Vendredi 2 octobre 2015,
à l’occasion de la sortie de leur disque chez Abalone, Yves Rousseau et son
Wanderer Septet se produisent au Théâtre 71 de Malakoff. Outre la sortie du
disque, le concert donne également l’occasion à Rousseau, après deux ans de
résidence au Théâtre 71, de passer le témoin à Régis Huby.
Le Théâtre 71 est né en 1971… C’est à Guy Kayat et Claire-Lise
Charbonnier que revient l’honneur de tenir les premières rênes du théâtre.
Après le décès de Kayat, en 1983, Pierre
Ascaride prend la suite et, en 1992, il étend le champ d’action du Théâtre
71 avec l’ouverture du cinéma Marcel Pagnol. En 2011, Ascaride passe la main à Pierre-François Roussillon. Musicien professionnel
pendant plus de vingt ans, Roussillon change d’orientation dans les années 2000
et embrasse une carrière de direction culturelle : le Trident, la Scène
Nationale de Cherbourg Octeville, la Maison de la Culture de Bourges et le Théâtre
71. Outre la grande salle de plus de cinq cent places, le Théâtre 71 abrite
également un bar avec une scène, une salle de cinéma de près de deux cent
places et à quelques encablures, la Fabrique, une salle de répétition.
Le Wanderer Septet est composé de deux compagnons de route
de longue date de Rousseau : le violoniste Huby – également producteur du
disque – et le saxophoniste Jean-Marc
Larché. Le chanteur Thierry Péala,
le pianiste Edouard Ferlet et le
percussionniste Xavier Desandre Navarre
complètent le groupe. Quant au septième homme, ce n’est autre que Roussillon,
qui a ré-embouché sa clarinette basse pour l’occasion. Il faut dire que
Roussillon est le co-instigateur de ce projet né en 2011, autour d’une
relecture du répertoire de Franz Schubert.
Le programme concocté par Rousseau se déroule en six tableaux,
constitués d’un à quatre mouvements. Chacun des mouvements fait référence à des
compositions de Schubert : Wanderer I parcourt le lied « Gute
Nacht » (le premier du cycle du Voyage d’hiver, D. 911) et l’allegretto pour piano en do mineur (D.
915) ; Wanderer II s’articule autour du scherzo du quintette pour deux
violoncelles (D. 956), du lied « Am Bach im frühling » (D. 361) et de
La Truite (D. 667 et D. 550) ; Wanderer III part de la symphonie
« inachevée » (D. 759) et de la première impromptu pour piano (D.
899) ; Wanderer IV joue avec « Der Leiermann », « Le joueur
de vielle » (dernier lied du Voyage d’hiver, D. 911) ; Wanderer V
fait allusion à l’andante con moto du second trio pour piano, violon et
violoncelle (D. 929) ; Wanderer VI se concentre sur « La jeune fille
et la mort » (D. 810) et s’achève sur « Le Roi des Aulnes » (D.
328).
Sur les pédales (Wanderer I), les ostinatos (Wanderer IV),
les running basses (Wanderer VI) ou les fourmillements de la section rythmique,
les instruments alternent unissons, croisements de voix, contrepoints, chœurs et
questions – réponses (Wanderer II). Avec sa forme soignée, autour des chorus de
la contrebasse, du soprano et de la batterie, Wanderer VI prend des allures de
concerto. La structure de la musique est plutôt verticale qu’horizontale,
davantage baroque que romantique (Wanderer II) avec, bien sûr, des excursions
du côté de la musique contemporaine (Wanderer IV) et, toujours, le free en
filigrane (Wanderer I). Comme à son habitude, Rousseau est bavard. Il commente
les morceaux avec humour, précision et une bonne humeur contagieuse. Comme
« Le joueur de vielle » est joué dans une ambiance presque ska,
Rousseau constate en riant : « pauvre Schubert, se disent
certains… ». Si la contrebasse de Rousseau, grave et robuste, est la
colonne vertébrale du septuor, la batterie en est le cœur : en plus de
faire le spectacle, Desandre Navarre utilise des percussions en tous genres (du
tube en plastique à la guimbarde, en passant par un triangle, un sac en
plastique…) et assure une pulsation de tous les instants. Le piano de Ferlet joue
un rôle particulier : Schubert oblige, il accompagne les lieder, mais il
renforce également les riffs de la section rythmique, s’amuse dans les cordes,
cavale sur la running basse, souligne les textes… En solo ou en section, Huby,
Larché et Roussillon baladent leurs instruments d’une construction à l’autre : ils
les éclairent de leurs traits mélodieux ou dissonants, discrets ou foisonnants,
jazzy ou chambristes. Quant à Péala, il déclame, théâtral, mais juste, les
textes sur la vie et la mort de Schubert, tirés de sa correspondance ou écrits
par le chanteur. Ses vocalises se marient parfaitement aux volutes des autres
instruments. Quant à ses lieder, ils ont une pointe précieuse qui leur donne un
côté musique contemporaine.
Le disque n’a certes pas le charme du concert : il
manque les mimiques, regards, sourires, commentaires et, bien entendu, ce
grain, cette vague de notes et son écume sonore, qui déferle dans les oreilles…
En revanche, l’équilibre des voix, la netteté de la prise du son et le recul que
procure l’enregistrement, mettent en valeur la subtilité de l’écriture et la
pureté des discours. Le disque permet également une écoute exclusive et la
possibilité de réécouter la musique à loisir…
Conclusion : allez voir le Wanderer Septet sur scène et
écoutez le disque à satiété ! Avec Wanderer
Septet (et Akasha) Rousseau s’impose
comme le chef d’une file qui puise dans Schubert, mais aussi dans Duke Ellington, Johann Sebastian Bach, le free, le Moyen-Orient…