Créée en 2001, Le Maxiphone est un collectif de musiciens qui propose des projets à géométrie variable : Te souviens-tu ? un duo de Pouget (clarinettes) et Schmidt (saxophones), accompagné d’une comédienne et d’images, mises en scène ; Le très grand petit orchestre, spectacle pour milieu scolaire, également articulé autour de Pouget et Schmidt ; Rose, le trio Sarigedik (basse), Romain Maurel (violon) et Pouget, en compagnie des danseuses Claire Malchrowicz, Lisa Robert et Youmi Bazoge ; Hülk, super power trio avec Schmidt (saxophones, Fender Rhodes), Benoît Lugué (basse) et Denis Barthe (batterie) ; Sauvage, qui reprend la musique de Jean-Philippe Rameau et dont l’album éponyme est sorti le 19 septembre 2025.
Le programme de Sauvage est entièrement consacré à Rameau et Pouget s'est associé à Daniel Yvinec pour la direction artistique du projet. La « Gigue en rondeau », « Les Cyclopes » et le « Tambourin » sont extraits du Deuxième livre de Pièces de clavecin, publié en 1724. Quant à la « Gavotte », « La Poule », « Les Sauvages », « Les Trois Mains » et « L’indifférente », ils sont tirés du Troisième livre de Pièces de clavecin, sorti en 1728. Le Maxiphone interprète le répertoire de Sauvage en suivant l’ordre du disque, comme une suite, en enchaînant les mouvements. Même si l’acoustique du Studio de l’Ermitage est sans doute mieux adaptée pour des orchestres de plus petite taille, hors de question de bouder son plaisir !

Le Maxiphone - Sauvage - Studio de l'Ermitage - 4 novembre 2025 © PLM
La « Gavotte » (extraite de la Suite en La) démarre sur des chants d’oiseaux accompagnés par le pépiement des instruments et un bourdon joué par l’accordéon et la vielle. Dans cette ambiance de volière, la mandoline, rapidement rejointe par l’orchestre, joue un air majestueux qui s’apparente à un hymne. Comme dans la plupart des autres mouvements, le morceau se décompose en plusieurs tableaux. Après l’exposition du thème, des dialogues entre sections alternent avec des lignes superposées, sur une rythmique qui mélange subtilement foisonnement et puissance. L’introduction sévère du trombone sur les effets électro et le clavier pour la « Gigue en Rondeau » de la Suite en Mi mineur laisse place à un développement cristallin du Fender, qui parsème son discours d’accents funky, sur un rythme de marche imposant. Chœurs tonitruants, passages baroques et ambiance de bal se partagent ensuite l’explication de texte. « Les Cyclopes », de la Suite en Ré majeur, s’inscrivent d’abord dans des échanges minimalistes qui peuvent évoquer la musique contemporaine, puis un air langoureux, comme le chant d’un troubadour, renforcé par le jeu de la mandoline et les vocalises de Decombel, répond au thème vif et entraînant. Le final est luxuriant, avec l’orchestre qui en met partout sur des rythmes ébouriffants. Détour par la Suite en sol avec « La Poule », suivi du tube de Rameau, « les Sauvages », réutilisé en 1735 pour Les Indes Galantes. Les effets électro sombres, les nappes de sons lointaines et le motif lancinant du début de « La Poule » rappellent ça-et-là le gamelan, d’autant que la musique évolue lentement jusqu’à un riff dansant souligné par les boucles de la batterie et la pédale du piano. Le reste de l’orchestre entre peu à peu dans la ronde, qui glisse vers du folk touffu et des poly-rythmes entraînants. « Les Sauvages » démarrent dans une veine folklorique, avant que l’accordéon ne réponde lentement au jeu économe du piano, et que tous les instruments s’unissent pour lancer le thème sur un tempo étiré. Le morceau se déroule en plusieurs phases, d’un trio de contre-chants entre l’accordéon, la vielle et la mandoline à une déstructuration du thème, en passant par un chorus intimiste du piano, une ode solennelle, un solo élégant de la clarinette basse... Retour à la Suite en Mi mineur avec « Tambourin » qui commence par les volutes free du saxophone sur une pédale et des ostinato discrets du piano. Le développement du morceau renoue avec des unissons denses entraînants, une valse ample, des moments dépouillés, des tutti fracassants… pour conclure par une sorte de farandole marquée par des claquements de mains. Tiré de la Suite en La, « Les Trois Mains » permet à Chennebault de faire résonner ses peaux dans un festival de roulements musclés et de frappes vigoureuses, qui contrastent avec les propos contemporains de Martin, porté par Maronne, bientôt rattrapés par tout l’orchestre. Après une danse en suspension, un dialogue sombre de Bézier et Chennebault et des effets électro, le bouquet final est grandiose ! L’accordéon joue « Ramille », intermède court et délicat, prémices à l’introduction de « L’Indifférente », deuxième mouvement de la Suite en sol, qui vient clôturer Sauvage. Aux teintes folk succèdent des bribes de phrases éparses sur lesquelles flottent les arabesques de Colas. Après une série de contrepoints baroques captivants, les instruments se mettent à piailler dans tous les sens… Le final est une alternance de mouvements d’ensemble athlétiques, de conversations privées et de solo de saxophone aérien.
Le concert du Maxiphone au Studio de l’Ermitage est un régal du début à la fin et n’appelle que trois mots : bravo et merci ! Quant à Sauvage, il est d’ores et déjà un classique indispensable dans toute discothèque digne de ce nom.
Le disque
Sauvage
Le Maxiphone
Fred Pouget (cl, ar), Rozann Bézier (tb), Anne Colas (fl), Adrien Chennebault (dm, perc), Maarten Decombel (g, mandoline, voc), Janick Martin (acc), Maïlys Maronne (clav, p, voc), Benoît Michaud (vielle à roue électro-acoustique), Ömeir Sagirdiek (b, elec), Guillaume Schmidt (saxes).
Le Maxiphone
Sortie le 19 septembre 2025
Liste des morceaux
02. « Gigue En Rondeau » (8:32).
03. « Les Cyclopes » (7:45).
04. « La Poule » (6:29).
05. « Les Sauvages » (10:36).
06. « Tambourin » (12:38).
07. « Les Trois Mains » (10:15).
08. « Ramille » (1:41).
09. « L'Indifférente » (6:55).
Tous les morceaux sont signés Rameau.
