Yves Rousseau n’a pas d’œillères ou, plutôt, pas d’« oreillères » ! Sa musique jongle aussi bien avec Franz Schubert (Wanderer Septet), Thomas Jennefelt et Alfred Schnittke (D’amour et de folie) ou la poésie de François Cheng (Murmures), que le rock expérimental (Fragment Septet), les dialogues plus intimistes (Continuum duo) et, bien sûr, le jazz, toujours en filigrane (Spirit Dance).
Dirigé depuis janvier 2019 par Pierre-François Roussillon, transfuge du Théâtre 71 de Malakoff dans lequel Rousseau a été en résidence, l’Orchestre Régional de Normandie propose des spectacles plus variés les uns que les autres depuis près de quarante ans, à l’image d’Alter ego, qui sort sur le label MCO le 10 décembre 2021. Ce programme est une suite de sept mouvements composés par Rousseau comme autant de dialogues entre l’Orchestre Régional de Normandie et le multi-instrumentistes et griot Oua-Anou Diarra. L’artiste burkinabé joue du n’goni, de la flûte peul, des percussions et chante avec les dix-sept musiciens qui entourent le chef d’orchestre Jean Deroyer : sept violons (Florent Maviel, Karen Lescop, Anne Faucher, Jean-Yves Ehkirch, Corinne Basseux-Béguin, Gaëlle Israëliévitch et Jean-Daniel Rist), deux altos (Cédric Catrisse et Adrien Tournier), deux violoncelles (Vincent Vaccaro et Aurore Doué), une contrebasse (Fabrice Béguin), une flûte (Aurélie Voisin-Wiart), un hautbois (Alain Hervé), une clarinette (Gilles Leyronnas), un cor (Arthur Heintz) et un basson (Clément Bonnay).
Les trames mélodiques de Rousseau trouvent aussi bien leurs sources dans le post-romantisme (« Renaissance ») que dans la musique moderne (« Kolokènèya »), avec des touches folkloriques (« Hakilisigi »), voire filmiques (« Clair-obscur »). Les développements s’appuient sur des unissons sépulcraux (« Renaissance ») et majestueux (« Clair-obscur »), des contrepoints élégants (« Hakilisigi »), des contre-chants touffus (« Kolokènèya »)… et jouent avec les textures des cordes (« Man Tao Tao »), des flûtes (« Hakilisigi »), du cor (« Kolokènèya ») et des bois (« Teriya »). Les sonorités de l’orchestre, familières à l’oreille, tranchent avec la douceur boisée du n’goni (« Renaissance »), l’expressivité vibrante de la flûte peul (« Teriya ») et les mélopées (« Clair-obscur »). Autre contraste flagrant, l’approche rythmique : au traitement régulier et linéaire de la musique classique répondent les phrases syncopées, aspérités et autres contorsions dansantes des musiques du monde. Concertiste au n’goni (« Renaissance »), conteur avec un poème en bambara (« Kaari »), choriste puissant (« Renaissance »), chanteur mélancolique (« Clair-obscur »), flûtiste expressif (« Hakilisigi »), percussionniste entraînant (« Man Tao Tao »)… Diarra a évidemment un rôle clé dans Alter ego, « cette rencontre entre deux mondes », comme l’écrit Rousseau.
Alter ego ou les sept promenades d’un rêveur (pas solitaire, celui-là !) en quête d’harmonie entre musique savante et musique populaire… A « médicouter » !
Le disque
Alter ego
Orchestre Régional de Normandie – Jean Deroyer - Yves Rousseau - Oua-Anou Diarra
Oua-Anou Diarra (fl, n’goni, perc, voc), avec Florent Maviel, Karen Lescop, Anne Faucher, Jean-Yves Ehkirch, Corinne Basseux-Béguin, Gaëlle Israëliévitch et Jean-Daniel Rist (vl), Cédric Catrisse et Adrien Tournier (avl), Vincent Vaccaro et Aurore Doué (cello), Fabrice Béguin (b), Aurélie Voisin-Wiart (fl), Alain Hervé (hb), Gilles Leyronnas (cl), Arthur Heintz (cor) et Clément Bonnay (basson).
MCO Label – MCO13
Sortie le 10 décembre 2021
Liste des morceaux
01. « Renaissance (part 1) » (6:17).
02. « Renaissance (part 2) » (5:25).
03. « Hakilisigi (part 1) » (3:43).
04. « Hakilisigi (part 2) » (3:09).
05. « Hakilisigi (part 3) » (6:47).
06. « Kaari (part 1) » (3:22).
07. « Kaari (part 2) » (2:29).
08. « Kaari (part 3) » (1:51).
09. « Teriya (part 1) » (1:07).
10. « Teriya (part 2) » (2:22).
11. « Clair-obscur (part 1) » (2:07).
12. « Clair-obscur (part 2) » (4:25).
13. « Man Tao Tao » (3:44).
14. « Kolokènèya (part 1) » (3:24).
15. « Kolokènèya (part 2) » (3:19).
16. « Kolokènèya (part 3) » (4:11).
Tous les morceaux sont signés Rousseau.