air folk (« The Dzodzet »). Sophistiqués (« Le lutin du chalet des Rêbes »), les développements de Favre sont construits avec un sens de la dramaturgie incontestable (« Idantitâ »), à la fois cinégéniques (« I‘ve Got You Under My Skin ») et lyriques (« La Fanfare du Printemps »), teinté de romantisme (« Nouthra Dona di Maortsè »). Le pianiste joue habilement de l’indépendance de ses mains : ostinatos (« Don’t Burn The Witch »), riffs arpégés (« Adyu mon bi Payi »), motifs entraînants (« Le vieux chalet ») et pédales (« Idantitâ ») accompagnent avec relief les lignes mélodiques. Les mains de Favre s’amusent, tantôt en suspension (« Our Cowboy ») ou en grande discussion (« Adyu mon bi Payi ») avec un piano préparé (« The Dzodzet ») ou à bâton rompu (« La Fanfare du Printemps »), tantôt en dialogues entraînants (« The Dzodzet ») ou en interactions puissantes (« La montagne »).

Favre réussit son pari d’émouvoir : Idantitâ possède tout le charme d’une œuvre personnelle et intime.


Le disque

Idantitâ
Florian Favre
Florian Favre (p)
Traumton Records – 4704
Sortie le 21 janvier 2022

Liste des morceaux

01. « Idantitâ », Favre (05:31).

02. « Le lutin du chalet des Rêbes », Joseph Bovet (04:20).
03. « Don’t Burn The Witch », Favre (04:21).
04. « Le Ranz des vaches », Joseph Bovet (05:16).
05. « Le vieux chalet », Joseph Bovet (05:27).
06. « Nouthra Dona di Maortsè », Joseph Bovet (06:05).
07. « Adyu mon bi Payi », Pierre Kaelin (05:58).
08. « Our Cowboy », Favre (03:52).
09. « La montagne », Joseph Bovet (06:19).
10. « The Dzodzet », Favre (03:44).
11. « La Fanfare du Printemps », Joseph Bovet (02:26).
12. « I‘ve Got You Under My Skin », Cole Porter (04:54).

13 février 2022

Héliotropiques – Alula

Au début des années deux mille,
Christophe Lehoucq crée Alula, du plumage des oiseaux... Parmi ses inspirations, le saxophoniste et claviériste cite volontiers l’Ecole de Canterbury, les musiques orientales et africaines, le jazz européen, Gong et Hadouq. Après Anemokory en 2007 et Finis Terrae en 2016, Alula sort Héliotropiques le 3 octobre 2021.

Outre Lehoucq, le sextet de base est constitué de la chanteuse Swala Emati, du saxophoniste Philippe Razol, du guitariste Alex Stuart, du bassiste Gilles Sonnois et de Gérald Portocallis à la batterie. Dans Héliotropiques, au grès des morceaux, Alula invite également Didier Malherbe et son doudouk ou son khên, le tromboniste Sam Isaac, le claviériste Julien Lecomble, le percussionniste Georges Dieme et Grégoire Terrier pour ses effets électro. Héliotropiques s’articule autour de six thèmes de Lehoucq et cinq intermèdes librement proposés par Emati et Malherbe.

Cohérents avec leurs sources d’inspiration, les titres des morceaux évoquent le monde : du rite initiatique gabonais, « Banzi Iboga », à « Tubbataha », sanctuaire marin dans mer de Sulu, aux Philippines, en passant par « Biyadhoo », île déserte des Maldives, le temple cambodgien « Angkor », les plaines de sel - « Khadabsakar » - du Danakil, en Ethiopie, et les « Mwinda » (nom des interludes), la lampe en kikongo, mais aussi une référence à ce qui est lumineux. Héliotropiques se conclut sur « Résilience », une ode à la force de l’amour… Quant à la photo esthète de la pochette du disque, signée Lehoucq, elle représente le Deadvlei, dans le désert namibien.

Lehoucq soigne ses mélodies (« Biyadhoo »), le plus souvent entraînantes (« Khadabsakar »), comme le thème-riff « Banzi Iboga ». Alula s’appuie sur des rythmes puissants (« Angkor »), parfois binaires (« Banzi Iboga »), souvent dansants (« Khadabsakar ») et toujours percussifs (« Biyadhoo »), dans des ambiances poly-rythmiques (« Angkor »), éthio-jazz (« Biyadhoo »), descarga (« Résilience »)… Le sextet privilégie les mouvements d’ensemble plutôt que les exploits individuels : contrepoints (« Khadabsakar »), chœurs (« Tubbataha »), fanfare (« Résilience »)… sont servis par les envolées de la guitare en style rumba congolaise (« Banzi Iboga »), rock (« Résilience ») ou éthérées (« Angkor »), les chorus des saxophones tantôt mainstream (« Banzi Iboga ») et harmonieux (« Biyadhoo »), tantôt aériens (« Angkor ») ou shouter (« Résilience »), sans oublier les lignes effilées et boisées du doudouk (« Tubbataha »). Emati chante en anglais, espagnol et français. Sa voix chaude (« Banzi Iboga ») d’alto et ses modulations naviguent autant dans le flamenco (« Biyadhoo ») que dans la world jazzy (« Khadabsakar »). Les cinq « Mwinda » sont des tourneries, entre berceuses et prières, dans lesquelles les vocalises répondent aux phrases légèrement nasillardes du khên (orgue à bouche de l’Asie du sud-est), sur fond d’atmosphère extrême-orientale.

Alula propose un opus ouvert sur le monde et ensoleillé, le titre du disque annonce la température : Héliotropiques sera chaud ou ne sera pas !

Le disque

Héliotropiques
Alula
Swala Emati (voc), Christophe Lehoucq (as, kbd), Philippe Razol (ss, ts, electro), Alex Stuart (g), Gilles Sonnois (b) et Gérald Portocallis (d, perc), avec Didier Malherbe (doudouk, khên), Sam Isaac (tb), Julien Lecomble (kbd), Georges Dieme (percu) et Grégoire Terrier (electro).
Sortie le 3 octobre 2021

Liste des morceaux

01. « Banzi Iboga » (09:19).
02. « Mwinda 1 », Malherbe & Emati (00:55).
03. « Biyadhoo » (07:24).
04. « Mwinda 2 », Malherbe & Emati (00:47).
05. « Khadabsakar » (07:39).
06. « Mwinda 3 », Malherbe & Emati (00:45).
07. « Angkor » (15:38).
08. « Mwinda 4 », Malherbe & Emati (01:01).
09. « Tubbataha » (08:39).
10. « Mwinda 5 », Malherbe & Emati (00:37).
11. « Résilience » (10:32).

Tous les morceaux sont signés Lehoucq et Emati, sauf indication contraire.