En 1984, trois musiciens liégeois montent le « plus petit big band du monde » autour d’une instrumentation originale : Fabrizio Cassol au saxophone alto, Michel Massot au tuba et au trombone, et Michel Debrulle à la batterie. Pendant ses huit années d’activité, le Trio Bravo publie quatre albums : Pas de nain (1985), Hi-O-Ba (1987), Compact (1988) et Quatrième monde (1990). Après la dissolution du Trio Bravo, en 1992, Massot et Debrulle ne veulent pas en rester là et s’associent au poly-instrumentiste Laurent Dehors pour former le Trio Grande. Après un premier disque éponyme en 1994, les trois artistes sortent Signé (20« Pas de nain »), Official Bootleg: Live at SOhO (2007), Un matin plein de promesses (avec Matthew Bourne au piano – 2008), Hold The line! (toujours avec Bourne – 2011) et Trois Mousquetaires (2016). Pour fêter ses trente ans, le Trio Grande publie Impertinence chez Igloo Records, le 7 octobre 2022. La maison de disques belge, qui aura quarante-cinq ans en 2023, célèbre l’anniversaire du Trio Grande avec une réédition au format CD des deux premiers disques du Trio Bravo, uniquement sortis en vinyles à l’époque.
Impertinence
Au programme d’Impertinence, sept morceaux de Massot et quatre de Dehors, plus la composition-titre signée Debrulle et Massot, et le menuet de la troisième suite française de Jean Sébastien Bach, « transfiguré » par Massot.
Le Trio Grande propose un large éventail thématique : des thèmes-riffs heurtés (« Impertinence »), aux accents funky (« Heureux »), des mélodies d’une mélancolie joyeuse (« Jamais deux sans trois »), des farandoles nouvelle-orléanaises (« Mimi »), mais aussi des comptines (« Pour les petits ») qui rappellent un peu Raashan Roland Kirk, des airs aériens cinématographiques (« Mathilde ») ou graves comme dans un conte de Segueï Prokofiev (« Murmures »), et même une ritournelle folklorique bretonne (« Taiko Blues »). A l’instar des fanfares, le Trio Grande fait la part belle aux rythmes. Les lignes de basse grondent (« Impertinence »), parfois minimalistes (« Charleston »), mais toujours entraînantes (« Mimi »). Les percussions foisonnent (« Escalles ») dans un feu d’artifice polyrythmique (« Rue de la brasserie »), saccadé (« Jamais deux sans trois »), dynamique (« Heureux »), dansant (« Taiko Blues ») et d’une musicalité réjouissante (« Murmures »). L’une des forces du Trio Grande est aussi d’arriver à faire cohabiter tradition populaire et développements savants, à l’image des envolées free (« Rue de la brasserie »), des jeux en technique étendue (« Impertinence »), des contre-chants élégants entre le trombone et la clarinette basse (« Mathilde »), des questions-réponses délirantes (« Taiko Blues »), ou de la basse continue et des contrepoints baroques du « Menuet transfiguré ». Le Trio Grande utilise habilement la palette des instruments à sa disposition pour jouer avec les couleurs sonores, comme un grand orchestre…
Un peu comme dans une Rubrique-à-brac, la musique du Trio Grande et fourmille d’idées improbables, que les trois musiciens manient avec une dextérité admirable. Souhaitons que le Trio Lobo n’arrive pas trop rapidement !
Le disque
Impertinence
Trio Grande
Laurent Dehors (sax, cl, cornemuse, guimbarde, hca), Michel Massot (euphonium, sousaphone, tb) et Michel Debrulle (d, perc).
Igloo Records – IGL336
Sortie le 7 octobre 2022
Liste des morceaux
01. « Pour les petits », Massot (2:23).
02. « Jamais deux sans trois », Massot (4:04).
03. « Impertinence », Debrulle & Massot (7:21).
04. « Escalles », Massot (5:04).
05. « Mimi », Dehors (4:51).
06. « Heureux », Dehors (3:39).
07. « Menuet Transfiguré », Bach & Massot (4:25).
08. « Murmures », Massot (3:30).
09. « Charleston », Dehors (3:13).
10. « Mathilde », Massot (4:35).
11. « Rue de la Brasserie », Massot (4:18).
12. « Taiko Blues », Dehors (5:55).
Pas de nain & Hi-O-BA
Pour cette réédition, Igloo a rassemblé deux vinyles sur un CD, soit quinze morceaux et près d’une heure vingt de musique… Cassol signe cinq morceaux, dont « Blythologie » en hommage au saxophoniste alto Arthur Blythe, Massot propose deux titres, quant à « Lou et c’est… max ! », c’est une composition collective. Le trio reprend également deux thèmes du saxophoniste soprano Pierre Vaiana, deux du pianiste-claviériste Henri Pousseur, « X Mus », un air traditionnel turc, « Out There Straight Up And Down » d’Eric Dolphy et « Lonely Woman » d’Ornette Coleman.
Comme pour le Trio Bravo, instrumentation oblige, les mélodies de Trio Grande sont le plus souvent des thèmes-riffs dans un style fanfare (« Rue américaine »), tonitruants (« Blythologie »), entraînants (« X Mus ») et, parfois, teintés de rock (« Hi-O-BA (The Will of Moderation) »). Le blues (« Dédé d’Anvers »), le cirque (« Osdorf »), le cinéma (« Out There Straight Up and Down »), le rock progressif (« Fulton Street Station ») et la musique contemporaine (« Mr And Mrs Jonathan ») s’invitent également dans cette joyeuse ambiance foutraque. Le trio ne manque d’ailleurs pas d’humour, à l’image de « Pas de nain », espèce d’orphéon bouffon, ou de « Hi-O-BA (The Will of Moderation) » et son « Moderation, Mo, Mo... », caricature « bowiesque »… Côté rythmique, encore une fois, à l’instar de leurs successeurs, le Trio Bravo mise sur l’énergie (« Out There Straight Up and Down »), la puissance (« Vertige ») et une poly-rythmique luxuriante (« Red Monk »). Du binaire mat et sec (« Rue américaine ») côtoie une ligne en walking et son chabada (« Blythologie »), un passage swing (« Out There Straight Up and Down »), des moments funky (« Minoque »), voire Rhythm and Blues (« Rue américaine »). Trio Bravo est sans doute plus brutal (« Lou et c’est… max ! ») et rock (« Minoque ») que Trio Grande, même s’il est capable d’élégance et de délicatesse (« Lonely Woman »). Le plus petit big band du monde est particulièrement expressif dans un style animalier, avec des barrissements, rugissements et autres grondements (« Out There Straight Up and Down »), ronflements, piailleries et feulements (« Minoque »), ou bruitages jungle (« Fulton Street Station »), mais aussi dans des ambiances délirantes, au parfum dada, avec des vocalises, rires, phrases… qui se mêlent aux notes (« Vertige »).
Véritable fanfare free rock, le Trio Bravo présente une musique résolument théâtrale… pour le plus grand plaisir de nos esgourdes !
Les disques
Pas de nain
Trio Bravo
Fabrizio Cassol (as, voc), Michel Massot (tu, tb, voc) et Michel Debrulle (d, voc).
Igloo Records – IGL030
Sortie le 1er novembre 1985
Liste des morceaux
01. « Blythologie », Cassol (2:53).
02. « Pas de nain », Vaiana (4:44).
03. « Dédé d’Anvers », Vaiana (5:29).
04. « Osdorf », Pousseur (1:24).
05. « X Mus », traditionnel turc (2:28).
06. « Out There Straight Up and Down », Dolphy (6:43).
07. « Mr And Mrs Jonathan », Pousseur (5:52).
08. « Red Monk », Cassol (5:36).
Hi-O-BA
Trio Bravo
Fabrizio Cassol (as, voc), Michel Massot (tu, tb, voc) et Michel Debrulle (d, voc).
Igloo Records – IGL052
Sortie le 1er mars 1987
Liste des morceaux
01. « Fulton Street Station », Cassol (3:18).
02. « Minoque », Massot (8:44).
03. « Lou et c’est… max ! », Massot, Cassol & Debrulle (4:11).
04. « Hi-O-BA (The Will of Moderation) », Cassol (4:11).
05. « Rue américaine », Cassol (8:17).
06. « Lonely Woman », Coleman (4:56).
07. « Vertige », Massot (2:33).