En 2013, Gauthier Toux monte un trio avec Kenneth Dahl Knudsen à la contrebasse et Maxence Sibille à la batterie. Le trio publie More Than Ever en 2015, Unexpected Things en 2016 et The Coulours You See en 2018. Pour The Biggest Steps, sorti en février 2022, Simon Tailleu remplace Dahl Knudsen. C’est avec cette formation et Emile Parisien en invité, que Toux célèbre la réédition du disque en vinyle, le 8 février 2023 au New Morning. Malgré les grèves, le match PSG – OM et le froid, le club de la rue des Petites Ecuries affiche complet.
Le trio joue neuf des onze morceaux de The Biggest Steps, tous signés Toux, à l’exception de « Jenny Wren », chanson de Paul McCartney. Le quartet reprend également « It All Depends On The Light », tiré de l’album The Colours You See et clin d’œil au daltonisme du pianiste. En rappel, Toux présente « Why Should We Care? » (s’il s’agit de jazz ou pas...) qui figurera sur le prochain disque du trio. Parisien se joint au trio sur cinq morceaux.
« A Secret Place » plante le décor : pédales, discours minimalistes, technique étendue, cymbales emphatiques… et montée en tension progressive, avec une maîtrise du suspens dans la lignée d’E.S.T. Les influences pop – rock sont encore plus flagrantes dans « There Is No Shortcut », avec le démarrage abrupt, le thème-riff et la section rythmique puissante. « Turning Around » reprend une progression similaire : sur un martèlement binaire, une carrure robuste et un piano incandescent, le saxophone soprano déroule des phrases d’une intensité croissante. « Driving Away » s’appuie sur les contrastes entre les frappes dansantes de la batterie, comme pour un slow, les lignes mélodieuses de la contrebasse, les motifs hypnotiques du piano et la complainte du soprano. Toux et Parisien s’emparent de « It All Depends On The Light » à grand renfort de questions-réponses ébouriffantes, pendant que Tailleu et Sibille font gronder leurs instruments, jusqu’au solo musclé de Sibille. Les coups mats et binaires de la batterie, les pédales de la contrebasse, les cellules répétitives du piano et la gestion de la tension place « Hanging On It » sous le signe de The Bad Plus. Parisien est de retour pour « Roads » : un bourdon à l’archet suivi d’un riff entraînant, des cliquetis percussifs puis des martèlements et des boucles évolutives servent d’écrin aux arabesques du soprano, qui tient en haleine les auditeurs. La chanson sans parole, « Twelve », se transforme en duo intimiste entre le soprano et le piano. « The Biggest Steps » flirte avec la pop-rock, poussée par une batterie toute en force, des riffs vrombissants et une mélodie qui tient du rock progressif. Après un démarrage dans une veine contemporaine plutôt mystérieuse, le trio fait décoller « Jenny Wren » avec des ostinatos entêtants, des pédales capiteuses, des envolées free cristallines et un foisonnement rythmique tendu. Le soprano revient sur scène pour le rappel. Jolie mélodie exposée par le soprano et le piano en contrepoint, sur une rythmique vigoureuse, « Why Should We Care? » prend peu à peu la direction d’un tube de dancefloor électro, avec des boucles rythmiques rapides et binaires, jouées ensemble par le quartet. Le public se prend au jeu et l’intensité est palpable. Après l’accélération coutumière, le quartet finit sur un chuinté et quelques notes de « Go Down Moses », citées avec humour par Parisien…
Plus d’une heure quarante d’une musique fiévreuse et athlétique : le Gauthier Toux Trio n’a pas volé son qualificatif de Power Trio !