En 2019, Lionel Martin et Sangoma Everett avaient
repris Afrique, album de Count Basie et Oliver
Nelson, enregistré en 1971. Cinq ans plus tard, les revoilà
avec un tout autre projet autour du blues : Letter To The
World sort le 15 mars 2024 chez Ouch ! Records. Le duo
invite Sophia Companion pour dire « This Is My Letter To
The World », poème d’Emily Dickinson qui a inspiré
le titre de l’album, et le percussionniste Alain Chaléard pour
les accompagner au bendir sur « Afro Blues ».
Cette
lettre ouverte au monde est bien remplie ! Le morceau éponyme
est signé Everett, qui propose également deux autres compositions,
« Fane » et « Chazelles » (le village du Jura
où vit Everett), oécrites avec Bruno Delanchy, organiste
Hammond dans leur DEL trio, avec le saxophoniste Jérôme
Lefebvre. Les trois thèmes de Martin sont engagés :
pacifiste (« No Guns »), anarchiste (« Ni Dieu ni
maître ») et prophétique (« A la recherche du temps
futur »). Quant au fatidique « I’am Talking To The
Wall », il est cosigné Martin – Everett. Les deux musiciens
reprennent également « Who Knows » de l’album Band
of Gypsy (1970) de Jimi Hendrix,
et le standard « Afro Blues », que Mongo
Santamaria a publié en 1959.
Le
duo bombarde un jazz progressif puissant dans « No Guns », avec
un saxophone ténor sous looper et une batterie brutale et mate.
Ensuite, porté par la voix medium et claire d’Everett et les riffs
inamovibles de Martin, « Who Knows » transpire le blues.
Suit un thème-riff épais, un ténor musculeux et une batterie
athlétique qui font d’« A la rechercher du temps futur »
un morceau jazz-rock-blues intense. Comme il se doit, le
morceau-titre, « Letter To The World », est solennel,
dense et aérien à souhait. « Afro Blues », lui, évolue
dans une ambiance lancinante, entre acoustico-rythmique et
électro-spatiale. Après ce chant quasi-incantatoire, « Irarrazabal
» lorgne vers la world music : le saxophone soprano, mobile et
volubile, répond aux tambours, foisonnants. Mais le gospel a aussi
sa voix au chapitre quand le saxophone ténor, en shouter emphatique,
et la batterie, brute de fonderie, jouent « Fane », un
slow binaire aux contours bluesy. Changement de décor avec
« Chazelles », dans une veine jazz funk entraînante et
jouissive, à la Sonny Rollins. La batterie se tait et les
saxophones pleurent pour « I’Am Talking To The Wall » :
Everett déclame avec simplicité et gravité un poème émouvant
écrit pour le départ d’un ami, Polo. Letter To The World
se conclut sur un « Ni Dieu ni maître » trapu et bluesy,
qu’Auguste Blanqui aurait apprécié.
La
splendide Letter To The World d’Everett et Martin est une
ode libertaire teintée de blues…
Le disque
Letter To The World
Lionel Martin & Sangoma Everett
Lionel Martin (sax, elec) et Sangoma Everett (d, voc), avec Sophia Companion (voc) et Alain Chaleard (Bendir).
Ouch ! Records – V001/27
Sortie le 15 mars 2024
Liste des morceaux
01. « No Guns », Lionel Martin (03:10).
02. « Who Knows », Jimi Hendrix (03:21).
03. « A La Recherche Du Temps Futur », Lionel Martin (02:30).
04. « Letter To The World », Sangoma Everett (03:44).
05. « Afro Blues », Mongo Santamaria (04:31).
06. « Irarrazabal », Yves Cerf (03:25).
07. « Fane », Sangoma Everett & Bruno Delanchy (03:59).
08. « Chazelles », Sangoma Everett & Bruno Delanchy (02:45).
09. « I'Am Talking To The Wall », Sangoma Everett & Lionel Martin (05:07).
10. « Ni Dieu Ni Maître », Lionel Martin (03:29).