01 juin 2018

Jazz de chambre au Triton…


Olivier Calmel est présent sur tous les fronts : de la musique classique (Opus 23 – Music For A Gene) aux œuvres pour Brass Band (Créations), en passant par la musique de film, le conte musical (Cinematics), le jazz ([OC Quartet])… Le 25 mai, c’est avec le sextet Double Celli que Calmel se produit sur la scène du Triton.

Calmel commence par former le quintet Cordes Croisés en 2011, avec Aurélien Guyot au violon, Xavier Phillips et Clément Petit aux violoncelles et Jean-Baptiste Perraudin aux percussions. En 2014, Johan Renard, à la place de Guyot, et Frédéric Eymard, à l’alto, rejoignent la formation, qui s’appelle désormais Double Celli. En 2016, Antoine Banville succède à Perraudin derrière les fûts.


Le programme du concert reprend des morceaux du répertoire d’Immatériel, sorti en novembre 2017 chez Klarthe Records. Certaines compositions figurent déjà sur Empreintes ([OC Quartet] – 2007) : « Le Hongrois déraille » (hommage à Béla Bartók), « Epistrophe » (clin d’œil à Thelonious Monk), « Prélude des cinq rameaux » (dérivé d’un prélude du compositeur Roger Calmel, le père d’Olivier) et « Au lever ». « Submergés », pour sa part, a été composé pour le documentaire éponyme sur les inondations de Draguignan, sorti en 2011. « Immatériel », « Pour El Ho » (signé Banville), « Final Opus » et « La générosité n’attend pas » n'avaient pas encore été enregistrés. Quant à « Il Palio », joué pendant le concert, mais pas sur Immatériel, il est tiré de Mafate ([OC Quartet] – 2004).

A première vue, l’instrumentation choisie par Calmel laisse penser que Double Celli juxtapose un trio jazz (piano – violoncelle électrifié – batterie) et un trio à cordes classique (violon – alto – violoncelle), mais à l’écoute, ce n’est pas le cas : il s’agit bien d’un sextet et, en dehors de Phillips, les cinq autres musiciens sont des jazzmen patentés. Double Celli propose du jazz de chambre certes, mais certainement pas du cross-over sirupeux !


Calmel écrit des mélodies élégantes (« Immatériel ») dans un esprit musique contemporaine (« Final Opus ») ou un style début vingtième (« Prélude des cinq rameaux »), dans une veine lyrique (« Submergés »), voire cinématographique (« La générosité n’attend pas »), avec des touches moyen-orientales (« Le Hongrois déraille »). L’architecture des morceaux est soignée : souvent, après une exposition du thème qui évoque la musique classique, la batterie, le piano ou le violoncelle électrique (qui navigue entre basse et soliste) lance le sextet dans des développements énergiques (« Epistrophe »). Les croisements de voix (« Immatériel »), les contrepoints (« Le Hongrois déraille »), les dialogues recherchés (« Pour El Ho »), les unissons virtuoses (« Final Opus »)… tiennent plutôt de la musique classique. Mais le sextet s’appuie sur des rythmes enlevés et une pulsation soutenue venus droit du jazz, avec des pizzicatos frétillants (« Au lever »), des poly-rythmes foisonnants (« Pour El Ho »), des boucles lancinantes (« Epistrophe »), des syncopes chaloupées (Il Palio ») et des riffs entraînants (« Immatériel »). La musique circule d’un musicien à l’autre et les instruments changent de registre au grès des morceaux, sans qu’aucun n’accapare le devant de la scène. Etant donnée la composition du sextet, les textures sonores jouent également un rôle clé dans la musique de Double Celli : contraste entre les cordes pincées, frottées ou frappées, osmose du violoncelle acoustique (quel son ! il faut dire que Phillips joue sur un Matteo Gofriller de 1710…) et du violoncelle électrifié, timbre chaleureux des percussions…

Calmel et son Double Celli explorent les confins du jazz et de la musique contemporaine sans se soucier des frontières, une musique apatride pleine de vitalité et salutaire par les temps qui courent ! Bravo.