13 juillet 2024

Le marché de la musique enregistrée

Le SNEP met à disposition deux rapports instructifs sur le marché de la musique enregistrée : L’IFPI Global Music Report 2024 et La production musicale française en 2023 du SNEP. L’occasion passer en revue quelques statistiques…

Un marché mondial numérique et dynamique

Le marché mondial de la musique enregistré ne se porte pas trop mal : avec quelques 26 milliards d’euros, le chiffre d’affaires global a augmenté de +10.2% en 2023. Pendant que les revenus liés à l’écoute en ligne par abonnement, qui représentent près de la moitié du marché mondial, croissent de +11,2%, les ventes physiques, elles, sont en hausse de +13,4%, au détriment des revenus des droits voisins (principalement les redevances liées à la diffusion) et de la synchronisation (en gros les royalties sur les bandes sons).

Un marché français timide

Avec 4% du marché mondial de la musique enregistrée, la France se place au sixième rang, derrière les Etats-Unis, le Japon, le Royaume-Unis, l’Allemagne et la Chine. Le marché français de la musique enregistrée a cru de +5,1% en 2023, soit moitié moins que la moyenne mondiale. Il faut dire qu’avec son petit milliard d’euros de chiffre d’affaires, la musique enregistrée semble moins préoccuper les Français que le pain (15 milliards d’euros) ou le vin (25 milliards d’euros)…

Une musique enregistrée convalescente

En vingt ans le marché de la musique enregistrée en France a été quasiment divisé par deux ! En 2002 100 % des 1,5 milliards d’euros de ventes de musique enregistrée sont des supports physiques. Vingt ans après, ces mêmes supports ne représentent plus que 20 % des ventes, soit 195 millions d’euros. Or, sur la même période, l’essor des supports numériques, passés de 0 à 620 millions d’euros de ventes, est loin de compenser la baisse des ventes de supports physiques...

Les supports numériques (hors droits voisins et synchronisation) représentent désormais près des trois quart du marché français, mais, avec un quart du marché, les supports physiques n’ont pas encore dit leur dernier mot. L’écoute en ligne par abonnement représente près de 60% des supports numériques, alors que l’écoute en ligne financée par la publicité et les vidéos sont à moins de 10% chacune. Quant au téléchargement, qui représentait quelques 60 % de l’écoute numérique en 2010, il est tombé autour d’1% aujourd’hui.

Intéressant également de constater que les vinyles et les disques compacts pèsent chacun 12% du marché en valeur, alors qu’en unités, il y a deux fois plus de disques compacts vendus (10,5 millions d’unités) que de vinyles (5,5 millions d’unités). Quant aux canaux de distribution des supports physiques, sans surprise, le e-commerce continue sa croissance avec +48% depuis 2009 et représente désormais un tiers des revenus physiques.

Il n’est peut-être pas surprenant que les moins de trente cinq ans soient les principaux écouteurs en ligne (52%), mais contrairement aux idées reçues ils sont également les principaux consommateurs de vinyles (43% contre 20% pour les 35 – 44 ans et 37 % pour les 45 – 64 ans) et de disques compacts (54% contre 17% pour les 35 – 44 ans et 29% pour les 45 – 64 ans).

L’écoute en ligne, un vertige sonore

Même si, en France, l’écoute en ligne par abonnement représente près de 80% du chiffre d’affaires de l’écoute en ligne totale, loin devant l’écoute en ligne financée par la publicité (12%) et l’écoute en ligne vidéo (11%), elle reste en deçà des autres marchés. A titre comparatif, le nombre d’abonnés rapporté au nombre d’internautes est de 16% en France, contre 18% en Allemagne, 27% au Royaume Unis et 30% aux Etats-Unis.

Phénomène étonnant, l’écoute en ligne par abonnement semble favoriser l’allongement du cycle de vie des titres : sur 80% de la consommation d’écoute en ligne payante, 59% concerne les catalogues de titres ayant plus de trois ans et la tendance est à la hausse (+5 points entre 2022 et 2023). Par ailleurs, le goût des auditeurs français est éclectique : ils écoutent en moyenne dix genres musicaux différents. Autre particularité française, par rapport aux autres marchés, la musique locale représente environ la moitié des écoutes en ligne.

A noter que le catalogue mondial de musique numérique s’enrichit de plus de 150 000 nouveautés par jour ! En 2023, sur les 121 milliards d’écoutes en France, moins de 5% du catalogue mondial a été écouté au moins une fois dans l’année… soit quand même près de 10 millions de titres !

Ecouter et manger font bon ménage

Les Français écoutent environ dix-huit heures de musique par semaine, soit 2 heures 34 minutes par jour, et ils consacrent en moyenne 2 heures 22 minutes par jour à leurs repas (source : INSEE)...

Le temps d’écoute a progressé de plus d’une heure par semaine par rapport à 2022, l’équivalent d’un millier de titres supplémentaire écouté par an et par Français. Avec environ quatre heures par semaine de temps d’écoute, la radio et l’écoute en ligne sont au coude à coude, devant Youtube, avec trois heures, et TikTok (ou autres vidéos courtes), avec seulement 1 heure 40 minutes, mais qui connaît la plus forte progression.

Le jazz aux abonnés absents

Les quinze albums les plus vendus en 2023 et dix-sept des vingt albums les plus vendus sont produits en France. Inutile de souligner qu’aucun album de jazz (ni de de classique, d’ailleurs) ne figure dans la liste. Même constatation concernant les répertoires les plus écoutés : seize artistes sur vingt sont produits en France, mais pas un seul n’est un musicien de jazz. Encore pire, aucun album, ni titre de jazz n’apparait dans les Top 200 des albums et titres vendus en France en 2023, ni même dans les Top 100 vinyles ou Top 100 radio...

Top des albums de jazz vendus en 2023

Comme le jazz ne concourt décidément pas dans la même cour que la pop, variété, rock, urbain, musiques du monde, country, bande originale, electro / dance, ni même classique (Sensations de Gautier Capuçon est 147ème et Letter de Sofiane Pamart arrive 185ème), limitons-nous à son marché...

Dans le Top 10 du jazz il n’y a qu’une production française : Capacity To Love d’Ibrahim Maalouf. A titre de comparaison, dans le répertoire classique, six productions françaises figurent dans le Top 10... Nina Simone truste les deux premières places et la sixième avec deux best of (The Very Best Of et Best of Nina Simone) et SinnermanGabi Hartmann arrive en troisième position avec son disque éponyme, devant Maalouf. Les inusables Stan Getz et Joao Gilberto pointent à la cinquième place, suivis, dans l’ordre et à partir de la septième par Samara Joy (Linger Awhile), Black Pumas (disque éponyme), Gregory Porter (Still Rising) et Kyle Eastwood (Eastwood Symphonic).

A côté de Maalouf, les seuls autres artistes français présents dans le Top 50 sont le quartet Ballaké Sissoko, Vincent Segal, Emile Parisien et Vincent Peirani avec Les égarés, qui se hisse à la treizième place, puis André Manoukian (23ème avec Anouch), Sébastien Collinet (24ème avec Pianophonie) et Thomas Dutronc (32ème avec Frenchy).

Maalouf place huit albums dans le Top 50, un record ! Des disques de Nina Simone apparaissent à six reprises. Melody Gardot et Ray Charles sont crédités chacun trois fois. Quant à Louis Armstrong, Gregory Porter et Chet Baker ils placent chacun deux albums. A noter la très belle quarantième place de Blue Train de John Coltrane… 

 

La musique enregistrée continue sa mutation vers un tout numérique qui submerge le monde d’un raz-de-marée de sons. Absent de tous les classements de ventes, de l’écoute en ligne aux supports physiques, en passant par les radios et autres, le jazz est noyé... Il n’est définitivement pas une musique de marché !

 

07 juillet 2024

Casablanca – EYM Trio

Le pianiste Elie Dufour, le contrebassiste Yan Phayphet et le batteur Marc Michel montent EYM trio en 2011. Au milieu des quelques quatre cents concerts qu’ils ont donné, le trio réussit à enregistrer Genesi en 2013, Khamsin en 2016, Sâdhana en 2018 et Bangalore en 2023, avec Varijashree Venugopal au chant. Leur cinquième opus, Casablanca, sort le 17 mai 2024 chez Kollision Records.

Huit des dix titres sont signés Dufour et les deux autres Phayphet et Michel. La barre de HLM colorée qui illustre la pochette et la scène de rue qui orne les deux pages intérieures, mise habilement en relief par la reprise du dessin sur le CD, ont été réalisées par Simon Lamouret, notamment connu pour ses romans graphiques sur l’Inde (Bangalore, L’Alcazar) et une chronique familiale (L’homme miroir).

Du thème-riff « Picnic à Tchernobyl » à l’air nostalgique « Midnight Damper », en passant par le minimalisme de « Spleen » ou la ronde « Dystopia », les mélodies sont entrainantes (« Merapi »), subtilement parfumées d’épices méditerranéens (« Casablanca »), et se situent quelque part entre Avishai Cohen (le contrebassiste) et Tigran Hamasyan. D’ailleurs, à l’instar de ces deux artistes, EYM trio place le rythme au centre de ses développements musicaux (« Midnight Damper »). Il alterne pédale (« Merapi »), motifs répétitifs (« Casablanca »), ostinato (« No Madness »), riffs (« Casablanca »)… De son côté Dufour prend des solos denses (« Dystopia ») : pendant que l’une des mains trilogue avec Phayphet et Michel, l’autre part dans des variations sinueuses (« Song for Anilou »). Son piano préparé sonne comme un  métallophone (« Spleen »), voire une guitare étouffée (« Midnight Damper ») et son jeu est intense (« Merapi »). Phayphet se montre tour à tour profond (« Picnic at Chenobyl »), ténébreux (« No Madness »)  sourd (« Merapi »), mais également musical (« Bass Interlude ») et mélodieux (à l’archet dans « Do I Know You »). Michel foisonne (« No Madness »). Son accompagnement luxuriant (« Casablanca ») est parsemé de rim shot (« Spleen ») et autres splash (« Picnic in Tchernobyl »), mais aussi de roulements serrés secs et mats (« Merapi »), de frappes frémissantes sur les cymbales ou de grondements avec les tambours (« Do I Konw You »). La Méditerranée est omniprésente (« No Madness »), tout comme les Balkans et le Moyen-Orient (« Midnight Damper »), mais le blues s’invite également à la fête (« Spleen » et « Do I Know You »).

Casablanca reflète parfaitement l’esprit d’EYM trio : une musique lumineuse et dansante.

Le disque

Casablanca

EYM trio

Elie Dufour (p), Yan Phayphet (b) et Marc Michel (d).
Kollision Records
Sortie le 17 mai 2024

Liste des morceaux

01. « Picnic in Tchernobyl » (06:07).
02. « Bass Interlude », Phayphet (01:04).
03. « Casablanca » (07:14).
04. « Song for Anilou » (04:11).
05. « Merapi » (07:28).
06. « Spleen » (06:32).
07. « No Madness » (06:00).
08. « Midnight Damper » (03:50).
09. « Dystopia » (04:40).
10. « Do I Know You », Michel (06:26).

Toutes les compositions sont signées Dufour, sauf indication contraire.

30 juin 2024

Lapse – Oxyd

Formé en 2006 au sein du collectif Onze Heures Onze, Oxyd rassemble Olivier Laisney à la trompette, Julien Pontvianne au saxophone ténor, Alexandre Herer aux claviers, Olivier Degabriele à la basse et Thibault Perriard à la batterie. Dans les deux premiers disques du quintet – Onze Heures Onze (2009) et Oblivious (2011) – Matteo Bartone est à la basse, puis à partir de Plasticity, en 2013, Degabriele prend la relève. Depuis, Oxyd a enregistré Long Now en 2016 et The Lost Animals en 2019. Quant à Lapse, sixième album du quintet, il sort le 13 septembre 2024, toujours sur le label Onze Heures Onze.

Les neufs compositions sont signées Oxyd et leurs titres résonnent avec une certaine actualité : surpopulation, théorie de l’effondrement, temps incertain, espace, problème des trois corps, abandon, pic pétrolier, écliptique…

Thématique oblige, la plupart des morceaux se déroule dans des ambiances sombres (« Three Body Theory »), voir sépulcrales (« Overcrowding ») avec, parfois, des allures d’hymnes (« Blank »), d’airs jazz punk (« Modules oubliés ») ou de rock progressif (« Collapsology »). Degabriele et Perriard se montrent denses (« Blank ») et emphatiques (« Ecliptic »), et forment une paire rythmique puissante (« Three Body Theory ») dans une veine jazz-rock (« Peak Oil »). La basse est souvent sourde (« Collapsology ») et volontiers minimaliste (« Choir »), tandis que la batterie tonne furieusement (« Collapsology ») avec des frappes mates et sèches (« Overcrowding »). Les claviers d’Herer planent au-dessus de la mêlée (« Ecliptic »), plantent des décors touffus et mystérieux (« Peak Oil ») et tapissent l’arrière-plan d’effets dans un style musique contemporaine (« Choir »). Laisney et Pontvianne se complètent parfaitement (« Peak Oil »), tantôt à l’unisson (« Modules oubliés ») ou en contre-chants (« Blank »), tantôt par des superpositions de voix foisonnantes (« Collapsology ») ou des lignes aériennes empreintes de tristesse (« Three Body Theory »). Le quintet met en avant les mouvements d’ensemble (« Modules oubliés »), avec des développements très cinégéniques (« Three Body Theory ») et tendus (« Lapso »).

Lapse n’est certes pas joyeux et sans soucis, mais la musique d’Oxyd n’en reste pas moins intense et ensorcelante.

 
Le disque

Lapse

Oxyd
Julien Pontvianne (ts), Olivier Laisney (tp), Alexandre Herer (p, kbd), Oliver Degabriele (b) et Thibault Perriard (d).
Onze Heures Onze – ff
Sortie le 13 septembre 2024

Liste des morceaux

01. « Modules oubliés », Laisney (03:50).
02. « Overcrowding », Herer & Laisney (04:50).
03. « Collapsology », Herer (07:10).
04. « Lapso », Perriard (03:10).
05. « Blank », Herer (03:00).
06. « Three Body Theory », Pontvianne (04:50).
07. « Choir », Perriard (06:00).
08. « Peak Oil », Herer & Laisney (05:05).
09. « Ecliptic », Herer (03:55).

22 juin 2024

Gaga Gundul – Peemaï

Formé en 2007 à l’initiative d’Alfred Vilayleck, le Collectif Koa crée, produit et diffuse des projets autour du jazz et des musiques improvisées. Le collectif s’appuie sur une vingtaine d’artistes et compte six groupes, dont le quartet Peemaï, monté en 2016 par Vilayleck, avec Hugues Mayot au saxophone ténor, David Vilayleck à la guitare et Franck Vaillant à la batterie. Le quartet publie un premier disque éponyme en 2017, essentiellement inspiré du Laos. En 2019, avec Gilles Coronado à la guitare et Maxime Rouayroux à la batterie, Peemaï entame une collaboration avec Gayam 16. Ce collectif javanais de joueurs de gamelan a été créé en 1995 par Sapto Raharjo (décédé en 2009), notamment connu pour ses collaborations avec André Jaume (Borobudur Suite, Merapi) et Alex Grillo (Katak Katak Bertanggo).

Pour Gaga Gundul, sorti le 26 avril 2024, Peemaï croise ses notes avec Sudaryanto, Azis Rifkyanto, Bevy Hanteriska, Azied Dewa et Bagus Ryan, cinq virtuoses des métallophones (demung, peking ou saron), gongs (bonang), tambours (kendang) et autres flûtes (suling), qui constituent un gamelan. Sept compositions sont signées Peemaï et trois, Gayam 16. En dehors de « Khonsawan », district du nord-est de la Thaïlande, les titres des morceaux évoquent l’Indonésie – « Merapi’s Party » pour le volcan, tout comme « Deep In Kanteng », du nom de la caldeira du volcan Ijen, « Sarira » pour la ville et montagne du sud de Sulawesi – ou sont en bahasa : « Terbawa Arus » (emporté par le courant), « Kemrungsung » (anxieux), « Rampak » (vol),  « Sluku Love » (surnom Love), « Gaga Gundul » (le Géant Chauve) et « Gundul In Wonderland »...

Gaga Gundul est un véritable patchwork d’ambiances : de l’extrême-orient (« Merapi’s Party ») au smooth jazz (« Terbawa Arus ») en passant par le rock (« Kemrungsung »), le groove (« Khonsawan »), une cour de récréation (« Gaga Gundul »), un chant bouffon (« Rampak »), une fête joyeuse (« Deep In Kanteng ») ou un climat solennel (« Gundul In Wonderland »). Les mélodies sont le plus souvent harmonieuses (« Rampak »), voire éthérées (« Merapi’s Party »), sous forme de thème-riff (« Khonsawan »), d’air majestueux (« Gundul In Wonderland »), de comptine (« Sluku Love ») ou de ballade sirupeuse (« Terbawa Arus »). Ce qui n’empêche évidemment pas Gaga Gundul d’être entraînant du début à la fin. Tour à tour groovy (« Merapi’s Party »), touffue (« Khonsawan »), puissante (« Kemrungsung ») et dansante (« Deep In Kanteng »), la section rythmique foisonne (« Gundul in Wonderland ») et assure une pulsation imposante (« Deep In Kanteng »). Dans les développements, les boucles imbriquées (« Deep In Kanteng »), les ostinatos (« Merapi’s Party » ) et autres frappes tintinnabulantes (« Sarira ») du gamelan répondent aux phrases véloces du saxophone ténor (« Khonsawan ») et aux motifs noisy de la guitare (« Kemrungsung »). Mayot et Coronado virevoltent entre les lignes hypnotiques de Gayam 16, tandis que Vilayleck et Rouayroux enchaînent des traits rythmiques luxuriants (« Sarira »).

Le Géant Chauve de Peemaï et Gayam 16 est un guide parfait pour partir en voyage dans les poly-rythmes et mélodies asiatiques, sur fond de blues et de ses avatars.

Le disque

Gaga Gundul

Peemaï

Hugues Mayot (ts, kbd, voc), Gilles Coronado (g, voc), Alfred Vilayleck (b, voc) et Maxime Rouayroux (d, voc), avec Sudaryanto (fl, percu), Azis Rifkyanto (percu), Bevy Hanteriska (percu), Azied Dewa (percu) et Bagus Ryan (percu).
Collectif Koa – CK07
Sortie le 26 avril 2024

Liste des morceaux

01. « Merapi’s Party » (05:16).
02. « Khonsawan » (06:40).
03. « Sarira », Sudaryanto (05:14).
04. « Terbawa Arus », Azis Rifkyanto (04:23).
05. « Kemrungsung », Bevy Hanteriska  (05:41).
06. « Gaga Gundul » (07:36).
07. « Sluku Love » (03.22).
08. « Rampak » (05:28).
09. « Deep In Kanteng » (05:38).
10. « Gundul In Wonderland » (03:35).

Tous les morceaux sont signés Peemaï, sauf indication contraire.


08 juin 2024

AfuriKo à la bibliohèque Andrée Chedid

En 1968, les architectes Jean-Claude Jallat et Michel Proux se voient confier la réalisation d’un immeuble de cent quatre-vingt logements, « Le Village », sur la dalle du Front de Seine. Adossé au nord à la centrale de chauffage urbain, l’immeuble est aveugle sur cinq niveaux et l’aménageur propose à la Direction des Affaires Culturelles de la Ville de Paris d’y installer une bibliothèque. Le 3 mai 1974 la bibliothèque Beaugrenelle ouvre ses portes. Forte de ses deux mille cent mètres carrés, de sa salle de projection et de ses cabines d’écoute musicale, c’est l’une des premières médiathèques en France. Pôle musical depuis la fin des années quatre-vingt dix, elle est rebaptisée bibliothèque Andrée Chedid en 2012. 


Pourquoi cette longue introduction ? Parce que d’avril à juin 2024 la bibliothèque commémore son cinquantenaire et qu’elle célèbre son anniversaire le samedi 25 mai avec, entre autres festivités, un concert d’AfuriKo.

Voilà près de quinze ans que la percussionniste Akiko Horii et le claviériste Jim Funnell ont formé AfuriKo, dont le nom est tiré d’un jeu de mots japonais : « Afurika », Afrique, et « Ko », enfant. Le duo compte trois disques à son actif : On The Far Side (2014), Style (2016) et Tao (2019).

Au programme du concert : quatre compositions originales (« Kotejuga », « Afro-Samba Funk », « No One Knows Where Willy Goes » et « Sukunya ‘s Soukous »), « Kassai », chanson de Taiji Nakamura et Ou Yoshida, immortalisée en 1972 par Naomi Chiaki, et qui figure sur Tao, « Flor de Lis » du musicien brésilien Djavan, « Pismo ti e doshlo », un chant bulgare, et « Red Dragonfly », un arrangement de deux morceaux traditionnels du Japon et de Guinée, au répertoire de Style.

Afuriko - Jim Funnell & Akiko Horii (c) PLM

Inspiré du rythme Malinke éponyme, « Kotejuga » bondit du début à la fin ! Après un démarrage abrupt et dansant basé sur des percussions tintinnabulantes, la main droite swingue sur le piano, tandis que la main gauche joue une ligne de basse sourde sur un clavier midi et que la rythmique foisonne. « Afro-Samba Funk » est un thème-riff entraînant aux accents funky porté par des poly-rythmes fougueux et puissants. Pendant que Funnell déroule des motifs mélodico-rythmiques enjoués, Horii maintient le morceau sous pression avec ses frappes sur le cajón et le djembé, des pêches sur les congas, cymbales, carillon ou autre cowbells et le tintement des grelots-charleston. Afuriko interprète la ballade mélancolique « Kassai » dans un style comptine, mais les percussions restent exubérantes et le solo du piano rappelle ça-et-là Lennie Tristano. Changement de décor avec « Flor de Lis » : une mélodie chantante sur une rythmique chaloupée, agrémentée de variations typiques latin-jazz et de dialogues animés entre Horri et Funnell. Dédié à leur chat, souvent en vadrouille, « No One Knows Where Willy Goes » est quasiment figuratif et évoque les balades du chat, avec un thème circulaire qui s’appuie sur un ostinato et une cadence régulière, mais parsemée de splash et autres coups impromptus. Les riffs du piano et les envolées poly-rythmiques des percussions créent une ambiance intense. A « Pismo ti e doshlo », air folklorique touchant, succède un hymne quasiment romantique, « Red Dragonfly » ou « Aka Tombo » en japonais, hommage à la libellule rouge ! Une mélodie solennelle aux accents extrême-orientaux, soutenue par des percussions toujours dynamiques, laisse place à des lignes aux couleurs bluesy et funky encadrées par une rythmique énergique. « Sukunya’s Soukous » s’inspire à la fois du mythe de la sorcière Sukunya de Trinidad et Tobago et de la danse congolaise. Pendant que les mains d’Horii virevoltent sur les peaux et les cymbales dans un feu d’artifice de rythmes, Funnell développe des phrases joyeuses et légères, aux parfums des Caraïbes...

Pittoresque, gaie et dansante, la musique d’Afuriko a enflammé le public venu en nombre fêter l’anniversaire de la bibliothèque Andrée Chedid.

28 mai 2024

Lennie’s

Absorbé par ses recherches sur les liens entre composition et improvisation, Jean-Christophe Kotsiras s’est plongé dans la musique de Lennie Tristano. Pour ce faire, le pianiste a monté un quintet avec le saxophoniste alto Ludovic Ernault (à la tête d’un quartet avec Enzo Carniel, Florent Nisse et Simon Bernier), le saxophoniste ténor Pierre Bernier (Wanderlust Orchestra, Quartet Christian Brenner, Antoine Karacostas Quartet…), le contrebassiste Blaise Chevallier (Aérophone, Yoann Loustalot Quartet, Quartet Christian Brenner…) et le batteur Ariel Tessier (House of Echo, Charley Rose Trio, Emmanuel Borghi Trio…).

Premier opus du quintet, Lennie’s sort chez Soprane Records le 24 mai 2024, avec, au programme, quatre compositions signées Kotsiras, trois morceaux de Lee Konitz – « Lennie’s » (2000), « It’s You » (1977) et « Palo Alto » (1950) – « Marionette » (1949) de Billy Bauer et « Wow » (1949) de Tristano.

La musique du quintet est – évidemment – placée sous le signe de Tristano. Les thèmes sont le plus souvent exposés à l’unisson, avec des riffs (« Lennie’s ») et des phrases élégantes dans une veine Third Stream (« Emelia »), mais aussi sous forme de duo tendu entre les deux saxophones (« Palo Alto »), parfois pimentés de dissonances (« Shining »). Dans la plupart des cas la construction des développements suit les codes « tristaniens », avec des structures sophistiquées (« Emelia »), à base de contrepoints et de croisements de voix subtils (« Palo Alto »), de questions-réponses superposées (« Shining ») et de dialogues échevelés (« Wow ») qui côtoient les lignes fluides et aériennes des saxophones (« Lennie’s »), volontiers marquées par la West Coast (« Anamnèse »), les envolées plutôt puissantes du piano (« Nihil ») dans le registre médium grave, caractéristiques du jeu du pianiste chicagoan (« It’s You »), et les chorus mélodieux de contrebasse (« Emelia »). Comme chez Tristano, la section rythmique joue fréquemment une walking et un chabada hérités du be-bop (« It’s You »), à tendance ultra-rapide (« Marionette ») !

Lennie’s s’inscrit avec beaucoup de pertinence dans la lignée de « l’école Tristano ». Comme le disait Konitz, emporté par le coronavirus en 2020 : « tant qu’il y aura des gens qui essaient de jouer de la musique avec sincérité, il y aura du jazz ». Kotsiras et son quintet en sont la preuve.

Le disque

Lennie’s

Ludovic Ernault (as), Pierre Bernier (ts), Jean-Christophe Kotsiras (p), Blaise Chevallier (b) et Ariel Tessier (d).
Soprane Records – SP106
Sortie le 24 mai 2024.

Liste des morceaux

01. « Lennie’s », Lee Konitz (5:28).
02. « It’s You », Lee Konitz (4:13).
03. « Marionette », Billy Bauer (3:28).
04. « Anamnèse » (5:36).
05. « Nihil » (4:05).
06. « Palo Alto », Lee Konitz (4:50).
07. « Emelia » (4:52).
08. « Wow », Lennie Tristano (3:09).
09. « Shining » (6:57).

Toutes les compositions sont signées Jean-Christophe Kotsiras, sauf indication contraire.

 

 

12 mai 2024

Live in Paris – Monnin Midon Delor

Si Edouard Monnin, Gabriel Midon et Thomas Delor n’en sont pas à leur premier essai – ils ont notamment enregistré Imaginary Studies (opus signé Midon) en 2020 – en revanche Live in Paris est leur premier album en trio. Il sort le 12 avril 2024 chez Soprane Records.

Comme l’indique le titre, le disque a été enregistré lors de trois concerts que le trio a fait au 38 Riv’ Jazz Club en février 2023. L’enregistrement a été réalisé par le guitariste Simon Martineau, autre proche du trio, qui était de l’aventure Imaginary Stories et avait invité Midon et Delor pour Tape From Nowhere (2023). Sans compter The Swaggerer (2018) et Silence The 13th (2020), deux albums de Delor auxquels Martineau a participé et n'oublions pas non plus que Delor et Martineau font partie du Nuzut Trio au côté du contrebassiste Flavio Perrella. Cette équipe se connaît donc sur le bout des doigts.

Monnin, Midon et Delor reprennent l’« Ave Maria » de Franz Schubert et six standards : deux be-bop – « Billie’s Bounce » de Charlie Parker et « Monk’s Dream » de Thelonious Monk –, deux hard-bop signés Sonny Rollins – « Valse Hot » et « Saint Thomas » –, un latin jazz – « Tres palabras » composé par Osvaldo Farrés – et un Third Stream – « In Your Own Sweet Way » de Dave Brubeck.

Des mélodies jouées avec une élégance (« In Your Own Sweet Way ») que Kenny Baron ne renierait pas, des thèmes dansants (« Valse Hot ») ou latino (« Tres Palabras ») débouchent sur des solos athlétiques de la batterie (« Valse Hot »), des interactions relevées (« Billie’s Bounce ») et des développements tendus (« Ave Maria »). La prise de son, très organique, met en relief la sonorité acoustique du trio (« Ave Maria »). Quant à la structure bop thème – solo – thème, elle permet à chacun de s’exprimer comme il l’entend (« Valse Hot »). Côté rythmes, le chabada subtil parsemé de pêches (« In Your Own Sweet Way »), les cliquetis (« Billie’s Bounce »), les frappes chaloupées (« Saint Thomas »), les lignes denses (« Valse Hot ») ou les poly-rythmes luxuriants (« Tres Palabras ») se marient aux walking de la contrebasse (« Ave Maria »), pimentées de shuffle (« Monk’s Dream »), et aux pédales (« Billie’s Bounce »), riffs puissants (« Valse Hot ») et autres motifs intenses (« Tres Palabras »).

Monnin, Midon et Delor jouent un néo-bop particulièrement vivant, qui fera dodeliner de la tête tous les auditeurs.


Le disque

 
Live in Paris
Monnin Midon Delor  
Edouard Monnin (p), Gabriel Midon (b) et Thomas Delor (d).   
Soprane Records – SP105 Sortie le 12 avril 2024


Liste des morceaux  

01. « In Your Own Sweet Way », Dave Brubeck (7:08). 
02. « Billie’s Bounce », Charlie Parker (8:32). 
03. « Ave Maria », Franz Schubert (8:48).  
04. « Monk’s Dream », Thelonious Monk (6:16).  
05. « Valse Hot », Sonny Rollins (9:08).  
06. « Tres Palabras », Osvaldo Farrés (7:11).  
07. « Saint Thomas », Sonny Rollins (4:11).
 

09 avril 2024

Letter To The World – Lionel Martin & Sangoma Everett

En 2019, Lionel Martin et Sangoma Everett avaient repris Afrique, album de Count Basie et Oliver Nelson, enregistré en 1971. Cinq ans plus tard, les revoilà avec un tout autre projet autour du blues : Letter To The World sort le 15 mars 2024 chez Ouch ! Records. Le duo invite Sophia Companion pour dire « This Is My Letter To The World », poème d’Emily Dickinson qui a inspiré le titre de l’album, et le percussionniste Alain Chaléard pour les accompagner au bendir sur « Afro Blues ». 
 
Cette lettre ouverte au monde est bien remplie ! Le morceau éponyme est signé Everett, qui propose également deux autres compositions, « Fane » et « Chazelles » (le village du Jura où vit Everett), oécrites avec Bruno Delanchy, organiste Hammond dans leur DEL trio, avec le saxophoniste Jérôme Lefebvre. Les trois thèmes de Martin sont engagés : pacifiste (« No Guns »), anarchiste (« Ni Dieu ni maître ») et prophétique (« A la recherche du temps futur »). Quant au fatidique « I’am Talking To The Wall », il est cosigné Martin – Everett. Les deux musiciens reprennent également « Who Knows » de l’album Band of Gypsy (1970) de Jimi Hendrix, et le standard « Afro Blues », que Mongo Santamaria a publié en 1959.
 
Le duo bombarde un jazz progressif puissant dans « No Guns », avec un saxophone ténor sous looper et une batterie brutale et mate. Ensuite, porté par la voix medium et claire d’Everett et les riffs inamovibles de Martin, « Who Knows » transpire le blues. Suit un thème-riff épais, un ténor musculeux et une batterie athlétique qui font d’« A la rechercher du temps futur » un morceau jazz-rock-blues intense. Comme il se doit, le morceau-titre, « Letter To The World », est solennel, dense et aérien à souhait. « Afro Blues », lui, évolue dans une ambiance lancinante, entre acoustico-rythmique et électro-spatiale. Après ce chant quasi-incantatoire, « Irarrazabal » lorgne vers la world music : le saxophone soprano, mobile et volubile, répond aux tambours, foisonnants. Mais le gospel a aussi sa voix au chapitre quand le saxophone ténor, en shouter emphatique, et la batterie, brute de fonderie, jouent « Fane », un slow binaire aux contours bluesy. Changement de décor avec « Chazelles », dans une veine jazz funk entraînante et jouissive, à la Sonny Rollins. La batterie se tait et les saxophones pleurent pour « I’Am Talking To The Wall » : Everett déclame avec simplicité et gravité un poème émouvant écrit pour le départ d’un ami, Polo. Letter To The World se conclut sur un « Ni Dieu ni maître » trapu et bluesy, qu’Auguste Blanqui aurait apprécié.
 
La splendide Letter To The World d’Everett et Martin est une ode libertaire teintée de blues… 

Le disque

Letter To The World

Lionel Martin & Sangoma Everett

Lionel Martin (sax, elec) et Sangoma Everett (d, voc), avec Sophia Companion (voc) et Alain Chaleard (Bendir).
Ouch ! Records – V001/27
Sortie le 15 mars 2024

Liste des morceaux


01. « No Guns », Lionel Martin (03:10).
02. « Who Knows », Jimi Hendrix (03:21).
03. « A La Recherche Du Temps Futur », Lionel Martin (02:30).
04. « Letter To The World », Sangoma Everett (03:44).
05. « Afro Blues », Mongo Santamaria (04:31).
06. « Irarrazabal », Yves Cerf (03:25).
07. « Fane », Sangoma Everett & Bruno Delanchy (03:59).
08. « Chazelles », Sangoma Everett & Bruno Delanchy (02:45).
09. « I'Am Talking To The Wall », Sangoma Everett & Lionel Martin (05:07).
10. « Ni Dieu Ni Maître », Lionel Martin (03:29).

07 avril 2024

Floating – Poécordes

Nouveau duo sur la scène du jazz, Poécordes regroupe le pianiste François de Larrard et le batteur Mathieu Bec. Ils sortent leur premier disque, Floating, le 23 février 2024 chez Mazeto Square.

Au répertoire de Floating, pas moins de quinze morceaux, pour la plupart des compositions instantanées, dont les titres, parsemés de jeux de mots, évoquent la musique avec « Vagabondage harmonique », « Tapin tonique » (pentatonique n'est pas loin...), « Pin-pon » (merci les véhicules prioritaires) et « Chromatic Walk » (L’entrée des gladiateurs…), la poésie (« Au creux de ton oreille », « L’oiseau prie », « Petit matin lyonnais »…), deux hommages à des musiciens (« A Kiss To Keith » pour Keith Jarrett et « Parlure (ses cils, dès lors) » que nous pouvons imaginer dédié à Cecil Taylor), des « Forteresses » esseulées et, pour introduire et conclure l’album, les logiques « Comme un départ » et « Séparations ».

« Comme un départ » pose les bases de la musique du duo : un piano qui se promène avec agilité sur les quatre-vingt huit touches, en alternant traits véloces et motifs mélodico-rythmiques plus lents, et une batterie particulièrement mélodieuse, qui, sur une assise régulière, varie les rudiments au grès des propos de son compère. Les morceaux marient swing solide et embardées free dans des successions de tableaux, construits en fonction des idées que les deux musiciens saisissent au bond. Les ambiances sont éclectiques : néo-bop vif (« Vagabondage harmonique I »), quasi latin-jazz (« Vagabondage harmonique II »), voire caribéenne (« Tapin tonique II »), Africaine (« Tapin tonique I »), ballade mystérieuse sur une rythmique imposante (« Au creux de ton oreille »), classique (dans une veine Erik Satie avec « Petit matin lyonnais ») ou romantique pimentée de bop (« Vagabondage harmonique III »), musique contemporaine (« L’oiseau prie »), Köln Concert (« A Kiss To Keith »)… Les mouvements mélodiques sont, eux aussi, multiformes, de légers et dansants (« Vagabondage harmonique II ») ou sautillants (« Petit matin lyonnais »), à élégants (« Vagabondage harmonique III ») ou emphatiques (« Forteresses »), et, le plus souvent, bondissants (« Parlure (ses cils, dès lors) ») et véloces (« Tapin tonique II »), avec des phrases heurtées (« Tapin tonique I »). La plupart des morceaux sont entraînants (« Vagabondage harmonique I ») et se balancent habilement (« Séparations »). Les riffs du piano se marient aux rythmes touffus de la batterie (« Petit matin lyonnais »). Bec en impose avec sa sonorité brute et charnelle (« Vagabondage harmonique II »), ses mailloches majestueuses à la Jack DeJohnette (« A Kiss To Keith »), son chabada tendu (« Chromatic Walk »), ses crépitements (« Forteresses ») ou son jeu ultra-dynamique (« Pin-pon »). A côté des variations torturées (« L'oiseau prie ») et dissonantes (« Séparations »), ou des discours denses (« Vagabondage harmonique III ») et imprévisibles (« Parlure (ses cils, dès lors) »), de Larrard ne manque pas d’humour (« Petit matin lyonnais »).

Malin du début à la fin, Floating est un cocktail savoureux d’équilibre et de liberté.

Le disque

Floating

Poécordes
François de Larrard (p) et Mathieu Bec (d)
Mazeto Square
Sortie le 23 février 2024

Liste de morceaux

01. « Comme un départ » (6:05).
02. « Vagabondage harmonique I » (5:20).
03. « Au creux de ton oreille » (4:23).
04. « L'oiseau prie » (3:45).
05. « Vagabondage harmonique II » (3:49).
06. « A Kiss To Keith » (4:53).
07. « Petit matin lyonnais » (3:36).
08. « Chromatic Walk » (6:08).
09. « Pin-pon » (2:52).
10. « Vagabondage harmonique III » (4:43).
11. « Forteresses » (4:07).
12. « Tapin tonique I » (4:08).
13. « Parlure (ses cils, dès lors) » (6:25).
14. « Tapin tonique II » (3:53).
15. « Séparations » (3:44).

Toutes les compositions sont signées de Larrard et Bec.



04 avril 2024

La vie d’après – Duo Brady

Michèle Pierre et Paul Colomb montent le Duo Brady en 2010, du nom d’un passage du Xe arrondissement de Paris où, depuis trois ans, ils organisent un festival en juillet. Forts de leur passé classique – CNSM de Paris pour l’une et HEMU de Lausanne pour l’autre – et d’une instrumentation unique – deux violoncelles – le duo prend un malin plaisir à brouiller les pistes, du jazz à la musique contemporaine, en passant par les musiques actuelles.

Après Plaines, sorti en 2020, le Duo Brady revient sur disque en décembre 2023 avec La vie d’après, publié au Ponton desArts. Les treize compositions sont signées du duo. Les titres des morceaux promettent un sacré voyage acoustique spatio-temporel surréaliste qui mène de la Grèce antique – « Le voyage des titans », « Valse en Arcadie » – à Mars – où nous retrouvons Philip Glass dans « Glass on Mars » – avec des escales dans une nouvelle ère norvégienne (« Ny Æra »), l’Islande (« Landsis »), la techno (« Technoïda »), le cœur (« Systole »), Star Trek (« NuqneH! »), le chocolat (« Tarte au snickers »)…
Pierre et Colomb soignent leurs mélodies, tantôt dans un style musique classique (« La vie d’après ») ou baroque (« Valse en Arcadie »), voire minimalistes (« Clic boom ») ou contemporaines (« Glass on Mars »), tantôt mystérieuses et cinégéniques (« Après la nuit »), sombres (« Ny Æra »), ou carrément actuelles, en mode techno (« NuqneH! »). Dans les développements, les deux violoncellistes alternent variations mélodiques et passages rythmiques (« Le voyage des titans »), avec des traits dissonants (« La vie d’après »), parfois étirés (« Landsis »), mais aussi des déroulés cérémonieux (« Valse en Arcadie ») ou des phrases parsemées de modulations et autres glissandos (« Systole »), des boucles entrelacées (« Clic boom ») et des envolées free (« Tarte au snickers »). Le Duo Brady subjugue par ses trouvailles rythmiques. Pourtant, la gageure est là car le violoncelle est l’instrument icône de la pureté mélodique par excellence. Mais Pierre et Colomb maîtrisent l’art du pizzicato comme pas deux : entraînant (« La vie d’après »), en ostinato (« Ny Æra »), horloger (« Clic boom »), léger (« Valse en Arcadie »), mélodico-rythmique (« Le voyage des titans »), en contrepoint (« Landsis ») ou a capela (« Valse en Arcadie »)… Pierre et Colomb puisent aussi au fond des possibilités rythmiques de leur instrument sans utiliser d’effets électro : bourdons à l’archet et jeux sur les variations de volume sonore (« La vie d’après »), grattés vigoureux (« Le voyages titans »), pédales (« Technoïda »), riffs dansants (« Systole »), battements binaires sur la table d’harmonie (« Glass on Mars »), ambiances dance floor (« Technoïda »), motifs rythmiques galopants (« Après la nuit »), cordes frappées à l’archet (« Glass on Mars »)…
Le Duo Brady met le feu et, si nous les écoutons, La vie d’après n’est pas de tout repos, mais vaut certainement le coup d’être vécue !


Le disque 

 

La vie d’après Duo Brady  
Michèle Pierre (cello) et Paul Colomb (cello). 
Le Ponton des Arts – BRA002 
Sortie le 1er décembre 2023

Liste des morceaux

 

01. « La vie d'après » (07:15). 
02. « Le voyage des titans » (05:35). 
03. « Systole » (03:34). 
04. « Ny Æra » (02:51). 
05. « Clic boom » (03:25). 
06. « Capsule jaune » (01:02). 
07. « Glass on Mars » (05:45). 
08. « Technoïda » (04:28). 
09. « Valse en Arcadie » (04:05). 
10. « Landsis » (02:01). 
11. « Tarte aux snickers » (03:37). 
12. « Après la nuit » (04:34). 
13. « NuqneH! » (02:38). 
 
Tous les morceaux sont signés Pierre et Colomb.