02 décembre 2025

Joce Mienniel monte le son à la bibliothèque Andrée Chedid

Depuis 2017, pendant un mois, entre novembre et décembre, les bibliothèques de Paris organisent le festival Monte le Son autour d'une thématique commune. En 2025, du 6 novembre au 6 décembre, une vingtaine d'événements (gratuits) se déroulent aux quatre coins de la capitale pour faire un « zoom sur de surprenants instruments ». Le 22 novembre, la bibliothèque Andrée Chedid propose un concert en solo du multi-flûtiste et poly-instrumentiste Joce Mienniel.

Comme le rappelle Mienniel avec malice, « l’art de la flûte est quand même quelque chose de millénaire maintenant... Cet instrument est là depuis soixante mille ans, donc je ne pense pas que l’on puisse encore se poser la question de savoir s’il est moderne ou pas… » Le musicien est venu avec une belle panoplie de flûtes, du piccolo à la flûte basse en passant par la grande flûte en ut, la flûte alto, mais aussi un bansurî de Pondichery, diverses guimbardes, quelques percussions et moult loopers. Grand amateur d'ethnomusicologie et de musiques du monde, l'artiste tient à préciser qu'il ne s'agit pas de rejouer des morceaux de tel ou tel pays : « ce que vous allez entendre n’est pas la musique d’un territoire, mais la musique de mon territoire… »

Joce Mienniel – Bibliothèque Andrée Chedid – 22 novembre 2025 © PLM


Mienniel attaque avec « Stéréométrie », composition au programme de Babel, enregistré en 2018 avec un sextet entre jazz et musique du monde. Le flûtiste utilise cet air comme matériau de base pour réunir des musiciens de style différent, à l'instar de ses rencontres avec les Instruments Migrateurs. Après une introduction douce et méditative aux accents indiens, à l'aide des loopers Mienniel enregistre des riffs rapides sur lesquels il expose le thème mélodico-rythmique. Au fur et à mesure qu'il développe « Stéréométrie », il étoffe l'arrière-plan, qui devient dense et hypnotique. Les superpositions de voix et l'utilisation de techniques étendues donnent l'impression d'avoir à faire à un orchestre. Pour le deuxième morceau, Mienniel commence par enregistrer trois motifs en contre-chant avec un bansurî, à la sonorité aiguë et boisée. Il ajoute ensuite un motif rythmique interprété à la guimbarde et complété par des percussions. Dans ce décor ethnique touffu, les phrases et autres stridulations de la  flûte se détachent telle une prière. Mienniel enchaîne avec une ligne majestueuse à la flûte basse et un riff lointain, qui lui servent de toile de fond pour un développement entre musique du monde et minimalisme. Quand le piccolo, strident, s'en mêle, le morceau prend une tournure folklorique. C'est toujours en Asie, mais plutôt dans l'Himalaya que nous emmène à présent Mienniel. La guimbarde et les vocalises graves, vibrantes et douces ressemblent à une mélopée bouddhiste. Après avoir rajouté des vagues de notes, le morceau change de direction et la flûte de Mienniel surfe énergiquement au-dessus, emportée par cet environnement puissant. Cette ambiance surchauffée, ponctuée de cris, d'effets de souffle, de claquements des clés… fait quasiment penser à une samba ! La conclusion est une ligne et des riffs élégants sur un bourdonnement électro. Pour terminer le concert, Mienniel reprend un deuxième morceau de Babel : « Medina Coura ». Evocation d'un quartier de Bamako, ce thème est un hommage à Ali Farka Touré. Là encore, Mienniel compose ses poly-rythmes avec soin : une boucle de base jouée avec les clés et ponctuée d'effets de bouche, auxquels se combinent des riffs profonds à la flûte, des vibrations de guimbarde, des percussions et des coups de sifflet. Dans ce climat sonore intense et dansant, la flûte trace des courbes tendues et entraînantes.

Heureux qui comme le public de la bibliothèque Andrée Chedid, a fait un beau voyage grâce à Mienniel et ses flûtes enchantées…