03 septembre 2018

One – Simon Martineau


Premier disque en leader du guitariste Simon Martineau, One sort chez We See Music Records en mars 2018. Pour One, Martineau est en compagnie du quartet qu’il a créé en 2016 avec Robin Nicaise au saxophone ténor, Blaise Chevallier à la contrebasse et Fred Pasqua à la batterie. Martineau et Nicaise se partagent les huit titres de l’album, séparés par trois interludes finement ciselés.

La guitare et le ténor exposent à l’unisson des mélodies constituées de courts motifs vifs (« Phobos ») et recherchés (« Tarot »), tantôt néo-bop (« Like Fat Cats ») ou funky (« Actual Game »), tantôt paisibles (« Félix »), voire mystérieux (« Poison »). Les chorus de la guitare et du ténor se succèdent, tout en maitrise (« Phobos »), avec des phrases sinueuses (« Actual Game ») et fluides (« Like Fat Cats »). La guitare affiche souvent une espèce de nonchalance (« 9777 »), tandis que le ténor se montre volontiers intimiste (« Duke The Great »). La paire rythmique est marquée par une batterie charnelle (« Phobos ») et luxuriante (« Actual Game »), et une contrebasse grave (« 9777 ») qui maintient une carrure minimaliste, mais solide (« Poison »). Les rythmes sautent d’une walking et chabada (« Like Fat Cats ») à des accents sud-américains (« Poison »), en passant par des riffs dansants (« 9777 »), des ballades (« Félix »), des  touches funk (« Actual Game »)… Le quartet possède un son dense : sèche et mate, la batterie de Pasqua foisonne ; imposante, la contrebasse de Chevallier gronde ; plein et rond, le saxophone de Nicaise brode ses développements ; à la fois métallique et feutrée, la guitare de Martineau rappelle parfois Kurt Rosenwinkel.

Des thèmes concis, des lignes dissonantes, une rythmique entraînante et une sonorité franche : One s’inscrit parfaitement dans l’air du temps.

Le disque

One
Simon Martineau
Robin Nicaise (ts), Simon Martineau (g), Blaise Chevallier (b) et Fred Pasqua (d)
We See Music Records – WSMD006-18
Sortie en mars 2018

Liste des morceaux

01. « Phobos », Martineau (04:27).  
02. « 9777 », Nicaise (04:19).
03. « Interlude », Martineau (01:01).          
04. « Félix », Martineau (05:52).
05. « Actual Game », Nicaise (05:57).         
06. « Deimos », Martineau (01:49). 
07. « Tarot », Martineau (05:49).
08. « Poison », Nicaise (06:08).
09. « Thyroxine », Martineau (01:00).
10. « Like Fat Cats », Nicaise (03:49).          
11. « Duke, The Great », Nicaise (05:29).

02 septembre 2018

A la découverte de Samy Thiébault

Depuis Blues For Nel (2004), Samy Thiébault a sorti un disque quasiment tous les deux ans : Gaya Scienza, Upanishad Expériences, Clear Fire, Feast of Friends, Rebirth et Carribean Stories (en septembre 2018). En parallèle, le saxophoniste a créé son propres label : Gaya Music Production. Partons à la découverte de ce jazzman philosophe et prolifique…


La musique

Mon père, pianiste amateur, professeur de physique en lycée et baroudeur invétéré, rêvait d’être saxophoniste, il m’a donc mit un saxophone entre les mains le plus tôt qu’il a pu ! Et la greffe a bien marché ! J’ai découvert le jazz à l’âge de huit ans en écoutant les vinyles de mon père – Duke Ellington et Fats Navarro – et en les jouant d’oreille avec lui au piano et moi au saxophone…

Je suis resté dans la pratique amateur très longtemps. J’ai d’abord travaillé le classique, puis le jazz au sein du Big Band de mon conservatoire et des jam sessions auxquelles je me précipitais adolescent. Le niveau y était extraordinaire car dans le modeste Bassin d’Arcachon, où je vivais à l’époque, de magnifiques musiciens venaient jouer dans un club hors norme : une pizzeria tenue par un surfeur doux rêveur... On pouvait y entendre et jammer avec Alex Golino, Vincent Bourgeyx, Manuel Marchès, Frédéric Couderc, Jérôme Etchéberry… Les locaux de l’étape ! Mais aussi avec Mark Turner, Johnny Griffin, Yannick Rieu, Simon Goubert… et j’en passe !

Ensuite, je me suis installé à Paris pour terminer mes études de Philosophie, mais je me suis inscrit en parallèle à l’IACP. C’est une école incroyable, dirigée de manière passionnée par les frères Belmondo. J’y ai beaucoup appris. C’est à ce moment que j’ai décidé de tout abandonner pour me consacrer exclusivement à la musique. Puis je suis rentré au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris pour y vivre quatre belles années... En sortant, j’ai tout de suite enchaîné les disques et les concerts. Je suis passionné de travail et touche du bois pour que je puisse continuer de pouvoir satisfaire cet appétit !

Pendant mon apprentissage j’ai été influencé par un nombre incalculable de musiciens et plus j’avance, plus la liste s’étend, car je me nourris d’éléments de plus en plus divers… En vrac, je citerais John Coltrane, Cecilia Todd, Louis Armstrong, Sonny Rollins, Dexter Gordon, Maurice Ravel, The Doors, toutes les musiques traditionnelles du Maroc et de l’Afrique de l’ouest, le Merengue dans toutes ses formes, le Calypso, Mark Turner, Lester Young… mais, décidément, la liste est trop longue…



Cinq clés pour le jazz

Qu’est-ce que le jazz ?  La musique du peuple : généreuse, exigeante et novatrice !

Pourquoi la passion du jazz ? Il émeut, parle aux sens les plus profonds et nobles de notre humanité.

Où écouter du jazz ? Tous les moments sont bons dès lors qu’on est « entré en musique » : assis religieusement au premier rang, au bar d’un club en parlant avec sa voisine ou son voisin, au fin fond du chapiteau d’un grand festival… C’est la force de cette musique !

Comment découvrir le jazz ?  Il faut aller l’écouter en live et, surtout, oublier tout ce qu’on a pu vous en dire avant !

Une anecdote autour du jazz ? La genèse de cette musique qui est l’une des premières traces de l’invention Créole. La culture Créole est la première culture au monde à s’être auto engendrée. Elle s’est créée de toute pièce à partir du mélange d’autres cultures, dans un contexte de violence indéniable, mais donc aussi d’amour.


Le portrait chinois

Si j’étais un animal, je serais un serpent. C’est lui qui a rendu le plus grand service à l’humanité !
Si j’étais une fleur, je serais un lotus. J’en ai des mètres de tatouages !
Si j’étais un fruit, je serais de la passion, forcément !
Si j’étais une boisson, je serais une Caïpiroska,
Si j’étais un plat, je serais une pastilla au pigeon,
Si j’étais une lettre, je serais J. C’est l’initiale du prénom de notre fils…
Si j’étais un mot, je serais Amour,
Si j’étais un chiffre, je serais 0,
Si j’étais une couleur, je serais bleu,
Si j’étais une note, je n’en serais aucune… Les notes ne valent rien : c’est leur interprétation qui compte.


Les bonheurs et regrets musicaux

Me lever tous les matins en apprenant quelque chose de nouveau est ce qui me comble et je n’ai aucun regret : les erreurs sont des étapes aussi nécessaires que les moments d’harmonie… Seul le chemin compte.


Sur l’île déserte…

Quels disques ?  Il y en aurait trop à emmener, donc je n’en prendrais aucun ! La musique de ce qui m’entourera résumera tous les disques que j’aurais pu emporter…

Quels livres ? Un seul : L’Iliade et l’Odyssée. On peut le relire éternellement en y découvrant à chaque fois toute la magie de l’Humanité dans son entièreté.

Quels films ?  Mmhhh… A supposer que a batterie de mon lecteur DVD tienne suffisamment longtemps, je dirais : Interstellar de Christopher Nolan.

Quelles peintures ? Quel exil luxueux ! Je dirais des toiles de Pablo Picasso, pour son interrogation constante.

Quels loisirs ? Nager… Evidemment !


Les projets

J’ai beaucoup de projets ! Aujourd’hui, c’est de jouer mon nouveau répertoire : Caribbean Stories sort le 21 septembre et je veux que nous nous surprenions sur scène, le public et nous-même, les musiciens… La musique dont je me suis inspiré et que nous revisitons est d’une générosité et d’une modernité renversante. Pour la faire vivre de la manière la plus expressive et inventive possible, il faut une grande préparation en amont. Et c’est ce à quoi je m’attèle tous les jours... Dans quelques mois une autre surprise arrivera, dans une direction très différente, mais je préfère ne pas trop en dire pour le moment, chaque chose en son temps…


Trois vœux…

1. Que l’humanité découvre très bientôt la coopération plutôt que la lutte...
2. Que ceux et celles qui veulent la coopération gagnent la lutte ! 
3. « Omnia vincit amor et nos cedamus amori » (Virgile… et Sense8 ! Ah ! Ah !).


Des voyageurs au Triton…


Le 9 juin, Sébastien Texier et Christophe Marguet jouent au Triton pour le lancement de For Travellers Only, sorti chez Cristal Records le 6 avril.  François Thuillier, tuba, et Manu Codjia, guitare, se joignent au saxophoniste et au batteur pour former un quartet qui a mis près de vingt-cinq ans à mûrir... 


L’instrumentation, sans piano et avec le tuba dans le rôle de la contrebasse, donne une sonorité unique au quartet. Les deux leaders se partagent les dix compositions. La construction des morceaux – introduction / thème / solos / thème – s’inspire du be-bop et les développements piochent largement dans le free.


Le concert démarre avec le solennel « The Same But Different » : les cymbales crépitent, le tuba gronde, les accords de la guitare vibrent, puis Texier rejoint ses compères pour exposer le thème à l’unisson. Sur un accompagnement sobre et vif, le saxophone alto et la guitare partent ensuite dans des chorus néo-bop. Avec sa mélodie subtile sur des ostinatos, des contrepoints et des effets de réverbération, « Le jardin suspendu » est particulièrement élégant. Ambiance africaine pour « Hurry Up », porté par des riffs et des rim shot évocateurs… suivi d’un solo de Thuillier impressionnant de vivacité et d’ingéniosité, avec la voix qui se met de la partie, puis une conclusion explosive de Marguet, soutenu par ses compères.

Ballade à trois temps, « Peace Overture » est placée sous le signe de l’intimité : une batterie qui bruisse, un tuba économe, une guitare sinueuse et un alto pepperien. « Travellers » fait la part belle à des contrepoints énergiques, des phrases superposées et autres dialogues croisés… sur des lignes de walking et chabada, dans un esprit Third Stream. A la clarinette, Texier expose « Cinecitta », une jolie mélodie dans une veine klezmer qui permet au quartet de montrer sa maitrise du suspens. Au chorus envoûtant de la clarinette répond un solo de guitar hero tendu. Après cette évocation de l’Hollywood sur Tibre, les musiciens rendent hommage aux « Migrants ». L’air commence dans une atmosphère majestueuse, accentuée par le tuba dans les graves sur les chœurs onctueux de la guitare et de l’alto et les cliquetis délicats de la batterie, puis le morceau se transforme en une complainte violente, dans une ambiance free, parsemée de cris déchainés. Après une entame digne d’un rock débridé, « Next Door » prend une direction néo-bop pleine de swing.


« Eddie H », hommage au saxophoniste Eddie Harris et plus généralement aux musiciens noirs de Chicago, possède tous les ingrédients du funk : rythmique chaloupée, thème-riff efficace, accents bluesy, envolées de shouter, phrases en vagues, traits virtuoses… Le concert s’achève sur « Lilian’s Tears », une valse entraînante, intense et raffinée.


Le Sébastien Texier & Christophe Marguet Quartet propose une musique sans frontière, fusion de bop, free, funk, blues, folk… Un voyage captivant For Travellers Only, peut-être, mais à mettre entre toutes les oreilles !

Le disque

For Travellers Only
Sébastien Texier & Christophe Marguet Quartet
Sébastien Texier (as, cl), François Thuillier (Tu), Manu Codjia (g) et Christophe Marguet (d).
Cristal Records – CR260
Sortie le 6 avril 2018







Liste des morceaux

01. « The Next Door », Marguet (4:51).
02. « Cinecitta », Texier (6:24).
03. « The Same but Different », Marguet (6:51).
04. « Travellers », Texier (3:07).
05. « Peace Overtures », Marguet (4:38).
06. « Hurry Up », Texier (4:54).
07. « Migrants », Texier (5:10).
08. « Le Jardin Suspendu », Marguet (4:39).
09. « Lilian’s Tears », Texier (4:56).
10. « Eddie H », Marguet (5:42).

31 août 2018

Freddy Morezon au Studio de l’Ermitage


Le 7 juin 2018, Freddy Morezon s’installe au Studio de l’Ermitage pour une soirée avec trois groupes qui sortent trois albums sur trois labels : Airs de Moyenne Montagne de La Soustraction des Fleurs, chez Umlaut Records, Trois oiseaux de Sweetest Choice, chez Mr Morezon, et Tribute To An Imaginary Folk Band de Bedmakers, chez Babel Label

Né en 2002, le collectif toulousain Freddy Morezon regroupe désormais une quinzaine de musiciens autour d’une vingtaine de projets. Outre la production et la diffusion de créations musicales, Freddy Morezon organise également des concerts (le rendez-vous mensuel Freddy Taquine), des masters class, des ateliers musicaux… et, depuis 2006, il possède son propre label, Mr Morezon.


Airs de Moyenne Montagne
La Soustraction des Fleurs

Les violonistes Jean-François Vrod et Frédéric Aurier jouent ensemble depuis les années quatre-vingt-dix. En 2003, avec le percussionniste Sylvain Lemêtre, ils créent le trio La Soustraction des Fleurs. Le trio explore les musiques traditionnelles du Massif Central et d’ailleurs. En 2006 ils enregistrent un premier album éponyme pour Signature, le label de Radio France, suivi, en 2015, d’un deuxième opus : L’après de l’avant. Le dernier né, Airs de Moyenne Montagne, sorti en janvier 2018, est constitué de deux disques : « L’amont », qui reprend la musique composée pour Les Fêlés, spectacle créé en 2006 par la chorégraphe Cécile Magnien, et « L’aval », enregistré en 2017.

Pendant le concert, La Soustraction des Fleurs joue une partie des seize morceaux de « L’aval ». Toutes les compositions ont été écrites par le trio.


Dès les premières notes, les deux violons et le zarb s’emballent, avec la voix qui ajoute son grain de sel, dans un maelstrom rythmique contemporain, qui débouche bientôt sur une ritournelle aux consonances médiévales. Sur un zarb énergique, les violons se lancent ensuite, en contrepoints, dans un une tournerie folklorique pimentée de dissonances. La musique contemporaine revient sur le devant de la scène, avec des frottements, couinements, crissements, feulements… et autres effets des violons, suivis de lignes mélodico-rythmiques désarticulées, entre pizzicatos et archet, pour finir par un joli clin d’œil aux mélodies baroques. Une farandole, jouée tantôt à l’unisson, tantôt en contrechants, et portée par la pulsation dynamique du zarb, oscille entre danse et abstraction. La baie d’Audierne à marée basse (sic) est dépeinte par des violons préparés et la voix, qui rivalisent d’expressivité : grincements, souffles, sirènes, stridences, sifflements… tout à fait dans l’esprit de la musique concrète. Le zarb installe ensuite un rythme entraînant, quasi rituel, et le morceau devient sombre et majestueux. Après cet air maritime, les deux violons pastichent un air du Moyen-Age, que le zarb transforme en une danse entraînante, qui s’achève par des échanges déchaînés quasi-free… « Colindada » porte bien son nom : à partir d’un air de Noël joué en Picardie, le trio se lance dans des collages sonores improbables, dans lesquels la voix divague (« dit vague », comme dirait un compère d’Uzeste), les violons s’interpellent à qui mieux mieux et le zarb se déchaîne, avant que le trio ne conclue le concert sur une tournerie folklorique irrésistible…

Savants et populaires, joyeux et tristes, sophistiqués et dansants, ensoleillés et obscurs… les Airs de Moyenne Montagne présentent indubitablement deux versants : L’adret et L’ubac…

Le disque

Airs de Moyenne Montagne
La Soustraction des Fleurs
Jean François Vrod (vl, voc), Frédéric Aurier (vl, voc) et Sylvain Lemêtre (zarb, voc)
Umlaut Records – UMFR-CD2425
Sortie le 22 janvier 2018





Liste des morceaux

Disque 1 - Amont

01. « Aléas de Notice », Vrod (02:02).
02. « Dans 4 Temps à Table », Aurier & Lemêtre (02:41).
03. « En Forme De Gallinacé », Lemêtre (01:36).
04. « OA », Vrod (00:36).
05. « AE », Vrod & Lemêtre (01:11).
06. « Les Pleureurs », Vrod (02:42).
07. « Happy 14 Temps », Vrod (02:54).
08. « 2 Guitares » (02:44).
09. « Electrochoc », Vrod & Lemêtre (01:22).
10. « Obstiné Mais Clair », Aurier & Lemêtre (00:31).
11. « Obstiné Mais Indécis », Aurier & Lemêtre (00:48).
12. « Obstiné Mais Matinal », Aurier & Lemêtre (00:43).
13. « Obstiné Mais Sans Excès », Aurier & Lemêtre (00:37).
14. « Les Pleureurs 2 », Vrod & Lemêtre (02:19).
15. « Chose d'Importance », Vrod (02:07).
16. « Tango 2TX », Vrod, Aurier & Lemêtre (03:49).
17. « Last Dance, Last Chance », Vrod, Aurier (02:27).

Disque 2 – Aval

01. « La Mazurka du Bout du Quai », Vrod (01:55).
02. « Ou Sommes-Nous ? », Vrod (02:31).
03. « Echo de Ressort », Vrod, Aurier & Lemêtre  (01:53).
04. « Air de Moyenne Montagne en Automne », Vrod (03:12).
05. « Total Rebonds », Vrod, Aurier & Lemêtre (01:14).
06. « Post Milton », Vrod, Aurier & Lemêtre (02:53).
07. « Nez Bouché (Une Seule Narine) », Vrod, Aurier & Lemêtre (03:16).
08. « Rêve de Mouche », Vrod (03:44).
09. « Le Chasseur et le Rossignol », Vrod, Aurier & Lemêtre (04:05).
10. « La Racleuse », Vrod (03:52).
11. « Norsechretto », Vrod, Aurier & Lemêtre (00:46).
12. « Tréméoc », Vrod, Aurier & Lemêtre (04:14).
13. « Destins Parallèles », Vrod, Aurier & Lemêtre (00:52).
14. « Pour Un Roi Pacifique », Aurier (01:52).
15. « Scordature Trou D'Air », Vrod, Aurier & Lemêtre (01:34).
16. « Colindada », Vrod (01:42).



Trois oiseaux
Sweetest Choice

Le trompettiste Sébastien Cirotteau et le guitariste (à douze cordes) Benjamin Glibert forment un duo original : Sweetest Choice. Leur répertoire va de la musique médiévale à Luigi Nono (enfin pour l’instant…). Trois oiseaux, leur premier opus, sort le 7 juin. Pour le concert, le duo reprend sept des huit morceaux de l’album et joue deux inédits.


L’introduction mystérieuse de la trompette laisse place à une élégante mélodie de Maurice Ravel, « Trois beaux oiseaux du paradis », interprétée sur une basse continue qui alterne des riffs d’accords et des motifs arpégés. « La nuit froide et sombre » de Roland de Lassus est basée sur des échanges de contrepoints aux accents médiévaux. Le « Syrinx » de Claude Debussy oscille entre bossa nova, portée par les accords legato de la guitare, et musique contemporaine. Dans la bourrée II de la Suite n°1pour orchestre de Johann Sebastian Bach, la guitare prend une sonorité de luth pour répondre en contrechant à la trompette. Comme dans Trois oiseaux, le morceau se prolonge par un jeu de construction très moderne, « ¿ Donde estás hermano ? », signé Nono. Les échanges mélodico-rythmiques piquants se poursuivent  dans « Milonga para tres », le tango d’Astor Piazzolla. Après une alternance d’accords parcimonieux et de frappes sur la caisse de la guitare, soutenue par une pédale de la trompette, « Dans les bois sauvages », un air de musique ancienne anglaise, monte en tension et se transforme en une tournerie folklorique entraînante. Les dialogues soignés et les phrases solennelles de « Si la noche hace escura », du musicien sévillan de la Renaissance Francisco Guerrero, évoquent presque une chanson d’amour courtois. Le concert s’achève sur la célébrissime chanson interprétée par Mercedes Sosa, « Alfonsina y el mar », composée par Ariel Ramírez sur un texte de Félix Luna (en hommage à la poétesse Alfonsina Storni, qui s’est suicidée en 1938 en sautant d’un brise-lame). Cirotteau commence par réciter le poème avec émotion, puis le duo déroule le thème, empreint de mélancolie, avant de le développer dans une direction plus dansante, sur un rythme latino.

Clarté des timbres, netteté des phrasés, raffinement des constructions… la musique de Sweetest Choice impressionne par sa sobriété intime et distinguée.

Le disque

Trois Oiseaux
Sweetest Choice
Sébastien Cirotteau (tp) et Benjamin Glibert (g).
Mr Morezon 018
Sortie le 7 juin 2018








Liste des morceaux

01.  « Si la noche haze escura », Guerrero (3:29).
02.  « Syrinx », Debussy (3:35).
03.  « Milonga para tres », Piazzolla (6:12).
04.  « Trois beaux oiseaux du paradis », Ravel (3:42).
05.  « Der Leiermann (in Winterreise) », Schubert (3 52).
06.  « Bourrée 2 (in Suite n°1 pour orchestre) », Bach (1:14).
07.  « ¿ Donde estás hermano ? », Nono (5:55).
08.  « Alfonsina y el mar », Ramirez (6:28).


Tribute To An Imaginary Folk Band
Bedmakers

En 2016, Robin Fincker forme Bedmakers avec son compère de Whahay, le contrebassiste Fabien Duscombs, le violoniste Mathieu Werchowski et le batteur Pascal Niggenkemper. L’objectif du quartet est de relire la musique folk anglo-saxonne à leur manière.  

Le répertoire de Tribute To An Imaginary Folk Band, sorti en avril, s’articule autour de deux compositions du guitariste folk américain John Fahey, deux thèmes signés du guitariste écossais Bert Jansch et trois airs traditionnels irlandais ou écossais. Pour le concert, Dave Kane remplace Niggenkemper et le quartet joue cinq morceaux tirés du disque.


La plupart des morceaux alternent passages contemporains, dans un style musique concrète, dialogues chantants et escapades free. Le violon grince, crisse et gémit, pendant que la contrebasse vrombit, gronde et ronfle, tandis que la batterie bruisse, cliquette et foisonne, et que le saxophone ténor claque, souffle et rugit. Fincker lance ensuite des bribes de phrase qui débouchent sur une tournerie furieuse, reprise de plus belle à l’unisson ou à contre-chant par Werchowski, soutenus par les riffs vigoureux de Kane et les frappes puissantes de Duscombs. L’auditeur est irrémédiablement emporté par ce tsunami de rythmes et de mélodies d’une expressivité intense. D’autant plus que Bedmakers gère la tension et le suspens avec maestria.

Avec son jeu varié, nerveux, vif et touffu, Duscombs maintient la pression du début à la fin. Kane possède une belle sonorité ronde, grave et boisée. Ses ostinatos, pédales et autres lignes denses donnent de la gravité aux propos du quartet. Volontiers débridé, Werchowski apporte une touche originale à la palette sonore de Bedmakers. Son archet s’enflamme souvent dans des tuttis effrénés, des allers-retours violents et un jeu particulièrement démonstratif. Quant à Fincker, son gros son au saxophone ténor, parfois couplé à un vibrato profond, la virtuosité de son phrasé, l’aisance de ses articulations et la cohérence de ses développements rappellent Sonny Rollins et John Coltrane. Les idées fusent : d’une ritournelle digne d’un fest-noz à de la musique de chambre contemporaine, en passant des traits be-bop, des jeux acousmatiques et des envolées free… Même clarté à la clarinette et toujours autant de classe !

Fincker et ses compagnons prennent le jazz à la lettre : épris de liberté, ils abolissent les frontières entre musiques populaires et musiques savantes… Les airs folks ou celtiques passés à la moulinette de Bedmakers deviennent un cocktail explosif et jubilatoire !

Le disque

Tribute to an Imaginary Folk Band
Bedmakers
Robin Fincker (ts, cl), Mathieu Werchowski (vl), Pascal Niggenkemper (b) et Fabien Duscombs (d).
Mr Morezon 017 & Babel Label
Sortie le 4 avril 2018





Liste des morceaux

01. « Dying Bedmaker Suite », Fahey (08:37).
02. « The Gardener », Jansch (05:15).
03. « Mac Crimmon's Lament », traditionnel Ecosse (07:32).
04. « Princess Beatrice », traditionnel Ecosse (08:03).
05. « The Road to Lisdoonvarna », traditionnel Irlande (03:38).
06. « Smokey River », Jansch (07:58).
07. « Some Summer Day », Fahey (03:39).

11 juillet 2018

A la découverte de Thomas Bramerie


Le contrebassiste Thomas Bramerie est un hyperactif de la scène française – Olivier Hutman, André Ceccarelli, Laurent de Wilde, Pierrick Pedron, Julien Loureau et beaucoup d’autres ! – et de la scène newyorkaise – Dee Dee Bridgewater, David Sanchez, Jacky Terrasson, Jean-Michel Pilc... Après trente ans de carrière et plus d’une centaine de disques en sideman, Bramerie vient de sortie Side Stories, son premier album en leader, l’occasion de partir à sa découverte…


La musique

J’ai découvert le jazz dès mon enfance, à la maison, grâce à la discographie de mon père. J’ai d’abord étudié la guitare pendant plusieurs années dans une école de musique. Comme l'orchestre avait besoin d'un bassiste, je me suis mis à la basse électrique… un peu malgré moi ! Mais j’étais attiré par le jazz acoustique, donc je me suis procuré une contrebasse…. C’est à se demander parfois si ce n'est pas l'instrument qui choisit le musicien !

Jusqu’à dix-huit ans, j’ai d’abord été élève du guitariste Tony Petrucciani à l'école cantonale de musique de Solliès-Toucas, créée par Yvan Belmondo. J’ai ensuite pris des cours particuliers avec Jean Paul Florens, à Marseille, puis des leçons de contrebasse classique avec Jean-Bernard Rière. A partir de là, le reste de mon apprentissage de la musique de Jazz s'est fait en jouant avec de nombreux musiciens expérimentés.

Mes influences principales sont avant tout les quintets de Miles Davis et le trio Herbie HancockRon CarterTony Williams. Aujourd’hui, je suis inspiré par des trios comme ceux de Christian McBride, Brad Mehldau ou Avishai Cohen, entre autres...




Cinq clés pour le jazz

Qu’est-ce que le jazz ?  Le jazz est toute la musique jouée par les jazzmen... Un jazzman est un musicien qui a été – et sera toujours – amoureux de chaque note jouée par Louis Armstrong, Lester Young, Duke Ellington, Django Reinhardt, Thelonious Monk, Charlie Parker, Kenny Clarke, Ray Brown, Davis, John Coltrane, Lee Konitz, Hancock, Carter, Chet Baker, René Urtreger, Jack Dejohnette, Alain Jean-Marie, Joe Lovano, Stéphane Belmondo, Brad Mehldau, Ricardo Del Fra, Mark Turner et des milliers d’autres ! Toutes les notes jouées par les musiciens animés d’un tel amour passionné sont du jazz... Les musiciens de jazz se reconnaissent entre eux, tandis que l’appréciation du jazz par le public et la presse ne correspond pas toujours à celle des jazzmen.

Pourquoi la passion du jazz ? Un des aspects du jazz les plus stimulants pour moi en particulier, et pour les jazzmen en général, est l’interaction entre les musiciens, l’improvisation, et donc la création de la musique dans l’instant, au moment présent. Un morceau de jazz ne peut pas être répété deux fois ! Chaque interprétation d’un même morceau est un nouveau morceau de musique... J’ai écrit des textes sur le sujet dans le livret de mon disque, Side Stories.

Où écouter du jazz ? Une des meilleures façons d’apprécier le jazz est d’aller écouter des concerts. Aller écouter les musiciens jouer cette musique sur scène, au plus proche si possible. Les clubs de jazz sont les lieux idéaux pour ça, pour essayer de percevoir au mieux l’énergie qui circule entre les musiciens lorsqu’ils jouent du jazz...

Comment découvrir le jazz ?  On découvre souvent le jazz quand on a été accroché par une mélodie, un groove, un tempo, un son d’orchestre particulier ou une interprétation… Ella Fitzgerald – ou Cecil McLorin Salvant aujourd’hui – , le Count Basie Big Band – ou le Lincoln Center Orchestra aujourd’hui –, les trios d’Oscar Peterson et d’Ahmad Jamal – ou de Brad Mehldau – ont le pouvoir d’interpeller nos sens... A partir de là, il est intéressant de prendre conscience de ce qui nous a plu et écouter les disques en cherchant les harmonies du pianiste derrière la chanteuse, le groove du bassiste et du batteur derrière le swing du Big Band, la cohésion des trois musiciens derrière le son du trio… Après cette écoute, on peut aller découvrir cette magie dans d’autres orchestres, même si, a priori, ils ne nous avaient pas plu... Le goût n’est pas inné : comme pour la cuisine, la peinture et toute autre expression culturelle, le jazz demande une certaine initiation. Cela dit, personne n’est obligé d’aimer le jazz !

Une anecdote autour du jazz ?  Lors des séances d’enregistrement avec Davis, si l’un des musiciens du groupe n’était pas satisfait de ce qu’il avait joué et le disait, le trompettiste lui répondait : « you played it! » (tu l’as jouée !). Autrement dit, si tu ne voulais pas jouer ces notes, il suffisait de ne pas les jouer au moment de la prise... Et si tu étais à 100% dans ce que tu jouais, tu ne regretterais aucune de tes notes !


Le portrait chinois

Si j’étais un animal, je serais, une cigale,
Si j’étais une fleur, je serais un coquelicot,
Si j’étais un fruit, je serais une figue,
Si j’étais une boisson, je serais une mauresque,
Si j’étais un plat, je serais un cassoulet,
Si j’étais une lettre, je serais X,
Si j’étais un mot, je serais Peuchère !
Si j’étais un chiffre, je serais 9,
Si j’étais une couleur, je serais vert,
Si j’étais une note, je serais bleue,


Les bonheurs et regrets musicaux

Après trente ans de carrière, je suis heureux d'être un musicien toujours actif auprès de musiciens de premier plan… et de n’avoir aucun regret !


Sur l’île déserte…

Quels disques ? N'importe quel disque de Davis de sa période entre 1956 et 1961 !

Quels livres ? N'importe quel livre de Jiddu Krishnamurti.

Quels films ? N'importe quel film que je n'ai pas encore vu... à condition qu’il soit de Woody Allen !

Quelles peintures ? N'importe quel tableau de Johannes Vermeer.

Quels loisirs ? La pétanque... et une mauresque !




Les projets

Mon projet d'aujourd'hui : je viens de sortir mon premier disque en leader, Side Stories, chez Jazz Eleven, et j'espère pouvoir tourner avec le trio, composé de Carl-Henri Morisset au piano et Elie Martin-Charrière à la batterie.

Par ailleurs je fais aussi partie, entre autres, des formations de Pierrick Pédron, Stéphane Belmondo, Bojan Z, Jacky Terrasson... Une prochaine collaboration avec Eric Legnini est également prévue.

Sinon, je compte aussi enregistrer un disque de chansons Occitanes avec la chanteuse Miquela, ma mère, et le guitariste Emile Bramerie, mon fils...


Trois vœux…

Qu’une grande majorité d’entre nous commence à voir les choses comme elles sont, et non comme nous les imaginons.

Qu’une grande majorité d’entre nous commence à apprécier ce que nous avons, plutôt que désirer ce que nous n’avons pas.

Que mes deux premiers vœux se réalisent, de manière à ce que des questions comme « Quels sont vos trois vœux ? » deviennent ineptes...