L’introduction mélodieuse de la contrebasse sur le frémissement des cymbales débouche sur l’exposé solennel d’« IRA », au trombone bouché. Après un développement dans une style musique de chambre moderne, le morceau se conclut sur des roulements martiaux qui accompagnent l’évocation « The Foggy Dew », cher aux révolutionnaires irlandais. « Jackie-Ing » commence en pointillés, avec une contrebasse fluide et sourde sur une batterie luxuriante, avant que Blaser ne réponde aux riffs, ou passages en walking, de Känzig et aux chabadas serrés d’Humair. Un chorus sinueux de la contrebasse laisse place au trombone a capella, pour un solo plein d’humour qui précède un final galopant. Après une entrée majestueuse aux timbales, les barrissements lointains du trombone et le motif cristallin de la contrebasse lancent « Mazurka ». Le trio fait preuve d’élégance : contrebasse boisée, ronde et solennelle, cymbales bouillonnantes, contrepoints chambristes subtils du trombone… « Heiri’s Idea » est un intermède construit autour d’un riff de contrebasse, de crépitements de la batterie et d’arabesques entraînantes du trombone. « Genevamalgame » met en sons une batterie puissante et foisonnante, une contrebasse qui fait gronder son archet et un trombone librement free (et oui ! C’est possible !). Le morceau s’envole ensuite dans un délire de walking et chabada véloces qui fusionnent avec les courbes agiles et pépiements free d’un trombone toujours en verve. « Chara lingua da la mamma », vu par Helveticus, s’apparente d’abord à une ode funèbre, qui se développe en ritournelle, à la foi nonchalante et dansante. Les roulements rapides de la batterie et la pédale de la basse accompagnent le trombone qui sautille d’une note de « Tiger Rag » à l’autre. Le trio déroule le thème avec malice sur une walking énergique et une batterie en roue libre. Comme son titre l’indique, « Warming Up » est un petit tour de chauffe free de Blaser sur les riffs gondants de Känzig et Humair. Place à une rythmique bluesy pour « Bemsha Swing », qui permet au trombone de s’envoler, sans pour autant oublier quelques clins d’œil ironiques à grand renfort de glissando. Le trombone brode un « Root Beer Rag » aérien sur une ligne de contrebasse régulière et des frappes de batterie en suspension. Après un « Hook » exposé à l’unisson, le trilogue part dans tous les sens, porté par une batterie touffue, une contrebasse à l’archet bourdonnant et un trombone qui caquette à qui mieux mieux. Le trombone bouché, les phrases épaisses et le rythme martelé de « Creole Love Call » rappellent le style jungle. Le trio joue le jeu du « vieux jazz », mais parsemé de traits amusants au goût du jour. Tandis que Känzig et Humair prennent leur temps, avec un zeste d’indolence, Blaser développe « Träume der Liebe » comme la bande son d’un western dans des grands espaces...
Our Way prouve que l’Homo Helveticus a bien sa manière à lui de raconter ses histoires : vivacité mélodique, impétuosité rythmique, vigueur sonore, interactions fougueuses et notes d’esprit spirituelles... Comme quoi la « narration abstraite » existe peut-être aussi en musique !
Le disque
Helveticusts
Samuel Blaser (tb), Heiri Känzig (b) et Daniel Humair (dms).
Blaser Music – BM012CD
Sortie le 24 mai 2024
Liste des morceaux
02. « Jackie-Ing », Thelonious Monk (5:13).
03. « Mazurka », traditionnel suisse (5:25).
04. « Heiri’s Idea », Helveticus (2:31).
05. « Genevamalgame », Daniel Humair (8:06).
06. « Chara lingua da la mamma », Robert Cantieni (5:01).
07. « Tiger Rag », traditionnel (3:59).
08. « Warming up », Helveticus (2:33).
09. « Bemsha Swing », Thelonious Monk (2:59).
10. « Root Beer Rag », Samuel Blaser (3:09).
11. « Hook », Samuel Blaser (2:55).
12. « Creole Love Call », Duke Ellington (2:56).
13. « Träume der Liebe », traditionnel suisse (3:02).