31 janvier 2022

A la découverte de Jean-Mathias Petri…

La sortie de Reflets, troisième opus du Nadja Trio, est une excellente occasion pour partir à la découverte de Jean-Mathias Petri, qui promène ses flûtes par monts et par vaux depuis plus de cinquante ans à l’affût de toutes les musiques, du jazz à la musique celte, en passant par le blues, le rap, la musique contemporaine et toutes les autres !


La musique 

Je suis né en 1958 dans le département du Val de Marne. Quand j’étais enfant, mes parents qui ne voulaient pas de télévision, écoutaient France Musique toute la journée, donc les émissions de André Francis, Lucien Malson, Alain Gerber, Simon Copans et bien d’autres… Il y avait aussi quelques disques : Sydney Bechet et Mezz Mezrow, une compilation avec « Groovin High » par Charlie Parker et Dizzy Gillespie, et « Exotica » de John Coltrane : un véritable coup de foudre à l'âge de douze ans !

Plus tard, je rentrais en courant du collège à l'heure de midi pour écouter les émissions de Jazz sur France Musique. Chaque jour de la semaine, un style différent était diffusé par un animateur différent. J'aimais surtout le mercredi avec le Blues et le Rhythm and Blues, et le vendredi avec le Free Jazz… Puis il y a eu les premiers concerts et les premières émotions fortes : Rhoda Scott en duo avec Daniel Humair, l'Art Ensemble of Chicago !...

(c) François Rignault

Quand j'étais à l'école maternelle, le mari de mon institutrice, Christian Farré, flûtiste à l'Orchestre Philharmonique de l'ORTF, était venu jouer à l'école avant les grandes vacances. J'ai été très touché par le son de son instrument et j'en ai parlé pendant plusieurs mois à mes parents... Plus tard, entre huit et onze ans, j'ai pris des cours de musique classique, surtout au piccolo, avec Farré. Ensuite, j'ai continué de manière largement autodidacte, tout en me formant au cours de rencontres avec de grands flûtistes comme Patrice Bocquillon, qui m'a fait découvrir la musique contemporaine, Harsh Wardhan, qui m'a initié à la musique de l'Inde du Nord, Aly Wagué et sa flûte peule, ou le joueur de ney, Kudsi Ergüner. En 1997, j'ai suivi le cycle de formation professionnel de l'EDIM, à Cachan, avec des musiciens de jazz et pédagogues avertis. Puis, j’ai également participé à de nombreux stages, dont une série sur le Sound Painting avec Walter Thompson… On ne se fait jamais vraiment tout seul… Et on n'en finit pas de se former auprès de nos collègues ! D’ailleurs, au titre des influences, je citerais Jean-Sébastien Bach, Jimi Hendrix, John Coltrane, Béla Bartók, Maurice Ravel, Yoshihisa Taïra, Frank Zappa, Gil Scott Heron… et les flûtistes Rahsaan Roland Kirk et Eric Dolphy.

Sinon, pour résumer mon parcours en quelques étapes : dans les années 70, je fais partie de groupes amateurs de rock progressif, puis, dans les années 80, je joue de la musique contemporaine avec le clarinettiste et compositeur Alain Sève. Les années 90 marquent la rencontre avec l'organiste Jean Philippe Lavergne et le batteur Christophe Lavergne, et les débuts du Nadja Trio. En 1997, j'abandonne le métier de commis d'architecte, que j'exerce à plein temps depuis plus de vingt ans, pour me consacrer entièrement à la musique. J'intègre la Celtic Procession de Jacques Pellen, par laquelle je rencontre de grands musiciens comme Kristen Noguès, Paolo Fresu, Ricardo Del Fra, Gildas Boclé, Olivier Ker Ourio… Par ailleurs je fonde la structure Tempo Jazz à Lannion pour y enseigner le jazz sous forme d'ateliers divers, afin d'ancrer cette pratique et de rassembler un public dans les Côtes d’Armor. Dans les années 2000, je joue dans le grand orchestre Kekanta, créé et dirigé par le guitariste Louis Winsberg. Je forme également le groupe Sula Bassana avec la pianiste Lydia Domancich et le percussionniste Pierre Marcault, les chanteuses Marthe Vassallo, Aïssata Kouyaté et Céline Fabre. Je crée aussi le projet modal, Flûtes4, avec les flûtistes Jean-Michel Veillon, Jean-Luc Thomas et Stéphane Morvan. En 2002, je rejoins la classe de jazz du Conservatoire de Saint Brieuc, où j’enseigne et m’investis pleinement pendant dix-huit ans.

J’ai enchaîné de nombreux projets comme : Nadja Septet avec, en plus du trio, Franck Tortiller, Jean-Louis Pommier, Serge Lazarevitch et Marcault ; Irish French Connection Quintet avec le guitariste Tommy Halferty, les frères Lavergne et le saxophoniste Boris Blanchet ; So Watt, en duo avec la pianiste Lydia Domancich ; Octo Twin Trio avec le flûtiste Henri Tournier et le percussionniste Patrice Legeay… Sans oublier une rencontre marquante avec Michel Edelin et son trio, dans lequel jouent John Betsch et Peter Giron, et diverses collaborations dans le domaine du rap, de la danse, du théâtre et des arts plastiques. Et, cette année, Nadja Trio sort Reflets, avec les invité.es Raphaëlle Brochet et Serena Fisseau au chant, Lazarevitch à la guitare et Legeay aux percussions.

 

Cinq clés pour le jazz

Qu’est-ce que le jazz ? Sans doute ce qu'il y a de plus difficile à définir en musique… En entendant ce mot « jazz », des sons et des images me viennent à l'esprit : la voix de Billie Holiday, le son de Pharoah Sanders dans « You've Got To Have Freedom », le stop chorus de Charlie Parker dans « Night In Tunisia », la batterie d'Elvin Jones dans « Acknowledgement »… Des images aussi : la pochette du disque de Max Roach, We Insist!, les tenues vestimentaires de Miles Davis et de Sun Râ, le quartet de Coltrane en concert, enveloppé d'un nuage de vapeur dégagé par l'énergie des musiciens, le pianiste Michel Petrucciani sautant sur son siège, ces descendants d'esclaves qui ont dit au maître : « assieds-toi, tais-toi et écoute nous ! » Il y aurait tant de choses à dire : le rythme, le son, l'improvisation, l'écoute et l'interaction entre les artistes...

Pourquoi la passion du jazz ? Parce que le jazz, malgré plus de cent ans d'existence, est le reflet de nos sociétés, de nos vies...

Où écouter du jazz ? En concert, à la radio, sur le net, dans la rue, dans les clubs et les cafés !

Comment découvrir le jazz ? En live, c'est sûrement le mieux : le public entend la musique se créer sous ses yeux. Et dans les écoles ! Ce serait une bonne chose...

Une anecdote autour du jazz ? Ça se passe dans les années 90 dans les Côtes d'Armor, à l'occasion d'un cocktail qui rassemble des élus et personnalités locales : un quartet joue des morceaux des Jazz Messengers. A la fin de leur prestation, une personne, passablement éméchée, vient leur demander : « vous ne pourriez pas jouer un peu de jazz ? »

(c) Kevin Antoine

 


Le portrait chinois

Si j’étais un animal, je serais chat

Si j’étais une fleur, je serais mimosa

Si j’étais un fruit, je serais orange

Si j’étais une boisson, je serais limonade        

Si j’étais un plat, je serais couscous

Si j’étais une lettre, je serais K

Si j’étais un mot, je serais libre

Si j’étais un chiffre, je serais 2

Si j’étais une couleur, je serais ocre rouge

Si j’étais une note, je serais mi bémol

 

Les bonheurs et regrets musicaux

Le Nadja Septet est sans doute ma plus belle réussite musicale, même si le groupe n'a joué que trois concerts. Quant à mon plus grand regret, c’est à dix-huit ans, alors que je jouais dans un groupe programmé en première partie de Zao, un orchestre qui avait invité Didier Lockwood. Au moment des balances, je discute avec lui et, tout d'un coup, il me dit en se dirigeant vers le plateau : « viens, on va jouer ! ». Je n'en croyais pas mes oreilles, j'ai feint de n'avoir rien entendu et suis resté à ma place...

 

Sur l’île déserte…

Quels disques ? So What de Davis, Coltrane Plays the Blues et Belly of The Sun de Cassandra Wilson.

Quels livres ? Vie et destin de Vassili Grossman, La Métamorphose de Franz Kafka et Rubrique-à-Brac de Marcel Gotlib.

Quels films ? Coup de torchon de Bertrand Tavernier, Les Tontons flingueurs de Georges Lautner et Croocklyn' de Spike Lee.

Quelles peintures ? Le Domaine d'Arnheim de René Magritte, Les Iris de Claude Monet et Senecio de Paul Klee.

Quels loisirs ? La musique… La marche à pied, la natation et les activités en famille.

 



Les projets

Tout d’abord, des concerts pour Nadja Trio et ses invité.es ! Ensuite, la création de la suite Marikana – Germinal en Afrique du Sud avec le Nâtah Big Band, la réalisation d'une vidéo de Tissages, suite pour flûte seule et Logelloop, logiciel de création musicale en temps réel, et des concerts d’Octo Twin Trio, avec un répertoire enrichi.

 

Trois vœux…

 

1. Que les artistes et le public retrouvent les liens réels qui les unissaient jusqu'à l'arrivée de la pandémie du Covid 19 et du pouvoir grandissant desdits « réseaux sociaux »...

2. Qu'on retrouve la voie de l'éradication de l'oppression et de l'exploitation.

3. Que le jazz et ses musicien.nes aient enfin une place méritée !