26 septembre 2017

Mona à l’Ermitage

Membre de The Very Big Experimental Toubifri Orchestra, musicienne apparentée au Grolektif, connue pour son duo orTie avec Grégoire Gensse et son spectacle en solo, la clarinettiste Elodie Pasquier a formé un quintet en 2016 : Mona.

Le 7 septembre, Mona sort un disque éponyme sur le label Laborie. Le concert de lancement a lieu au Studio de l’Ermitage. Pasquier s’est entourée de musiciens venus d’horizons divers : Romain Dugelay (animateur clé du Grolektif) aux saxophones alto et baryton, Fred Roudet (Le chant des possibles) à la trompette et au bugle, Hilmar Jensson (AlasNoAxis, Tyft Trio…) à la guitare et Teun Verbruggen (Jeff Neve Trio, Flat Earth Society…) à la batterie.


Pasquier a composé l’ensemble du répertoire de Mona et le concert reprend les morceaux du disque, plus « Gatito », une composition d’orTie, en bis.

Le concert démarre sur les volutes élégantes de la clarinette basse a capella, qui débouchent sur une mélodie aux accents nostalgiques. Le foisonnement des cymbales et les contre-chants de la trompette et du saxophone baryton contrastent avec le riff tranquille de la guitare et les phrases sinueuses de la clarinette. Puis, sur une rythmique aux tournures funky et bluesy, « Luz » s’emballe, jusqu’au chorus véloce de Verbruggen. Le rock s’invite dans « Like a Melted Cheese » : une batterie puissante, des bruitages électro orchestrés par le saxophone baryton et des motifs impétueux de la guitare. La trompette et la clarinette dialoguent à qui mieux mieux. A ce « free rock alternatif » succède un passage minimaliste qui évoque quasiment la bande son d’un film de science-fiction. « Like a Summer Sky » prolonge cette ambiance cinématographique : les effets spatiaux de Dugelay complètent les lignes aériennes de Jensson et le jeu tout en souplesse de Verbruggen. Avec sa clarinette soprano  Pasquier s’aventure subtilement dans le monde de la musique classique. Sur des grésillements, bourdonnements et autres crépitements électriques, le morceau s'oriente ensuite vers la musique concrète. Techniques étendues, phrases tranchantes, riffs acérés, dialogues à bâton rompu… poussent le morceau vers la musique contemporaine, avec, toujours, une pulsation rythmique solide.

Chaque morceau est constitué de plusieurs tableaux. « Sexy » ne fait pas exception : après un démarrage intimiste, avec un unisson de la clarinette et de la trompette, des accords en suspension de la guitare, puis des échanges en contrepoints, le quintet part dans un profusion de bruitages à base de cliquetis de la batterie, effets de souffles dans les embouchures, jeux rythmiques sur les touches, stridences… S’ensuit un motif entraînant de la guitare, sur lequel Roudet prend un chorus captivant, que poursuit Pasquier avec autant d’inspiration. Dans « Petit poney » Verbruggen plante un décor binaire puissant, renforcé par une pédale du saxophone alto de Dugelay. Le groupe s’envole dans un free tumultueux, marqué par le rock progressif. A cette furie de notes succède un minimalisme ingénieux... Sur un motif lointain de la guitare, une batterie majestueuse et des effets d’orgue en arrière-plan, « The Little Ducks of the Night » prend des allures de requiem, accentuées par les lignes solennelles de Roudet.

En bis, sur « Gatito », Pasquier et ses acolytes s’expriment en toute liberté dans une profusion de propositions : questions – réponses, rebondissements, échanges de phrases, contre-chants… sans jamais se départir d’un balancement rythmique entraînant. La trompette expose et déroule le thème avec beaucoup de sentiment, bientôt rejoint par Pasquier, pour un développement émouvant.

Mona est cohérente de bout en bout et s’écoute comme une suite, bâtie autour de sept morceaux, eux-mêmes subdivisés en mouvements. L’approche musicale de Pasquier et de son quintet est, certes, sophistiquée – organisation des voix, constructions sonores, structure harmonique… –, mais elle garde toujours cette vitalité rythmique propre au jazz, et une intensité émotive qui la rend particulièrement attachante.