Du 3 novembre au 3 décembre les bibliothèques de Paris organisent le festival Monte le son, qui, en 2022, est consacré au jazz. La programmation est riche et variée : des conférences (Joëlle Léandre sur la place des femmes dans le jazz, Franck Bergerot sur Mary Lou Williams, Toshiko Akiyoshi et Carla Bley, Lionel Eskenazi sur Charles Mingus…), des ateliers animés par David Patrois, des expositions photos (Fabrice Journo) et, bien sûr, des concerts avec, entre autres, Madeleine et Salomon, Claudia Solal et Benjamin Moussay, le trio ETE (Andy Emler, Claude Tchamitchian, Eric Echampard)…
Le 19 novembre, la bibliothèque Andrée Chedid accueille le Sébastien Paindestre Trio. Depuis près de quinze an, Paindestre joue avec ses deux compères, Jean-Claude Oleksiak à la contrebasse et Antoine Paganotti à la batterie, un répertoire qui va des standards à des tubes pop, en passant par des compositions originales. Le trio a enregistré quatre disques : Ecoutez-moi (2005), Parcours (2008), Live @ Duc des Lombards (2010) et Paris (2016).
La petite salle d'animation de la bibliothèque affiche complet. Le piano d’étude Yamaha, le clavier Nord, la contrebasse et la batterie Remo n’attendent plus que les musiciens… Paindestre présente le concert comme un voyage musical des Etats-Unis à l’Europe en passant par le Brésil, entre standards, reprises de chansons pop et compositions originales.
Le trio commence par « Bud Powell », signé Chick Corea, un morceau construit dans l’esprit be-bop : thème – chorus – thème, walking, chabada et vélocité contrôlée ! Toujours aux USA, George Cables est un pianiste sous-estimé, malgré ses enregistrements pour SteepleChase, ses duos avec Art Pepper et autres disques avec Bobby Hutcherson, Archie Shepp, Joe Henderson… Il est l’auteur de plusieurs morceaux devenus classiques, à l’instar de « Naima’s Love Song ». Après une entame abrupte, Paindestre développe la jolie mélodie avec élégance, sur une rythmique tendue, dans une ambiance néo-bop. Après un vol au-dessus de l’Atlantique, voilà le trio en Angleterre, chez les Beatles, avec « Mother Nature’s Son » de Paul McCartney. La version qu’en donnent les trois musiciens repose sur une carrure de basse solide, une batterie syncopée et des claviers groovy. « Crystal Corea », composition de Paindestre dédiée au pianiste, décédé en février 2021, revient dans une dynamique be-bop, fluide et énergique. Radiohead – groupe fétiche de Paindestre, célébré notamment avec son Amnesiac Quartet – fournit « Everything in Its Right Place », traité en douceur sur une rythmique entraînante, et qui débouche sur un riff funky inspiré d’« In a Silent Way ». Paindestre et Oleksiak exposent à l’unisson « Luiza ». La belle mélodie nostalgique d’Antonio Carlos Jobim est mise en relief par un chorus particulièrement musical de la contrebasse, une batterie toute en finesse et un piano aux lignes staccato, qui clôture le thème sur une citation du « clavier bien tempéré ». « En rouge » est le morceau titre du disque éponyme d’Atlantico (2015), le quartet de Paindestre avec Dave Schroeder au saxophone, Martin Wind à la contrebasse et Billy Drummond à la batterie. Un thème-riff, une contrebasse puissante et une batterie foisonnante : le morceau est dense, avec une connivence évidente entre les trois musiciens et un solo de batterie imposant. Hommage aux attentats du 13 novembre 2015, « Gaza – Paris – Jérusalem » change d’ambiance en cours de route : d’abord emphatique et touchant, ensuite oriental et festif, puis chaotique et trapu, avant un retour à la mélancolie… La « Scottish Folk Song » de Walt Weiskopf s’apparente à une ritournelle, soutenue par une rythmique solide. « Pyramid Song », encore de Radiohead, conclut le concert sur une touche mélodieuse, portée par les traits vigoureux de la contrebasse et de la batterie.
Antoine Paganotti (c) PLM |
Belle initiative de la part des Bibliothèques de Paris que ce festival, qui permet d’écouter d’aussi beaux concerts que celui du Sébastien Paindestre Trio !