08 novembre 2022

Le désert rouge embrase L’Ermitage…

Le 20 octobre 2022, Eve Risser et son Red Desert Orchestra fêtent à l’Ermitage la sortie d’Eurythmia chez Clean Feed Records. Le studio affiche archi-complet ! Au programme : Julia Robert, sa viole d’amour et ses chants Mapuches en première partie, Eurythmia en deuxième partie, et, en conclusion-surprise, Wassa Kouyaté du Kaladjula Band.

Eve Risser (c) PLM

Chanteuse, altiste et violiste, membre du trio Saltarello, du quartet Impact, du duo Exit, de l’orchestre ONCEIM... Julia Robert a également composé le solo Alètheia (« l’être vrai » en mapudungun), inspiré de chansons de la communauté Mapuche. « La canción de la fuerza » repose sur des vocalises puissantes, souvent écorchées, soutenues par les brefs traits mélodiques et bruitages joués à la viole d’amour. Lhymne à la terre, chanté en espagnol et porté par un ostinato, revient en territoire mélodique. Quant au dernier morceau, très rythmique, il s’apparente à une danse rituelle. L’univers musical d’Alètheia trouve ses origines dans une World Music nuancée de Free et de musique contemporaine.

Red Desert Orchestra & Guests (c) PLM

Créé le 22 février 2019 dans le cadre de Sons d’hiver, Eurythmia met en musique le Red Desert Orchestra et un trio rythmique burkinabé. Les douze musiciens débordent de la scène de l’Ermitage ! Aux côtés d’Eve Risser, Sakina Abdou au saxophone ténor, Antonin-Tri Hoang au saxophone alto, clarinettes et clavier, Grégoire Tirtiaux au saxophone baryton, Nils Ostendorf à la trompette et clavier, Matthias Müller au trombone, Tatiana Paris à la guitare, Fanny Lasfargues à la guitare basse, Mélissa Hié et Ophélia Hié au balafon, Oumarou Bambara au djembé et n’goni, et Emmanuel Scarpa à la batterie. L’orchestre reprend cinq pièces tirées du disque. Avec son décor de soupirs, grondements, bourdonnements, frottements… digne d’un désert à la tombée de la nuit, « Harmattan », porte bien son titre ! Et le chorus nerveux du saxophone baryton a capela, qui égrène un chapelet de boucles en souffle continu, doublé d’effets vocaux, tournoie comme le vent du désert… Au Mali, « Le petit soir » est ce moment « entre chou et loup », lapsus de Risser qui provoque l’hilarité du public. Pour figurer cet instant crépusculaire, Tirtiaux déroule majestueusement une mélopée sur un tapis sonore grandiose. Très en verve, Risser disserte avec beaucoup d’humour sur l’épisode animalier du concert : « Gämse » – le chamois en allemand – lui rappelle les chameaux et les dromadaires… Piano préparé, batterie, balafons et djembé s’en donnent à cœur joie, superposent leurs ostinatos et rythmes dansants, pendant que Müller dialogue avec le reste du combo. Après les bovidés, les équidés : « So » signifie cheval en bambara. Trois djembés massifs, une batterie dense et une basse sourde imposent une ambiance touffue et d’autant plus entraînante que le chœur des soufflants n’est pas sans rappeler une descarga. Changement de climat avec « Désert rouge » qui commence par un lent mouvement solennel, écrin magistral pour les phrases sinueuses d’Hoang. Mais le naturel revient au galop : le Red Desert Orchestra repart dans un feu d’artifice rythmique. Tirtiaux abandonne même son baryton pour des karkabats et l’orchestre se lance dans un enchevêtrement de boucles évolutives, dans l’esprit de la musique minimaliste, juste troublé par les lignes aériennes de la trompette bouchée d’Ostendorf. Après avoir dédié le concert à Céline Grangey, ingénieure du son du big band, remercié les collaborateurs du projet et présenté les musiciens, Risser lance « Soyayya ». L’« amour », en haoussa, est un véritable brouet de bruitages, digne de la musique concrète ! Sur les riffs des balafons, de la batterie et de la basse, les solistes brodent leurs thèmes, à l’instar de Risser et son piano préparé, de Paris et ses effets électrisants, de Bambara et son djembé démonstratif ou d’Abdou et ses envolées free mystiques.

Wassa Kouyaté (c) PLM
Pour terminer le concert, Wassa Kouyaté monte sur scène avec sa magnifique kora. Membre du Kaladjula Band, un orchestre de sept musiciennes maliennes avec qui le Red Desert Orchestra a monté le projet Kogoba Basigui. Kouyaté chante d’abord « Futa » à la
mémoire de Bénin Coulibaly, consœur décédée en 2021. Après une introduction mélodique élégante à la kora, Kouyaté installe un riff hypnotique, sur lequel elle chante des airs intenses et mélodieux. Accompagnée de la basse de Lasfargues et du djembé de Bambara, elle enchaîne sur un hommage au Mali, puis, avec tout l’orchestre, un morceau groovy, aux saveurs afro-beat, qui conclut la soirée sur une touche dansante !

Avec Eurythmia, mariage heureux d’un jazz contemporain audacieux et de rythmes burkinabés. le Red Desert Orchestra a incontestablement trouvé son « beau mouvement »...