L’actualité française
du label belge Igloo Records est touffue : Be.Jazz, Jazzycolors et,
maintenant, le Sunside et le Sunset… Le 23 novembre 2017, Rémi Planchenault et
son équipe programment un double concert, l’occasion de célébrer des sorties de
disques : le quartet d’Igor Gehenot propose Delta
au Sunside, suivi du trio de Jean-Paul Estiévenart qui présente Behind The Darkness au Sunset.
Delta au Sunside
Gehenot est de retour avec un nouveau trio : après Road Story en 2012, avec Sam Gerstmans et Teun Verbruggen, puis Motion,
en 2014, en compagnie de Philippe Aerts
et Verbruggen, Delta rassemble le
contrebassiste suédois Viktor Nyberg
et le batteur luxembourgeois Jérôme
Klein. Une fois n’est pas coutume, le trio s’est transformé en quartet avec
l’arrivée d’Alex Tassel, au bugle.
Pour le concert du Sunside, Antoine Pierre remplace Klein et le répertoire reprend sept des neuf
morceaux du disque plus « The Theme », standard composé par Kenny Dorham pour les Jazz Messenges d’Art Blakey (At The Cafe Bohemia,
Vol. 1 – 1955).
Les mélodies de Gehenot sont chantantes (« Moni »)
et souvent construites sur le format de thème-riff simple et efficace
(« Sleepness Night », « Step 2 »). Le quartet alterne
morceaux vifs (« Starter Pack », signés Klein) et ballades
(« Johanna », de Tassel), traités dans un esprit néo-bop (« The
Theme »). Gehenot fait le choix d’une sonorité acoustique, avec seulement
quelques rares effets du bugle. Le piano passe d’un jeu minimaliste
(« Sleepness Night »), pimenté de traits poétiques (« Abysses »),
à des envolées bop (« Starter
Pack ») aux nuances funky (« Step 2 »), sans oublier des
ballades mélodieuses (« Johanna »). Nyberg soutient le quartet avec des
motifs sourds (« Starter Pack »), des lignes simples et efficaces (« Sleepness
Night »), des riffs imperturbables (« Moni »), des walking classiques (« The
Theme ») qui vire à la running
(« Step 2 »). La fougue de Pierre ne se dément pas (le solo de
« Step 2 ») et ses frappes denses (« Sleepness Night »),
mais d’une puissance toujours subtile (« Starter Pack »), laissent
place à des chabadas exemplaires (« The Theme ») ou des bruissements délicats
(« Johanna »). Tassel se joint au piano pour exposer les thèmes à
l’unisson dans un pur style hard-bop (« Step 2 »), aligne des phrases
virtuoses (l’introduction a capella de « The Theme »), dialogue avec verve (« Starter
Pack ») et joue de sa sonorité, mélange de velouté et de brillance, pour
sublimer les ballades (« Johanna ») ou mettre une pointe de gravité
dans les morceaux plus solennels (« Abysses »).
Avec Delta,
Gehenot reste dans le sillon tracé par Road
Story et Motion : un néo-bop
vivifiant, assaisonné d’une touche lyrique…
Le disque
Delta
Igor Gehenot Quartet
Igor Gehenot (p), Viktor Nyberg (b) et Jérôme Klein (d),
avec Alex Tassel (bugle).
Igloo Records – IGL280
Sortie en Février 2017
Liste des morceaux
01. « Intro » (1:47).
02. « December 15 » (2:42).
03. « Moni » (5:46).
04. « Sleepless Night » (4:56).
05. « Step 2 » (6:06).
06. « Abysses » (8:15).
07. « Starter Pack », Klein (5:37).
08. « Johanna », Tassel (6:16).
09. « Drop by » (4:59).
Tous les morceaux sont signés Gehenot, sauf indication contraire.
Behind
The Darkness au Sunset
Le deuxième concert se déroule au Sunset. Estiévenart se
produit avec son trio habituel, constitué de Gertsmans et Pierre, qui enchaîne
les sets... Les trois musiciens jouent ensemble depuis 2013 (Wanted) et leur connivence est évidente.
Le programme du premier set de la soirée mélange des
morceaux du disque – « Moa », « Lost End », signé Pierre –,
des compositions tirées de Wanted –
« SD », « Les Doms » – et « Resolution », le
deuxième mouvement de A Love Supreme.
Le trio avait invité le saxophoniste alto Perico
Sambeat pour quelques titres de Wanted,
pour Behind The Darkness, le trio
passe au saxophone ténor, avec Steven
Delannoye pour un titre.
Les trios trompette – contrebasse – batterie ne sont pas
légions ! Mais ce n’est pas suffisant pour faire reculer Estiévenart… Une
maitrise parfaite du son, ni trop mou, ni trop claironnant, le trompettiste
joue avec une aisance confondante : phrasé limpide et développements
énergiques dans un esprit néo-bop (« Resolution »),
déroulés virtuoses (« Les Doms »), volutes mélodieuses (« Lost
End ») ou jeu intimiste et raffiné (« MOA »). La puissance de Gertsmans se marie à
merveille au jeu touffu de Pierre et soutient efficacement le discours d’Estiévenart,
avec des lignes rapides (« Lost End »), des walking appuyées (« Resolution »)
et des lignes puissantes et dansantes (« MOA »). Quant à Pierre, toujours
aussi présent, il passe d’un foisonnement dense, ponctué de touches d’humour (« Resolution »),
à un frémissement délicat (« MOA ») ou un jeu percussif habile (« Lost
End »).
Avec Behind The
Darkness Estiévenart confirme qu’il a trouvé son langage, moderne et tendu,
et son trio l’a bien appris : leurs conversations captivent l’auditeur de
bout en bout.
Le disque
Behind The Darkness
Jean-Paul Estiévenart
Jean-Paul Estiévenart (tp), Sam Gerstmans (b) et Antoine
Pierre (d)
Igloo Records – IGL276
Sortie en novembre 2016
Liste des morceaux
01. « Blade Runner » (5:07).
02. « Mixed Feelings » (6:55).
03. « Simple Minds » (5:14).
04. « Equilibre » (2:10).
05. « Quadruplets » (0:25).
06. « Lost end », Pierre (5:27).
07. « MOA » (8:05).
08. « Fenêtre » (0:26).
09. « Asphalt » (5:33).
10. « Deep Heart » (5:36).
11. « Behind The Darkness » (2:45).
12. « Cafe Yuka » (0:33).
13. « Miyako », Wayne Shorter (3:39).
Tous les morceaux sont signés Estiévenart, sauf indication
contraire.