Membre de The Very
Big Experimental Toubifri Orchestra, musicienne apparentée au Grolektif, connue
pour son duo orTie avec Grégoire Gensse et son spectacle en solo, la
clarinettiste Elodie Pasquier a formé un quintet en 2016 : Mona.
Le 7 septembre, Mona sort un disque éponyme sur le label
Laborie. Le concert de lancement a lieu au Studio de l’Ermitage. Pasquier s’est
entourée de musiciens venus d’horizons divers : Romain Dugelay (animateur clé du Grolektif) aux saxophones alto et
baryton, Fred Roudet (Le chant des
possibles) à la trompette et au bugle,
Hilmar Jensson (AlasNoAxis, Tyft Trio…) à la guitare et Teun Verbruggen (Jeff Neve Trio, Flat
Earth Society…) à la batterie.
Pasquier a composé l’ensemble du répertoire de Mona et le concert reprend les morceaux
du disque, plus « Gatito », une composition d’orTie, en bis.
Le concert démarre sur les volutes élégantes de la
clarinette basse a capella, qui débouchent sur une mélodie aux accents
nostalgiques. Le foisonnement des cymbales et les contre-chants de la trompette
et du saxophone baryton contrastent avec le riff tranquille de la guitare et
les phrases sinueuses de la clarinette. Puis, sur une rythmique aux tournures
funky et bluesy, « Luz » s’emballe, jusqu’au chorus véloce de Verbruggen. Le rock s’invite dans « Like a Melted
Cheese » : une batterie puissante, des bruitages électro orchestrés
par le saxophone baryton et des motifs impétueux de la guitare. La trompette et
la clarinette dialoguent à qui mieux mieux. A ce « free rock alternatif »
succède un passage minimaliste qui évoque quasiment la bande son d’un film de
science-fiction. « Like a Summer Sky » prolonge cette ambiance cinématographique : les effets spatiaux de Dugelay complètent les lignes
aériennes de Jensson et le jeu tout en souplesse de Verbruggen. Avec sa
clarinette soprano Pasquier s’aventure
subtilement dans le monde de la musique classique. Sur des grésillements,
bourdonnements et autres crépitements électriques, le morceau s'oriente ensuite
vers la musique concrète. Techniques étendues, phrases tranchantes, riffs
acérés, dialogues à bâton rompu… poussent le morceau vers la musique
contemporaine, avec, toujours, une pulsation rythmique solide.
Chaque morceau est constitué de plusieurs tableaux.
« Sexy » ne fait pas exception : après un démarrage intimiste, avec un unisson de la clarinette et de la trompette, des accords en suspension
de la guitare, puis des échanges en contrepoints, le quintet part dans un
profusion de bruitages à base de cliquetis de la batterie, effets de
souffles dans les embouchures, jeux rythmiques sur les touches, stridences…
S’ensuit un motif entraînant de la guitare, sur lequel Roudet prend un chorus
captivant, que poursuit Pasquier avec autant d’inspiration. Dans « Petit poney » Verbruggen plante un décor
binaire puissant, renforcé par une pédale du saxophone alto de Dugelay. Le
groupe s’envole dans un free tumultueux, marqué par le rock progressif. A
cette furie de notes succède un minimalisme ingénieux... Sur un motif lointain de la guitare, une batterie
majestueuse et des effets d’orgue en arrière-plan, « The Little Ducks of the
Night » prend des allures de requiem, accentuées par les lignes solennelles de
Roudet.
En bis, sur « Gatito », Pasquier et ses acolytes s’expriment en toute liberté dans une profusion de
propositions : questions – réponses, rebondissements, échanges de phrases,
contre-chants… sans jamais se départir d’un balancement rythmique entraînant.
La trompette expose et déroule le thème avec beaucoup de sentiment, bientôt
rejoint par Pasquier, pour un développement émouvant.
Mona est cohérente
de bout en bout et s’écoute comme une suite, bâtie autour de sept morceaux, eux-mêmes
subdivisés en mouvements. L’approche musicale de Pasquier et de son quintet est,
certes, sophistiquée – organisation des voix, constructions sonores, structure
harmonique… –, mais elle garde toujours cette vitalité rythmique propre au jazz,
et une intensité émotive qui la rend particulièrement attachante.