Akasha – éther en
sanskrit – c’est le cinquième élément… Pour Yves Rousseau et son quartet, c’est le troisième disque… après Fées et Gestes (2000) et Sarsara (2005). Programme créé en 2012
au Centre des Arts d’Enghien les bains sur des images du vidéaste Patrick Volve, Akasha a été enregistré en 2014 à la Fabrique de Malakoff et sort
chez Abalone en février 2015. Le quartet fête la sortie du disque le 20
décembre au Triton.
Le quartet de Rousseau repose sur une instrumentation peu
courante : le violon de Régis Huby,
les saxophones soprano et alto de Jean-Marc
Larché et la batterie de ChristopheMarguet. Le quartet joue l’intégrale du répertoire d’Akasha. Les cinq morceaux sont signés Rousseau et reprennent l’un
des éléments de la philosophie naturelle : « L’Eau » (trois
mouvements), « La Terre » (un mouvement dérivé de
« Nyamaha », composé dans les années 2000 pour le théâtre), « Le
Feu » (deux mouvements) et « L’Air » (deux mouvements). Rousseau
ajoute également « L’Ether » qui, dans certaines philosophies
indiennes, est un élément supplémentaire caractérisé par le son… En dehors de
« L’Ether », centré sur le quartet, chaque élément est associé à un
soliste : « L’Eau » et le violon, « La Terre » et la
contrebasse, « Le Feu » et le saxophone, « L’Air » et la
batterie. Pendant le concert, Rousseau dédie « L’Air » au guitariste Mimi Lorenzini, décédé le 12 décembre.
Des courtes phrases vives et heurtées fusent en zigzag.
Exposées à l’unisson, elles servent de mélodies-prétextes. Des motifs sourds et
une sonorité vigoureuse d’un côté, un jeu puissant et luxuriant de
l’autre : la rythmique gronde. Des couches harmoniques, mises en place par
le violon électrifié, forment un fond dense et aérien. Le saxophone – soprano
(coudé) ou alto – joint sa voix claire et nette aux chœurs ou s’aventure
en solo, avec un sens de la mélodie frappant. Le concert – davantage d’espace
pour les solistes – et le disque – une mise en son plus léchée – sont très
proches, sans doute parce qu’Akasha a
la forme d’une suite en cinq mouvements (sans ordre préconçu).
« L’Eau » commence par une note en ostinato, la
goutte, enregistrée par le violon et répétée en boucle. Le thème, moderne et
tendu, est d’abord énoncé à l’unisson, sur l’ostinato lancinant. La contrebasse
et la batterie poursuivent dans un registre charnel, puissant et lourd, tandis
que le violon profite de sa sonorité chargée d’électricité pour fait un détour sur
les terres du « rock progressif ». La deuxième partie de « L’Eau »
démarre avec un morceau de bravoure d’Huby, qui joue un solo a capella dans la plus
pure tradition des contrepoints baroques. Le troisième mouvement du morceau
repose sur une tournerie assourdie de la contrebasse et des roulements mats et vifs
de la batterie, sur lesquels le violon et le saxophone dialoguent dans une
veine contemporaine, impressionniste.
« Le Feu » reste dans le même esprit que « L’Eau » :
un unisson heurté pour exposer le thème, suivi d’une section rythmique qui
installe un climat rock, tandis que le violon et le soprano restent davantage
dans une ambiance contemporaine. L’impression se confirme avec le solo du
soprano, d’une limpidité sophistiquée, sur un accompagnement dissonant et
mystérieux du violon, un rif tendu de la contrebasse et des frappes nerveuses de
la batterie. La tension est au rendez-vous !
Avec « La Terre », le quartet change de ton :
Rousseau introduit le morceau avec un chant mélodieux, empreint de gravité. Les
balais de Marguet et l’alto de Larché s’insinuent majestueusement dans le
discours de la contrebasse, tandis qu’Huby bourdonne discrètement. La conversation
du quartet dégage beaucoup de force et de dignité.
« L’Air » marque un retour à la construction et à
l’environnement des morceaux « L’Eau » et « Le Feu » :
unissons, contre-chants, motifs entêtants, effets électro, contrastes sonores, rythmique
touffue et entraînante… qui s’amplifient progressivement pour atteindre un
paroxysme de tension, très rock, accentué par une batterie tellurique !
Le concert s’achève sur « Ether » : après les
cris du soprano qui se détachent sur les cliquetis de la batterie, la ligne
minimaliste de la contrebasse et la nappe électro du violon, le mouvement se
poursuit sur une mélodie élégante jouée en douceur par Larché sur un trio
apaisé…
Akasha porte bien
son nom et combine aussi bien des éléments philosophiques – eau, terre, feu,
éther et air – que musicaux – musique contemporaine, rock progressif et jazz –
avec une finesse d’écriture et une subtilité de jeu exceptionnelles
Le disque
Akasha
Yves Rousseau 4tet
Régis Huby (v), Jean-Marc Larché (as, ss), Yves Rousseau (b)
et Christophe Marguet (d, perc).
Abalone – AB018
Sortie en février 2015
Liste des morceaux
01. « L’Eau
– Part I » (6:42).
02. « L’Eau
– Part II » (4:43).
03. « L’Eau
– Part III » (4:03).
04. « La
Terre » (6:31).
05. « Le
Feu – Part I » (2:53).
06. « Le
Feu – Part II » (9:41).
07. « Ether
» (4:46).
08. « L’Air
– Part I » (8:41).
09. « L’Air
– Part II » (7:07).
Tous les morceaux sont signés Rousseau.