13 octobre 2015

Le Wanderer Septet au Théâtre 71

Vendredi 2 octobre 2015, à l’occasion de la sortie de leur disque chez Abalone, Yves Rousseau et son Wanderer Septet se produisent au Théâtre 71 de Malakoff. Outre la sortie du disque, le concert donne également l’occasion à Rousseau, après deux ans de résidence au Théâtre 71, de passer le témoin à Régis Huby.

Le Théâtre 71 est né en 1971… C’est à Guy Kayat et Claire-Lise Charbonnier que revient l’honneur de tenir les premières rênes du théâtre. Après le décès de Kayat, en 1983, Pierre Ascaride prend la suite et, en 1992, il étend le champ d’action du Théâtre 71 avec l’ouverture du cinéma Marcel Pagnol. En 2011, Ascaride passe la main à Pierre-François Roussillon. Musicien professionnel pendant plus de vingt ans, Roussillon change d’orientation dans les années 2000 et embrasse une carrière de direction culturelle : le Trident, la Scène Nationale de Cherbourg Octeville, la Maison de la Culture de Bourges et le Théâtre 71. Outre la grande salle de plus de cinq cent places, le Théâtre 71 abrite également un bar avec une scène, une salle de cinéma de près de deux cent places et à quelques encablures, la Fabrique, une salle de répétition.


Le Wanderer Septet est composé de deux compagnons de route de longue date de Rousseau : le violoniste Huby – également producteur du disque – et le saxophoniste Jean-Marc Larché. Le chanteur Thierry Péala, le pianiste Edouard Ferlet et le percussionniste Xavier Desandre Navarre complètent le groupe. Quant au septième homme, ce n’est autre que Roussillon, qui a ré-embouché sa clarinette basse pour l’occasion. Il faut dire que Roussillon est le co-instigateur de ce projet né en 2011, autour d’une relecture du répertoire de Franz Schubert.

Le programme concocté par Rousseau se déroule en six tableaux, constitués d’un à quatre mouvements. Chacun des mouvements fait référence à des compositions de Schubert : Wanderer I parcourt le lied « Gute Nacht » (le premier du cycle du Voyage d’hiver, D. 911) et  l’allegretto pour piano en do mineur (D. 915) ; Wanderer II s’articule autour du scherzo du quintette pour deux violoncelles (D. 956), du lied « Am Bach im frühling » (D. 361) et de La Truite (D. 667 et D. 550) ; Wanderer III part de la symphonie « inachevée » (D. 759) et de la première impromptu pour piano (D. 899) ; Wanderer IV joue avec « Der Leiermann », « Le joueur de vielle » (dernier lied du Voyage d’hiver, D. 911) ; Wanderer V fait allusion à l’andante con moto du second trio pour piano, violon et violoncelle (D. 929) ; Wanderer VI se concentre sur « La jeune fille et la mort » (D. 810) et s’achève sur « Le Roi des Aulnes » (D. 328).


Sur les pédales (Wanderer I), les ostinatos (Wanderer IV), les running basses (Wanderer VI) ou les fourmillements de la section rythmique, les instruments alternent unissons, croisements de voix, contrepoints, chœurs et questions – réponses (Wanderer II). Avec sa forme soignée, autour des chorus de la contrebasse, du soprano et de la batterie, Wanderer VI prend des allures de concerto. La structure de la musique est plutôt verticale qu’horizontale, davantage baroque que romantique (Wanderer II) avec, bien sûr, des excursions du côté de la musique contemporaine (Wanderer IV) et, toujours, le free en filigrane (Wanderer I). Comme à son habitude, Rousseau est bavard. Il commente les morceaux avec humour, précision et une bonne humeur contagieuse. Comme « Le joueur de vielle » est joué dans une ambiance presque ska, Rousseau constate en riant : « pauvre Schubert, se disent certains… ». Si la contrebasse de Rousseau, grave et robuste, est la colonne vertébrale du septuor, la batterie en est le cœur : en plus de faire le spectacle, Desandre Navarre utilise des percussions en tous genres (du tube en plastique à la guimbarde, en passant par un triangle, un sac en plastique…) et assure une pulsation de tous les instants. Le piano de Ferlet joue un rôle particulier : Schubert oblige, il accompagne les lieder, mais il renforce également les riffs de la section rythmique, s’amuse dans les cordes, cavale sur la running basse, souligne les textes… En solo ou en section, Huby, Larché et Roussillon baladent leurs instruments d’une construction à l’autre : ils les éclairent de leurs traits mélodieux ou dissonants, discrets ou foisonnants, jazzy ou chambristes. Quant à Péala, il déclame, théâtral, mais juste, les textes sur la vie et la mort de Schubert, tirés de sa correspondance ou écrits par le chanteur. Ses vocalises se marient parfaitement aux volutes des autres instruments. Quant à ses lieder, ils ont une pointe précieuse qui leur donne un côté musique contemporaine.

Le disque n’a certes pas le charme du concert : il manque les mimiques, regards, sourires, commentaires et, bien entendu, ce grain, cette vague de notes et son écume sonore, qui déferle dans les oreilles… En revanche, l’équilibre des voix, la netteté de la prise du son et le recul que procure l’enregistrement, mettent en valeur la subtilité de l’écriture et la pureté des discours. Le disque permet également une écoute exclusive et la possibilité de réécouter la musique à loisir…

Conclusion : allez voir le Wanderer Septet sur scène et écoutez le disque à satiété ! Avec Wanderer Septet (et Akasha) Rousseau s’impose comme le chef d’une file qui puise dans Schubert, mais aussi dans Duke Ellington, Johann Sebastian Bach, le free, le Moyen-Orient…