02 janvier 2018
24 décembre 2017
Mélodies romanesques au Triton…
Le 30 novembre 2017
est frisquet : la neige tombe sur Le Triton pendant les deux sets de la
soirée consacrée à Aldo Romano. Un manteau de quelques centimètres recouvre
bientôt Les Lilas... Ecrin de choix pour la musique du plus parisien des
batteurs italiens.
A l’occasion de la sortie de Mélodies en noir & blanc sur le label maison, Le Triton
consacre une soirée à Romano. Le batteur présente deux trios aux
esthétiques différentes : l’un propose une musique plutôt encadrée tandis
que l’autre s’inscrit dans une lignée free. Le premier trio – Mélodies en noir et blanc – se compose
du pianiste Dino Rubino et du
contrebassiste Michel Benita. Quant
au deuxième – Liberi Sumus –, il est
constitué de Vincent Lê Quang au
saxophone et Henri Texier à la
contrebasse.
Mélodies en noir & blanc
« Cela pourrait être le titre d’un polar des années 50.
Un peu de nostalgie du temps de ma jeunesse, bien sûr », c’est ainsi que
Romano présente son disque.
Les dix morceaux sont courts : la durée d’une chanson,
format qu’affectionne Romano. Le répertoire est composé de neufs thèmes signés
Romano et de « Il voyage en solitaire », chanson de Gérard Manset sortie en 1975. Les neuf
autres titres s’articulent autour de cinq reprises et de quatre inédits, tous
signés Romano : « On John’s Guitar » (Prosodie – 1995), « Song for Elis » (Corners – 2000), « Dreams And Waters » (éponyme – 1991) et « Inner
Smile » (Intervista – 1997) pour
les titres déjà enregistrés ; « Lontano »,
« Rosario », « L.A. 58 », « Webb » et
« Favela » pour les nouvelles compositions, sur disque.
Pendant le concert le trio joue quatre morceaux de Mélodies en noir & blanc et reprend « Il
Piacere » et « Il camino », deux titres phares de Romano, sortis
la première fois en 1979 sur Il Piacere.
En bis, Romano chante le tube de Bruno
Martino et Bruno Brighetti, « Estate »,
créé en 1960, et qu’il a déjà enregistré pour Chante, en 2006.
Les mélodies sont aux petits oignons (« Favela », « Lontano »…),
comme toujours avec Romano et, côté rythmes, le set est plutôt paisible :
le trio passe d’une ballade (« Dreams And Waters ») à un chabada -
walking be-bop (« L.A. 58 »), avec des incursions dans le funk (« Il
Piacere »). Même si sa condition physique ne lui permet plus les pirouettes
de sa jeunesse, notamment avec la charleston, Romano garde une écoute mélodique
hors pair (« Lontano »), un touché subtil (« Dreams And Waters »)
et un charisme intact (« Il piacere »). Benita joue dans Palatino
depuis les années quatre-vingts dix… Rien d’étonnant à ce que la connivence
avec Romano soir évidente : chorus chantants (« Lontano », « Dreams
and Waters »), lignes tantôt souples et légères (« Lontano »), tantôt
graves et fermes (« L.A. 58 »), et une imagination fertile (« Il
camino »). Rubino est aussi à l’aise dans des phrasés bop (« L.A. 58 »)
que dans des ambiances nostalgiques (« Favela »), folk (« Il
piacere »), romantiques (« Dreams and Waters »), voire des ballades
aux nuances orientales (« Lontano »).
Ce premier set est dans la lignée de la musique du quartet Palatino,
avec des thèmes envoutants et des développements mélodieux, portés par une
rythmique élégante.
Le disque
Mélodies en noir & blanc
Aldo Romano
Dino Rubino (p), Michel Benita (b) et Aldo Romano (d)
Le Triton – TRI17539
Sortie le 22 septembre 2017
Liste des morceaux
01. « Lontano » (4:26).
02. « Rosario » (3:19).
03. « L.A.
58 » (4:06).
04. « Song
for Elis » (4:25).
05. « Webb
» (3:17).
06. « On
John's Guitar » (4:57).
07. « Favela
» (2:19).
08. « Dreams
and Waters » (5:30).
09. « Inner
Smile » (3:17).
10. « Il voyage en solitaire », Manset (4:10).
Toutes les compositions sont signées Romano, sauf indication
contraire.
Liberi Sumus
Entendu lors d’une jam session en 2014, Lê Quang redonne
envie à Romano de jouer free. Il organise donc un concert au Triton avec Texier
dans un format complètement libre, sans partition. De cette séance
d’improvisation totale sort Liberi Sumus,
en 2016, toujours publié sur le label du Triton.
C’est la troisième fois que le trio se produit ensemble et
Romano de l’introduire : « nous partons à l’aventure sur l’Amazone,
sur une île ou dans un cosmos improbable… Liberi
Sumus… Nous sommes libres… ». Lê Quang, Texier et Romano jouent trois morceaux
ou, pour être exact, s’arrêtent entre trois séquences d’improvisation.
Dès les premières mesures, une succession de sauts d’intervalles
entrecoupés de motifs de basse soulignés par les pêches de la batterie, la
musique est évidente : les spectateurs ont affaire à trois orfèvres en
sons aux aguets, à la recherche de l’inouï. Le ténor, velouté, la contrebasse,
boisée et la batterie, subtile, échangent des propos intenses. Pendant que Lê
Quang rebondit d’intervalle en intervalle, Romano alterne chabada, roulements
et pêches, tandis que Texier répond par une walking ou des motifs tout en souplesse.
Le chorus particulièrement mélodieux de la contrebasse est un cas d’école qui débouche
sur un trilogue passionnant, avec un solo « tribal » de la batterie
sur les peaux, soutenu par les pédales de la contrebasse et du ténor. S’ensuit
un final entre fulgurances néo-bop et dérapages free contrôlés d’une densité
haletante.
Dans le deuxième échange, après un foisonnement rythmique,
Romano installe une cadence régulière sur les cymbales, appuyée par un ostinato
de la contrebasse. Sur cette rythmique carrée, le ténor expose un motif dans un
esprit coltranien avec moult variations à base de boucles, traits supersoniques,
volutes… C’est Texier qui conclut avec un chorus grave et plein de swing.
La troisième discussion s’engage sur un sujet bruitiste free :
frappes éparses sur les cymbales, notes isolées de la contrebasse et soprano fragile
et lointain. Technique étendue – le pavillon du soprano à moitié bouché sur la
jambe repliée de Lê Quang – splashs violents sur les cymbales et double-cordes qui
grondent… l’introduction est expressive ! Texier et Romano se lancent
ensuite dans un accompagnement bluesy et Lê Quang étire la mélodie avec une
pointe de mélancolie.
La liberté est éblouissante !
En bis Romano demande au premier trio de les rejoindre et
Rubino passe au bugle. Le quintet démarre abruptement dans une atmosphère
touffue de batterie qui en met partout, des soufflants qui fourmillent et des
deux contrebasses qui marient leurs lignes puissantes… Comme un retour au bon
vieux free des années soixante-dix ! Romano bifurque ensuite vers un
rythme régulier, pendant que Texier et Benita jouent des lignes groovy, sur
lesquels Lê Quang et Rubino, nonchalamment allongé dans un fauteuil, exposent « Tompkins
Square », qui se développe dans un climat hard-bop, prolongé par un second
rappel du même acabit.
Un double-concert captivant qui permet d’apprécier deux
facettes de Romano, finalement assez proches l‘une de l’autre : le romantisme et
la liberté…
21 décembre 2017
Body and Blues au Studio de l’Ermitage…
Après Folklores imaginaires en 2005, Espaces croisés en 2009 et Nomade sonore en 2015, le saxophoniste
Eric Séva sort Body and Blues en octobre 2017 sur le label qu’il a créé, les Z’arts de Garonne. Le 28 novembre 2017, il présente son disque au Studio de
l’Ermitage.
Marqué par King
Curtis dans sa jeunesse, Séva a toujours été attiré par « la musique
source de toutes les musiques improvisées, le blues ». En 2013, dans le
cadre du festival Jazz & Garonne qu’il organise à Marmande, le saxophoniste
demande à Sebastian Danchin de
présenter une histoire du blues, illustrée par le chanteur canadien Harrison Kennedy. De cette rencontre
est née l’idée de Body and Blues.
Pour interpréter son blues, Séva forme un quartet avec Manu Galvin aux guitares, Christophe Cravero aux claviers et au
violon alto, Christophe Wallemme à
la basse et à la contrebasse, et Stéphane Huchard aux percussions. En janvier 2017, ils entrent en studio pour
enregistrer Body and Blues. Kennedy
chante trois titres, le poème de Nougaro est confié à Michael Robinson. Sur deux morceaux Séva invite également
l’accordéoniste Régis Gizavo. Body and Blues est dédié à Gizavo qui a
disparu brutalement en juillet 2017, avant même la sortie du disque.
Séva signe dix titres et Kennedy deux. La direction
artistique du disque a été confiée à Danchin et l’enregistrement à Ludovic Lanen. Le concert reprend tous
les morceaux de Body and Blues avec,
en deuxième bis, la version de « If You Go » mise en parole par
Kennedy.
Pour commencer : les bals populaires avec l’orchestre
familial, une formation classique à l’Ecole Normale de Musique de Paris et Dave Liebman… Pour continuer :
d’un côté l’ONJ, Michel Marre, Khalil Chahine, Didier Lockwood, Daniel Yvinek…
et, de l’autre, Michel Sardou, Zaz, Lara Fabian, Pascal Obispo,
les Rita Mitsouko… Séva vit la musique. La mélodie facile
(« Bivouac »), un lyrisme à fleur de peau (« Miniscropique
Blues »), des envolées épicées (« Body and Blues »), des
développements énergiques (« Trains clandestins »), une pédale
wahwah expressive (« Red
Hat »)… : le saxophoniste marie avec succès tradition blues
et modernisme.
Partenaire de Jean-Jacques Milteau, mais aussi de Jane Birkin, Maxime Le Forestier, Renaud…
Galvin est également un homme de radio avec, notamment, son émission Mi La Ré Sol Si Mi sur TSF Jazz. Le
blues sans guitare, c’est des frites sans sel… Ses unissons, accords et autres
contrepoints mettent en relief les propos bluesy de ses compères, avec une
touche d’humour bienvenue (la citation du Boléro
de Maurice Ravel dans « A
Gogo »). En solo, il s’illustre dans une veine de guitar hero
(« Bivouac ») ou de rockeur bluesy (« Red Hat »). Dans « Le village d’Aohya », Galvin joue de la guitare acoustique dans un
esprit entre folk et musique du monde.
Cravero apprend le violon alto, le piano et la batterie aux
conservatoires de Marseille, puis de Saint-Maur des Fossés. Comme la plupart de
ses comparses il accompagne aussi bien des chanteurs – Birkin, Thomas Fersen, Sanseverino… – que des musiciens de jazz – Billy Cobham, Romane, Didier Lockwood… Au piano, comme aux claviers, les accords et phrases
mélodiques de Cravero soulignent avec tact les propos des solistes
(« Miniscropique Blues ») ou accentuent l’ambiance des morceaux (emphase
dans « Monsieur Slide », foisonnement dans « Trains
clandestins »).
Avec Pierre de
Bethmann et Benjamin Henocq,
Wallemme monte Prysm en 1994. Le trio laisse une empreinte durable dans le
panorama du jazz hexagonal. Formé à l’école des clubs, le contrebassiste est
aussi bien aux côtés de Louis Winsberg,
Daniel Mille, Stefano Di Battista… que Maxime
Leforestier, Françoise Hardy, James Taylor… Entre un riff sourd
(« Monsieur Slide ») ou un leitmotiv grave (« A Gogo ») et
une ligne entraînante (« Trains clandestins »), le bassiste prend des
solos imposants et vifs (« Body and Blues ») ou mélodieux, rapides et
souples (« Bivouac »).
Passé par l’école de batterie Dante Agostini, Huchard a joué
avec pléthore de musiciens d’esthétique complétement différente : du Big
Band Lumière de Laurent Cugny à Stochelo Rosenberg, en passant par
l’ONJ, François Jeanneau, Andy Emler, Marc Berthoumieux… Des rythmes funky (« Monsieur
Slide »), rock’n roll (« Red Hat »), slow
(« Bivouac »), groovy (« Trains clandestins »)… Huchard sait s’y prendre pour insuffler des motifs entraînants et ses chorus sont pour
le moins survoltés (frappes mates et serrées dans « A Gogo » et
roulements ultra-rapides dans « Trains clandestins »).
Dans les années soixante-dix Kennedy s’est fait un nom au sein du groupe soul Chairmen of the Board. Après s’être éloigné de la musique pendant quelques décennies, Kennedy est revenu au blues en 2003, avec Sweet Taste. Dans « No Monopoly On Hurt », co-écrit avec Danchin, les intonations bluesy expressives de Kennedy font des merveilles. Outre l’harmonica typé de Kennedy, l’ensemble du morceau respire le blues : le répons du soprano, le contrechant de la guitare qui souligne la voix et la ligne marquée de la section rythmique. « Jolie Marie Angélique » est une chanson plus triste : cette esclave africaine importée du Portugal fût brûlée vive à Montréal en 1734. Elle n’avait que vingt-quatre ans. Séva passe au sopranino. Son duo avec le banjo et le chant de Kennedy sont émouvants. Dans « If You Go » tout est fait pour danser : rythmique funky puissante, baryton chauffeur et chant explosif !
Originaire de Chicago, mais installé à Paris, Robinson passe de Milteau à Etienne Daho, sans oublier Bob Sinclair ou Angélique Kidjo… Après que Séva ait récité respectueusement « Ici », un poème de Claude Nougaro, Robinson le chante dans « Blues Diaphane », en duo avec le soprano. Un morceau tranquille servi par la voix souple et gracieuse de Robinson.
Body and Blues
porte bien son titre : Séva et sa troupe se donnent corps et (vague à l’)
âme à leur musique. Un disque et un concert dans lesquels la vitalité et le
blues cohabitent… comme dans la vraie vie.
Le disque
Body And Blues
Eric Séva
Éric Séva (bs, ss, sopranino), Manu Galvin (g), Christophe
Cravero (p, kbd, alto), Christophe Wallemme (b) et Stéphane Huchard (perc),
avec Régis Gizavo (acc), Harrison Kennedy (voc, bj, mandolin) et Michael
Robinson (voc).
Les Z’Arts de Garonne – ESBB6412
Sortie en octobre 2017
Liste des morceaux
01. « Monsieur Slide » (4:21).
02. « Miniscropique Blues » (4:25).
03. « No Monopoly on Hurt », Kennedy
& Danchin (5:44).
04. « Body and Blues » (4:43).
05. « A Gogo » (3:51).
06. « Trains
clandestins » (6:47).
07. « If
You Go » (3:24).
08. « Blues
diaphane », Séva & Nougaro (3:46).
09. «
Bivouac » (6:36).
10. « Jolie
Marie-Angélique », Kennedy (4:03).
11. « Red
Hat » (5:35).
12. « Le
village d'Aoyha » (4:36).
Toutes les compositions sont signées Séva, sauf indication
contraire.
16 décembre 2017
Images pour orchestre au Triton…
Après Fiesta Nocturna, La fête à Bobby et Lagrima
Latina, Jean-Marie Machado crée Pictures
For Orchestra pour son orchestre Danzas les 1er, 2 et 3 décembre
2016, au Centre des bords de Marne du Perreux-sur-Marne. C’est cet univers
musical que Machado propose dans la petite salle du Triton, les 24 et 25
novembre 2017.
Pictures For Orchestra
s’articule autour du noyau dur de Danzas – Didier
Ithursarry à l’accordéon, Jean-Charles
Richard aux saxophones et François
Thuillier au tuba – auquel s’ajoutent Joce
Mienniel et ses flûtes, Elodie
Pasquier et ses clarinettes, Cécile
Grenier et Séverine Morfin au
violon alto et Guillaume Martigné au
violoncelle. Pour la soirée au Triton, Stéphane
Guillaume remplace Mienniel, en concert avec Tilt, et Jean-François Baez prend la place d’Ithursarry, en résidence avec
l’Organik Orkeztra.
Machado présente Pictures
For Orchestra comme une suite de neufs « Free Wheels » (‘roues
libres’) écrites pour chacun des musiciens de Danzas et de quatre morceaux inspirés
de compositions signées John Coltrane
(« Naima »), Astor Piazzolla
(« Vuelvo al Sur »), Robert Schumann
(la valse n° 4 des feuillets d’album, opus 124) et King Crimson (« I Talk To The Wind »).
C’est sur une version très libre de « Naima »,
dédiée à Dave Liebman, que débute
le concert. L’écriture de Machado est dense et s’appuie sur une superposition
habile des plans sonores : le piano et le tuba donnent l’impulsion, la
flûte, la clarinette et le saxophone dialoguent avec l’accordéon, tandis que le
trio à cordes joue des contrechants subtils. Dans la première « Free Wheel »,
l’accordéon de Baez s’envole dans un style « folklorique de chambre »,
parsemé de traits orientaux lancés par les deux altos et le violoncelle.
Au milieu des crépitements du piano, des pizzicatos et des accords
rubatos de l’accordéon, Morfin développe sa « Free Wheel », dans une
ambiance majestueuse. Thuillier fait groover son tuba dans un foisonnement de
voix, rythmé par les riffs du piano, accentué par l’accordéon et repris par les
soufflants. Dédicacé à Andy Elmer, « I
Talk To The Wind » met en scène, avec une intensité élégante, les timbres
des différents instruments. Des touches folks, jouées par la flûte et le piano,
viennent s’insérer au milieu des nappes de sons.
Avant de partir dans un développement grave et sombre,
presque mélancolique, Martigné introduit sa ‘roue libre’ par des questions –
réponses avec Machado, entre piano et grelots... Richard prend la suite au saxophone
soprano : son chorus mélodieusement libre débouche sur un duo de musique
de chambre avec le piano, dans un esprit tout à fait contemporain. Pasquier commence
sa « Free Wheel » dans une veine minimaliste avec des jeux de
souffles, puis sa clarinette part dans un duo animé avec le soprano sur fond de
cordes en pizzicato, avant que l’orchestre ne revienne à ses constructions en strates
sonores.
Quand vient son tour, Machado laisse libre-court à son lyrisme :
un ostinato dans les cordes du piano et des phrases colorées sur le clavier,
bientôt renforcées par l’accordéon et les archets. Avec son alto, Grenier
poursuit dans la même voie, d’abord a capella, puis avec le piano en
contrepoint, dans un mouvement qui pourrait être une bande originale de film.
« Vuelvo Al Sur » est joué à la mémoire de Nana Vasconcelos, disparu le 9 mars 2016.
Danzas sublime la partition de Piazzolla, avec le baryton et le tuba qui
maintiennent la pression, pendant que l’accordéon et les autres instruments croisent
leurs voix pour mettre en relief le caractère nostalgique du thème. Dans sa « Free
Wheel », Guillaume passe d’une atmosphère rythmique aux accents latinos à
une danse médiévale énergique : tourneries des soufflants soutenues par l’ostinato
du piano, les cordes en pizzicato et le bourdon de l’accordéon.
Le concert se conclut par Schumann, en souvenir de Catherine Collard, avec qui Machado a
travaillé. Sur une progression mesurée, le violoncelle, la clarinette, le piano
et le tuba mettent leurs sonorités au service du romantisme.
Danzas propose une musique métisse avec de l’ADN jazz,
évidemment, classique, bien sûr, mais aussi latine, folk, pop, du monde… Tout
cela avec une cohérence sans faille et un équilibre phénoménal : les mélodies coulent
de source, les tessitures se marient à merveille et les rythmes tombent pile-poil.
Dans Pictures For Orchestra Les voix jouent
toutes un rôle nécessaire et suffisant… En un mot : passionnant !
09 décembre 2017
Les soleils et l’Igloo…
L’actualité française
du label belge Igloo Records est touffue : Be.Jazz, Jazzycolors et,
maintenant, le Sunside et le Sunset… Le 23 novembre 2017, Rémi Planchenault et
son équipe programment un double concert, l’occasion de célébrer des sorties de
disques : le quartet d’Igor Gehenot propose Delta
au Sunside, suivi du trio de Jean-Paul Estiévenart qui présente Behind The Darkness au Sunset.
Delta au Sunside
Gehenot est de retour avec un nouveau trio : après Road Story en 2012, avec Sam Gerstmans et Teun Verbruggen, puis Motion,
en 2014, en compagnie de Philippe Aerts
et Verbruggen, Delta rassemble le
contrebassiste suédois Viktor Nyberg
et le batteur luxembourgeois Jérôme
Klein. Une fois n’est pas coutume, le trio s’est transformé en quartet avec
l’arrivée d’Alex Tassel, au bugle.
Pour le concert du Sunside, Antoine Pierre remplace Klein et le répertoire reprend sept des neuf
morceaux du disque plus « The Theme », standard composé par Kenny Dorham pour les Jazz Messenges d’Art Blakey (At The Cafe Bohemia,
Vol. 1 – 1955).
Les mélodies de Gehenot sont chantantes (« Moni »)
et souvent construites sur le format de thème-riff simple et efficace
(« Sleepness Night », « Step 2 »). Le quartet alterne
morceaux vifs (« Starter Pack », signés Klein) et ballades
(« Johanna », de Tassel), traités dans un esprit néo-bop (« The
Theme »). Gehenot fait le choix d’une sonorité acoustique, avec seulement
quelques rares effets du bugle. Le piano passe d’un jeu minimaliste
(« Sleepness Night »), pimenté de traits poétiques (« Abysses »),
à des envolées bop (« Starter
Pack ») aux nuances funky (« Step 2 »), sans oublier des
ballades mélodieuses (« Johanna »). Nyberg soutient le quartet avec des
motifs sourds (« Starter Pack »), des lignes simples et efficaces (« Sleepness
Night »), des riffs imperturbables (« Moni »), des walking classiques (« The
Theme ») qui vire à la running
(« Step 2 »). La fougue de Pierre ne se dément pas (le solo de
« Step 2 ») et ses frappes denses (« Sleepness Night »),
mais d’une puissance toujours subtile (« Starter Pack »), laissent
place à des chabadas exemplaires (« The Theme ») ou des bruissements délicats
(« Johanna »). Tassel se joint au piano pour exposer les thèmes à
l’unisson dans un pur style hard-bop (« Step 2 »), aligne des phrases
virtuoses (l’introduction a capella de « The Theme »), dialogue avec verve (« Starter
Pack ») et joue de sa sonorité, mélange de velouté et de brillance, pour
sublimer les ballades (« Johanna ») ou mettre une pointe de gravité
dans les morceaux plus solennels (« Abysses »).
Avec Delta,
Gehenot reste dans le sillon tracé par Road
Story et Motion : un néo-bop
vivifiant, assaisonné d’une touche lyrique…
Le disque
Delta
Igor Gehenot Quartet
Igor Gehenot (p), Viktor Nyberg (b) et Jérôme Klein (d),
avec Alex Tassel (bugle).
Igloo Records – IGL280
Sortie en Février 2017
Liste des morceaux
01. « Intro » (1:47).
02. « December 15 » (2:42).
03. « Moni » (5:46).
04. « Sleepless Night » (4:56).
05. « Step 2 » (6:06).
06. « Abysses » (8:15).
07. « Starter Pack », Klein (5:37).
08. « Johanna », Tassel (6:16).
09. « Drop by » (4:59).
Tous les morceaux sont signés Gehenot, sauf indication contraire.
Behind
The Darkness au Sunset
Le deuxième concert se déroule au Sunset. Estiévenart se
produit avec son trio habituel, constitué de Gertsmans et Pierre, qui enchaîne
les sets... Les trois musiciens jouent ensemble depuis 2013 (Wanted) et leur connivence est évidente.
Le programme du premier set de la soirée mélange des
morceaux du disque – « Moa », « Lost End », signé Pierre –,
des compositions tirées de Wanted –
« SD », « Les Doms » – et « Resolution », le
deuxième mouvement de A Love Supreme.
Le trio avait invité le saxophoniste alto Perico
Sambeat pour quelques titres de Wanted,
pour Behind The Darkness, le trio
passe au saxophone ténor, avec Steven
Delannoye pour un titre.
Les trios trompette – contrebasse – batterie ne sont pas
légions ! Mais ce n’est pas suffisant pour faire reculer Estiévenart… Une
maitrise parfaite du son, ni trop mou, ni trop claironnant, le trompettiste
joue avec une aisance confondante : phrasé limpide et développements
énergiques dans un esprit néo-bop (« Resolution »),
déroulés virtuoses (« Les Doms »), volutes mélodieuses (« Lost
End ») ou jeu intimiste et raffiné (« MOA »). La puissance de Gertsmans se marie à
merveille au jeu touffu de Pierre et soutient efficacement le discours d’Estiévenart,
avec des lignes rapides (« Lost End »), des walking appuyées (« Resolution »)
et des lignes puissantes et dansantes (« MOA »). Quant à Pierre, toujours
aussi présent, il passe d’un foisonnement dense, ponctué de touches d’humour (« Resolution »),
à un frémissement délicat (« MOA ») ou un jeu percussif habile (« Lost
End »).
Avec Behind The
Darkness Estiévenart confirme qu’il a trouvé son langage, moderne et tendu,
et son trio l’a bien appris : leurs conversations captivent l’auditeur de
bout en bout.
Le disque
Behind The Darkness
Jean-Paul Estiévenart
Jean-Paul Estiévenart (tp), Sam Gerstmans (b) et Antoine
Pierre (d)
Igloo Records – IGL276
Sortie en novembre 2016
Liste des morceaux
01. « Blade Runner » (5:07).
02. « Mixed Feelings » (6:55).
03. « Simple Minds » (5:14).
04. « Equilibre » (2:10).
05. « Quadruplets » (0:25).
06. « Lost end », Pierre (5:27).
07. « MOA » (8:05).
08. « Fenêtre » (0:26).
09. « Asphalt » (5:33).
10. « Deep Heart » (5:36).
11. « Behind The Darkness » (2:45).
12. « Cafe Yuka » (0:33).
13. « Miyako », Wayne Shorter (3:39).
Tous les morceaux sont signés Estiévenart, sauf indication
contraire.
02 décembre 2017
A la découverte d’Armel Dupas…
Armel Dupas est un pianiste qui a soif de notes :
depuis le début des années deux-mille il a joué, entre autres, avec Fionat
Monbet, Sandra Nkaké, Lisa Cat-Berro, les Sky Dancers d’Henri Texier… Côté disques,
Dupas a sorti Upriver en 2015 et A Night Walk en 2017. Un pianiste déterminé à découvrir…
La
musique
Concernant
mon parcours musical, ça dépend sous quel angle on l’aborde. Au niveau des études, j’ai commencé par des cours particuliers de piano,
puis une école de musique, avant de rejoindre le conservatoire de Nantes et d’intégrer
le Conservatoire National de Musique et de Danse de Paris. Au niveau de
l'évolution de mes goûts musicaux, je suis passé d’un jazz hard bop pur et dur à
la folk, l'Indie rock et l'électro… Je n'écoute plus de jazz actuel et mes
principales influences sont Miles Davis, Thomas
Newman et Joni Mitchell.
Cinq
clés pour le jazz
Qu’est-ce que le jazz ?
… Un état d'être au monde.
Pourquoi la passion du jazz ?
Le jazz n'est pas plus
passionnant qu'une autre musique. Il se la raconte beaucoup… Mais c'est pour ça
qu’il en éternelle mutation, qu’il absorbe tous les autres genres et… que l'on
a du mal à le définir…
Où écouter du jazz ? Seul en voiture en traversant les
Etats-Unis !
Comment découvrir le jazz ?
Invitez un jazzman à dîner et
vous verrez après...
Une anecdote autour du jazz ?
Duke
Ellington ne voyageait
jamais avec son orchestre. Un jour, pendant une tournée, l'orchestre était en
bus et lui en voiture, avec l'un de ses musiciens – peut-être son
contrebassiste. Ils ont parcouru des milliers de kilomètres sans jamais parler….
Le
portrait chinois
Si j’étais un animal, je serais un aigle,
Si j’étais une fleur, je serais une paquerette,
Si j’étais un fruit, je serais une framboise,
Si j’étais une boisson, je serais de l'eau pétillante,
Si j’étais un plat, je serais un byriani aux légumes,
Si j’étais une lettre, je serais... à Elise,
Si j’étais un mot, je serais Amour
de Dieu,
Si j’étais un chiffre, je serais 5,
Si j’étais une couleur, je serais bleu marine,
Si j’étais une note, je serais Fa#.
Les
bonheurs et regrets musicaux
Avoir fait pleurer mes amis Patrick et Françoise à la
première interprétation de l’une de mes dernières compositions, « La dernière
valse » m’a rempli de bonheur… Je regrette de n'avoir pas su profiter plus tôt de ce que le monde
musical a à m'offrir, d’avoir manqué de curiosité.
Sur
l’île déserte…
Quels disques ? Ella and Louis, Point of No Return de Franck Sinatra, Carrie & Lowell de Sufjan
Stevens.
Quels livres ? Les
quatre accords toltèques de Miguel
Ruiz et Conversations avec Dieu
de Neale Donald Walsch.
Quels films ? Les
noces rebelles et Retour vers le Futur.
Quelles peintures ? Aucune… Je ne suis pas branché peinture.
Quels loisirs ? Ableton Live…
Les
projets
Je veux développer
mes projets personnels et arrêter d'être un sideman... mais aussi trouver un
autre business-model et… devenir chanteur !
Trois
vœux…
1.
Faire
de belles rencontres…
2.
Faire
de beaux voyages…
3.
Et
que les deux premiers vœux soient liés à de belles notes…
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