09 juin 2025

Notes dans les vignes…

Le 28 juin 2025, dans le cadre de l’Avignon Jazz Festival, le vignoble Dauvergne et Ranvier organise dans sa propriété de Tavel un concert de Jacques Schwarz-Bart avec son projet The Harlem Suite qui réunit Georges Granville au piano, Reggie Washington à la basse et Arnaud Dolmen à la batterie. Ce n’est pas une nouveauté : Dauvergne et Ranvier avait déjà produit Raphaël Lemonnier & La Trova Project le 27 juillet 2024. Que des « créateurs de vins hors cadre » programment des concerts de jazz mérite de comprendre le pourquoi du comment et de découvrir François Dauvergne, un œnojazz patenté…


Mettre du jazz dans son vin

Pour planter le décor, peux-tu nous décrire les activités de Dauvergne et Ranvier ?
 
Nous sommes en effet des « créateurs de vins » : en 2004, Jean-François Ranvier et moi avons fondé notre maison sans avoir ni cave ni vignoble, seulement un peu de savoir-faire. 
 
Pour faire contre mauvaise fortune bon cœur, nous nous sommes dit que nous pouvions vinifier nos vins sans être propriétaires de vignes et nous avons mis en place une méthode originale. Les vignerons avec lesquels nous travaillons nous donnent accès à leur vignoble et à leur chai et sont d’accord pour cultiver leurs terres en tenant compte de nos conseils. Ce dialogue avec les viticulteurs permet de mieux travailler et, au final, d’obtenir des raisins de meilleure qualité. C’est avec le même état d’esprit que nous échangeons avec ces producteurs lors des vinifications. Nous obtenons ainsi des vins uniques qui correspondent à notre goût.
 

 
Comment passe-t-on « de la création et du partage vinicoles » à l’organisation de concerts de jazz ?

En se disant qu’il faut faire ce qu’on a envie de faire. Et en sifflant… quelques bouteilles.

Sur les contre-étiquettes de certaines bouteilles tu cites des morceaux de jazz à boire en dégustant un verre : comme il y a des « synesthètes » qui associent des couleurs aux notes, serais-tu un peu « oenolesthète » ?

Un oenolesthète de l’art, pour sûr ! 

D’ailleurs comme cette pratique est plutôt rare, tu dois bien avoir une anecdote à raconter avec un client qui l’a prise au mot ?

Nous avons reçu plusieurs messages amicaux de personnes qui avaient pris du plaisir à (ré)écouter du jazz… et, peut-être, à boire ce qu’il y avait dans la bouteille !

Une fois quelqu’un m’a coincé : j’avais suggéré d’écouter « Crepuscule with Nellie » en dégustant un verre de notre bordeaux. Et voilà que je reçois un message me demandant quelle était la prise idéale : la quatrième, la cinquième ou bien la sixième ?

Une autre fois, j’ai reçu un message d’un ami de Rhoda Scott. Il m’a fait envoyer quelques cartons à son attention : la contre-étiquette évoquait le Lady all Stars que nous avions vu quelques semaines avant la mise en bouteille.

La scène des concerts n’est autre que la terrasse qui prolonge l’Assemblière, un bâtiment superbe – bureaux et chai de Dauvergne et Ranvier – qui marie avec élégance béton, verre et bois, clairs obscurs, intérieur et extérieur, tradition et modernité… Peux-tu nous raconter l’histoire de l’Assemblière ?

L’Assemblière © Dauvergne Ranvier

L’Assemblière tire son nom du mot « assemblage » qui désigne la création d’un vin en associant différentes cuves ou différents fûts. Le but est atteint quand le vin issu de l’assemblage surpasse chaque composante.

La rénovation et l’extension d’une ancienne cave qui se trouve au 47 chemin des Vestides à Tavel ont été confiées à un cabinet d’architectes de Gigondas, Dany & Febvay. Ils ont conservé l’ancien bâtiment, mais l’ont amélioré et nous en avons doublé la surface pour pouvoir y mettre le chai, bien sûr, mais aussi un laboratoire, des bureaux, un salon d’accueil pour nos visiteurs… Les travaux ont commencé en 2019 et nous avons emménagé début 2020.

J’aime cet endroit et je crois que les visiteurs et les salariés s’y sentent bien. Certains y trouvent une harmonie là où d’autres évoquent une note contemporaine jouée par le trio de matériaux dont tu parles.

Au pied de la terrasse, les spectateurs sont assis dans un parc avec une vue magnifique sur les collines et les vignobles de Tavel. Quel morceau de jazz entends-tu quand tu es dans cet écrin splendide ?

Beaucoup !

Mais s’il ne faut en choisir qu’un, j’évoquerais, bien entendu, « Harvest Time » !... Morceau tiré de l’album Pharoah, sorti chez India Navigation en 1977. D’autant plus que l’ami qui m’a fait découvrir Pharoah Sanders m’a aussi aidé à créer ma société… C’est donc un peu grâce à lui que l’Assemblière existe !

Autre évocation : Raphaël Lemonnier et la Trova Project, qui ont donné un concert ici l’an passé, dans le cadre de l’Avignon Jazz Festival. 


L’Assemblière a également accueilli en mai 2025 un trio manouche, Django-Charlie, qui a joué devant un public charmé !

Plus récemment, le club Jazz à Fip a diffusé une interprétation de « My Ship » par Keith Jarrett et Charlie Haden. C’est un morceau que j’écouterais bien ici un de ces soirs d’été quand le soleil vient de se coucher et que l’ombre du bâtiment ressemble à celle d’un navire...

L’Assemblière © Dauvergne Ranvier

Mettre du vin dans son jazz

Comment se traduit le partenariat avec l’Avignon Jazz Festival pour l’organisation des concerts ?

Avec Anne, ma femme, nous avions l’habitude d’aller au Cloître des Carmes voir et écouter des concerts organisés par ce festival. J’ai trouvé la programmation emballante et les bénévoles d’une gentillesse et d’une énergie communicative. C’est donc très naturellement que nous avons proposé d’aider le festival. Plusieurs membres du bureau et de l’équipe sont venus à Tavel. Ils ont aimé le lieu et ont proposé d’y organiser un premier concert. J’étais ravi !

L’équipe du Festival réalise l’essentiel du travail. Nous mettons à disposition le lieu, quelques paires de bras et faisons notre possible pour accueillir au mieux les spectateurs en proposant une petite restauration et, bien évidemment, quelques verres de vins à prix d’amis… à déguster avec plus de modération que la musique qui se joue sur scène.

Quelle est la partie que tu trouves la plus compliquée dans l’organisation d’un concert de jazz ?

 
Ce sont surtout les membres du Festival qui devraient répondre à cette question : à eux le stress, le choix délicat de trouver les artistes disponibles, de s’occuper de la logistique. Heureusement, ils ne manquent pas d’énergie et ces bénévoles sont toujours positifs, enthousiastes et souriants. Ils sont géniaux !

Notre équipe aussi est géniale car elle est toujours partante pour aider.

L’année dernière tu as programmé Lemonnier et cette année c’est Schwarz-Bart et son Harlem Suite qui seront sur scène. Comment as-tu sélectionné ces formations ?

Nous nous contentons d’accueillir le spectacle. Mais comme les organisateurs sont très partageurs ils me font part de leurs « short-list » pour que nous échangions ensemble. Je leur donne juste un ressenti étant donné ce que je connais du lieu et des musiciens.

 
J’ai toujours aimé les mélanges de cultures. La musique de Lemonnier associe Cuba et le Blues et j’ai hâte d’écouter The Harlem Suite qui montre ce que le Jazz contemporain doit à l’Afrique.

T’attendais-tu à ce que le concert de Lemonnier attire près de deux cent spectateurs ?

Nous l’espérions, mais nous avons eu des moments de doutes : une semaine avant le concert, à peine vingt personnes avaient réservé ! L’essentiel des billets s’est vendu le jour même, comme souvent dans le spectacle vivant…

Nous sommes bien loin du rythme viticole où, quand nous plantons une vigne, c’est pour les soixante prochaines années !

Dans un village, certes connu, mais relativement isolé, comment expliques-tu que les spectateurs répondent présents ?

Avignon Jazz Festival a une belle réputation et ça fait venir du monde ! La notoriété des musiciens, l’énergie des bénévoles et de nos salariés ont sans aucun doute attirer encore davantage de monde.

Le concert a conquis le public ! Il s’est mis à danser pendant le spectacle. Peut-être que les verres de Tavel, de Condrieu et de Côte-Rôtie que nous proposions au bar ont aussi contribué à la joyeuse ivresse du moment…

Raphaël Lemonnier & La Trova Project à l’Assemblière - 27 juillet 2024 © Anne Dauvergne
 

Penses-tu que ces concerts puissent avoir des retombées médiatiques et commerciales pour Dauvergne et Ranvier ?

Ce n’est pas le but. Tant mieux si c’est le cas. Quoi qu’il en soit, je vois beaucoup de correspondances entre le monde du jazz et celui du vin. 

Le vin est une production agricole, certes, mais, à mon avis, plus culturelle que naturelle. L’évolution naturelle du vin, c’est le vinaigre, le couac du vigneron.
 
Un vin est issu de mélanges, mélange de terroirs, mélange de cépages, mélange d’âges de vignes et de savoir-faire... C’est aussi, souvent, un assemblage de multiples fûts et de plusieurs cuves. C’est parfois, comme en champagne ou dans les vins doux, la subtile association de vins d’âges différents. Je vois un parallèle entre cet univers et celui du jazz qui aime les rencontres, la création, les fusions.

Il y a une réflexion derrière chaque vin qui laisse une grande part à l’expression des sentiments. La vigneronne ou le vigneron se projette dans son vin comme un musicien bâtit une mélodie. 

Mais pourquoi le jazz plutôt que la musique classique, la musique du monde, le rock, la variété ou autre ?

Parce que nous avons créé notre société en improvisant et en plaçant la liberté en haut de nos valeurs...

Mais aussi parce que le jazz accueille la musique classique, la musique du monde, le rock, la variété, le rap et bien d’autres genres musicaux sans rien exclure comme nous n’excluons aucun cépage ni aucun terroir dans nos assemblages.

En effet le jazz reste ouvert à tous les genres et les accueille comme l’univers du vin reste ouvert à tous les styles : les grands classiques très construits et somptueux comme les productions plus fantaisistes voire risquées, mais elles aussi émouvantes, telles que les vins sans soufre.

Bien sûr, il y a l’ivresse des notes, les corps qui se déhanchent, les têtes qui dodelinent. Après un verre de jazz, on se lâche, on se délasse. Cela n’empêche pas d’avoir les sens en éveil : l’oreille ou le nez, l’œil ou la bouche. Même les grands vins, qui sont très construits, laissent une place à l'improvisation, ne serait-ce qu'à travers le vieillissement en bouteilles. Il y a une dynamique dans la dégustation, les arômes évoluent, surprennent, font vagabonder l’esprit, comme dans une musique aussi vivante que le jazz.
 
Comme le monde du jazz également, le vignoble est accueillant, jamais clôturé... Sauf si les cochons sauvages rôdent ! Chaque visiteur est le bienvenu quelle que soit son origine. On a un grand sens du partage dans le monde entier. J’ai vu des vignerons célèbres échanger des bouteilles contre celles d’un petit nouveau passionné. Et je connais beaucoup d’amoureux du vin qui font le bœuf en soirée en apportant chacun des flûtes et de grosses caisses... de vins, bien entendu !


A la découverte de François Dauvergne

Le goût du jazz

Quand as-tu découvert le jazz ?

Au goulot de mon biberon.

La musique était peu présente à la maison quand j’étais enfant, mais ma mère, née en 1927, écoutait Duke Ellington, Stéphane Grappelli et le Jazz Nouvelle Orléans assez régulièrement. Elle nous a aussi fait aimer les chansons d’Yves Montand qui ont bien des côtés jazzy. Et puis, quand j’ai eu ma chaîne Hi-Fi, je me suis mis à écouter Julien Delli Fiori et Clémentine Célarié

Quel est ton parcours dans le jazz entre tes premières découvertes et aujourd’hui ?

C’est un parcours brouillon.

Je ne suis pas un grand connaisseur du jazz et ne pratique pas du tout la musique. Je suis comme un gars qui va au restaurant, écoute le sommelier avec respect, trouve le vin excellent, prend énormément de plaisir à le déguster, quand l’accord est parfait avec le plat, mais qui, à la sortie, ne sait plus exactement quel est la composition du sol ni le pourcentage exact des cépages car pour lui, l’important, c’était l’émotion au moment de la dégustation.

Mes goûts sont éclectiques et se sont formés au gré des concerts et des émissions de radio. Je remercie d’ailleurs Radio France et ses nombreux programmes jazzistiques !

Quel est ton instrument favori dans le jazz ?

Le saxophone, pour son côté charnel et intime. Mais aussi le piano parce que j’ai eu un choc la première fois que j’ai entendu Thelonious Monk.

Quels sont tes musiciens favoris ?

Nombreux sont les musiciens actuels qui me font vibrer, mais comment ne pas prendre le risque d’en oublier ? Donc je ne vais en citer que quelques-uns parmi les plus anciens : Freddie Hubbard parce que ça tranche ; Ella Fitzgerald parce qu’elle rassemble ; Billie Holliday pour « Strange Fruits » ; Miles Davis parce qu’il a toujours cherché ; John Coltrane pour la profondeur ; Fats Waller pour la joie ; Blossom Dearie pour « Sophisticated Lady » ; Monk parce qu’il a magnifié le pas de côté ; Bill Evans parce que converser avec soi-même est important ; Carla Bley pour son indépendance d’esprit et sa créativité, Oliver Nelson pour « Stolen Moments » ; Lee Morgan et les Jazz Messengers pour l’énergie ; Django Reinhardt pour « Minor Swing » ; Henri Crolla pour Montand ; Roy Haynes pour son élégance ; mais aussi John Lewis qui a tissé avec finesse un lien entre jazz et classique…

Sur l’île déserte, quels disques amènes-tu ?

L’anthologie complète du jazz si jamais elle sort un jour…

S’il ne faut en choisir qu’un : Somethin’Else parce que c’est un de mes tout premiers disques.


Cinq clés pour le jazz

Qu’est-ce que le jazz ?

C’est une manière de ne pas mettre de mots sur les sentiments.

Pourquoi la passion du jazz ?

Pour la liberté d’expression... Et parce que le jazz allie précision et création.

Où écouter du jazz ?

Pourquoi pas en venant à Tavel le 28 juin !

Vers chez nous, nous pouvons nous régaler avec de nombreux festivals dont l’Avignon Jazz Festival, bien sûr, mais aussi Jazz à Junas et ses deux cousins, Jazz en Pic-Saint-Loup et Jazz à Vauvert, sans oublier le magnifique Marseille Jazz des cinq continents…

Sinon, en voiture ou à la maison avec Nathalie Piolet ou l’équipe du Club Jazzafip.

Enfin, lors de montées à Paris, dans les nombreux clubs de la capitale...

Comment découvrir le jazz ?

Idéalement en concert lors d’un festival : l’ambiance fait partie du concert…


Le mot de la fin

Quel(s) projet(s) autour du jazz pour demain ?

Dans la mesure du possible, continuer à programmer des concerts et amener le plus de jeunes possible à découvrir le jazz...

 

En prime... une chrœnologique de Guy Tard 
 
  
Y a d'l'étoffe, c'est charnu, une bonne vivacité, très joli milieu de bouche, finale douce. 
Assemblage dominé par le cabercordeon, bien complété par le saxomerlot, rehaussé par la fraîcheur du piano noir, biodynamusiqué par la paire basse batterie discrète mais indispensable.
Riche, très néo vigneron, mais vraiment bien construit. 
J'en reprendrais bien un peu !
 
 
Le disque 
 
Living Being IV : Time Reflections
Living Being
Vincent Peirani (acc), Émile Parisien (ss), Tony Paeleman (kbd), Julien Herné (b) et Yoann Serra (d).
Sortie le 26 septembre 2025 

 

08 juin 2025

Les Instruments Migrateurs s’envolent du Comptoir

Le 3 avril 2025, au Comptoir Halle Roublot, Joce Mienniel invite Vincent Peirani et Malik Ziad pour le dix-septième et dernier épisode de la saga des Instruments Migrateurs, débutée en septembre 2023. Des tournées sont en cours de préparation et une compilation des concerts sortira sur disque chez Buda Musique.

Après l’exquis pâté de Pierrot et le succulent poulet au citron de Marianne, la soirée peut commencer ! Malheureusement Sophie Gastine, l’enthousiaste maîtresse de cérémonie du Comptoir, doit confirmer une information affligeante : « le Comptoir s’arrêtera après le 21 juin ». Malgré ses vingt-quatre années d’activités et le soutien de la ville de Fontenay-sous-Bois, la suspension des subventions du Ministère de la Culture ne permet plus à Musiques au Comptoir de continuer son activité. 
 
Sophie Gastine (c) PLM

Malgré cette mauvaise nouvelle, les flûtes de Mienniel, l’accordéon de Peirani – toujours pieds nus – et les guembri et mandole de Ziad transportent les spectateurs loin des affres de la vie quotidienne pendant près d’une heure et demie.

Véritable cri de ralliement des Instruments Migrateurs, « Stéréométrie » lance la soirée. Le thème-riff, repris en boucle grâce aux pédales, sert de décor aux broderies jazz folk de la flûte. Ziad, puis Peirani prennent des chorus qui permettent à Mienniel de les présenter. Le mandole s’évade au Moyen-Orient, tandis que l’accordéon s’amuse autour du thème, entre ritournelle de bal et déroulé moderne. « B et H », signé Peirani, commence par une introduction sombre de l’accordéon, bientôt soutenu rythmiquement par le guembri dans un rôle de basse et la flûte en mode percussion, avec le souffle mêlé aux claquements des clés. Le développement est dense et dansant, porté par le son grave, plein et chaud du guembri, la flûte, expressive à souhait, qui navigue entre mélodie et rythme, et l’accordéon, d’abord accompagnateur attentif, puis soliste à la fois entraînant et foisonnant. Pendant que le guembri garde une carrure inamovible, l’accordéon et la flûte se répondent, croisent leurs voix et interagissent avec malice. Comme à chaque concert, les Instruments Migrateurs ont droit à leur solo a cappella. Ziad a la primeur avec « Le souffle de la brise » qu’il interprète au mandole et au chant. Le morceau s’appuie sur une nouba et plusieurs maqâm. Il s’inscrit typiquement dans la tradition arabo-andalouse et plonge les spectateurs dans l’univers chaloupé des musiques du monde. L’improvisation de Mienniel joue avec la spatialisation du son, une houle sonore et des ostinatos lancinants. Elle dégage une ambiance psychédélique relax, quasi-hypnotique. Le trio se retrouve pour « Rituel », proposé par Ziad. Le mandole et la flûte démarrent à l’unisson sur un motif dansant. L’accordéon et les vocalises de Peirani se joignent ensuite au duo pour exposer un thème-riff enlevé. Le trio fait circuler la musique avec maestria. Chaque échange est intense et les variations, particulièrement relevées, font la part belle aux envolées mélodico-rythmiques. Peirani joue une improvisation autour d’un motif qui revient ça-et-là au milieu des développements. Epoustouflant, le solo statufie l’assemblée avec ses contrepoints de toute beauté, ses alternances de calmes plats et de tempêtes, ses silences qui ménagent le suspens, ses élucubrations complexes qui côtoient des phrases simple, sa construction sophistiquée, mais toujours logique. Mienniel a composé « Zerberb » il y a plus de vingt ans, lors d’un voyage à Oujda, dans le désert, au nord est du Maroc, près de la frontière Algérienne. Il joue d’abord d’une flûte traditionnelle, proche du ney, à la sonorité grave, puissante et veloutée, puis passe à une sorte de zurna, aiguë et nasillarde. Le guembri et l’accordéon reprennent le riff de la flûte avant d’embraser le morceau. C’est dans une atmosphère surchauffée que le trio demande au public de l’accompagner en frappant dans les mains 1-2-3-4-5-678… En bis, les musiciens interprètent un air inédit de Mienniel, sans titre pour l’instant. La ronde enflammée de l’accordéon, les boucles déchaînées de la flûtes et les motifs enivrants du guembri débouchent sur un délire free qui finit par se canaliser...
 
Vincent Peirani, Joce Mienniel et Malik Ziad - 3  avril 2025 - Comptoir Halle Roublot (c) PLM

Avec ses Instruments Migrateurs, Mienniel a réussi le pari magnifique d’unir des musiciens de tous les pays, marier des musiques des quatre coins du monde et fusionner des cultures hétéroclites. Bravo ! 

Encore merci aux Musiques du Comptoir pour cette initiative, mais aussi d’avoir régaler nos oreilles pendant un quart de siècle avec tous ces concerts jubilatoires !