Après avoir été en
résidence au Carreau du Temple, la Fabric de l’ONJ s’installe à la Dynamo à
partir de janvier 2017. Le 13 juin La Dynamo accueille deux projets aux
antipodes : le Daniel Erdmann’s Velvet Revolution, trio acoustique à
l’instrumentation originale – saxophone, violon et vibraphone – et Kolkhöse
Printanium de Paul Brousseau, quintet électrique classique – saxophone, guitare,
claviers, basse et batterie.
Comme Sons d’hiver, son cousin du Val-de-Marne, Banlieues
Bleuees est née de la volonté des communes de la Seine-Saint-Denis de proposer
un fetival de jazz. La première édition a lieu en 1984. C’est en 1990 que sont
lancées les Actions Musicales, projets développés par des musiciens avec des
écoles, des danseurs, des comédiens, des musiciens amateurs... En 2006,
Banlieues Bleues s’installe à la Dynamo et propose désormais des concerts tout
au long de l’année. Située dans le quartier des Quatre-Chemins, à Pantin, la
salle, moderne, a été construite dans une ancienne fabrique de sacs de toile de
jute.
Ambiance décontractée dans la cafétéria avant le concert :
spetateurs et musiciens devisent devant une bière et un sandwitch (tbc).
Toujours assidu, Olivier Benoît est
venu écouter les projets des musiciens de l’ONJ. Hasse Poulsen et Edward
Perraud sont là aussi, solidaires avec leur ami de Das Kapital, Erdmann.
Daniel Erdmann’s Velvet Revolution
La soirée commence par le concert de Velvet Revolution.
Outre Erdmann au saxophone ténor, Théo
Ceccaldi (membre de l’ONJ) est donc au violon et Jim Hart au vibraphone. Leur premier disque, A Short Moment of Zero G, est sorti en octobre 2026 chez BMC. Le
nom du trio d’Erdmann est évidemment un hommage à la Révolution de velours, qui
mit fin au régime communiste tchécoslovaque en 1989.
Les six morceaux au programme sont signés Erdmann et tirés de
A Short Moment of Zero G. A noter,
« Quand j’étais petit je rêvais d’être pauvre », un clin d’œil aux
Contes de Rose Manivelle en trio avec Vincent
Courtois et le musicien-griot-poète André
Ze Jam Afane.
Décollage spatial avec « A Short Moment of Zero G » : Hart
frotte les lamelles de son vibraphone avec des archets tandis que Ceccaldi et
Erdmann chatouillent les aigus de leur instrument. Le trio change ensuite de
registre avec un riff en pizzicato du violon et des nappes de sons du
vibraphone, pendant que le ténor joue une mélodie torturée, aux accents
mélancoliques. Les interactions élégantes du trio, ponctuées de boucles et d’envolées
free, rappellent la musique de chambre contemporaine. Après un solo a capella tendu
du ténor, le violon entre dans « I See A Strange Light » pour un
dialogue moderne à base de traits dissonants, notes tenues, glissandos, rubatos…
et, toujours, cet entrelacs subtil des voix. Le thème, exposé à l’unisson, n’est
pas sans évoquer Ornette Coleman.
Hart fixe des pinces et des bouts de papier sur les lamelles de son vibraphone
pour jouer sur les sonorités tandis qu’Erdmann et Ceccaldi assurent un
continuum sinueux en arrière-plan. Les échanges bruitistes heurtés de « Still
A Rat » ramènent à une ambiance contemporaine, puis le morceau débouche
sur une cavalcade entraînante, dynamisée par l’apport des techniques de jeu étendues.
Des accents bluesy accueillent « Quand j’étais petit je rêvais d’être pauvre »,
mais le développement penche davantage vers des motifs hypnotiques dans une
veine contemporaine. Ceccaldi s’en donne à cœur joie dans l’introduction des « [Les]
frigos » : bourdonnements, multi-cordes, pizzicatos rythmiques,
phrases nerveuses, grincements… Autant de contrastes avec la mélodie nostalgique,
reprise par le ténor, imposant, et le vibraphone emphatique. Le concert s’achève
sur « Infinity Kicks In ». Ceccaldi joue un riff endiablé en pinçant et frottant
les cordes ; pendant tout le concert il a souvent utilisé son violon comme
une guitare. Tantôt Hart se joint aux motifs du violon, tantôt il s’envole dans
des longues phrases sinueuses. Quant à Erdmann, son discours passe du registre
medium-grave à l’aigu avec une montée en tension progressive.
La musique du Velvet Revolution d’Erdmann est tout à fait
convaincante : des sonorités insolites, des dialogues expressifs, des
rythmes soutenus et une inventivité jamais prise à défaut. Bravo !
Kolkhöse Printanium
Brousseau forme Kolkhöze Printanium en 2007, avec Hugues Mayot aux saxophones, Maxime Delpierre à la guitare, Jean-Philippe Morel à la basse et Philippe Gleizes à la batterie. Leur
premier opus, Kolkhoznitsa Vol. 1,
sort la même année.
La politique s’invite au concert : le set commence par un
extrait du discours prononcé par Emmanuel
Macron le 7 janvier 2017 à Clermont-Ferrand – « Penser printemps »,
inspiré par un texte d’Alain, de
1935 – avec, en toile de fonds, un son de cloche de synthèse. Le développement de
« Titan » est tranquille, dans une ambiance fusion, accentuée par les
claviers. Dans « Allende en la ONU », après le discours, la rythmique
s’emballe et installe un climat dense et lourd : Gleizes cogne sur sa batterie
et Morel martèle sa basse. Le maelstrom sonore s’accentue encore avec « Our
Face At ‘The Motown’ ». A l’inverse de Velvet Revolution, qui mise tout
sur la lisibilité des échanges, Kolkhöse Printanium parie sur un magma sonore
qui tient autant de la musique concrète que du rock alternatif. « Sans le
savoir » commence encore par un discours, puis Delpierre enchaîne une
ritournelle sur des boucles rythmiques touffues, pendant que Mayot joue une
mélodie décalée. Démarrage tellurique pour « Ssen Soupape » : la
batterie et la basse occupent le premier rang, la guitare peine à se faire
entendre, les claviers et saxophone paraissent lointains. Après une succession
de bruits industriels et de voix off, proches de la musique concrète, « Exhausteur »
déroule une mélodie plus calme, sur un accompagnement binaire lent. Nouveaux
bruits mécaniques d’atelier pour l’avant-dernier morceau, qui servent de décors
aux boucles de la guitare et aux vrombissements des claviers. La batterie et la
basse renforcent encore le côté hypnotique, tandis que le saxophone pousse des
cris, avant un final mélodieux. La soirée s’achève dans une atmosphère de
science-fiction, avec des nappes de sons aériennes, des phrases mélodiques distantes
et une rythmique en suspension.
Kolkhöse Printanium vrombit dans un univers brutal, alimenté
par une section rythmique violente, des effets bruitistes tonitruants, des claviers
bourdonnants… une sorte de free rock alternatif puissant.