18 juillet 2015

Du nouveau chez Loustalot

Depuis Primavera (2006 – Elabeth), Yoann Loustalot sort quasiment un disque par an, en quintet, en quartet ou en trio, chez BruitChic ou Fresh Sound New Talent. Lucky Dog et Pièces en forme de flocons sont les deux derniers opus du trompettiste, publiés respectivement en 2014 et 2015. Enregistrés en public, le premier au Petit Faucheux à Tour et le second au Studio Barge à Vannes, les deux albums ont été matricés par Nicolas Baillard, ingénieur du son des Studios La Buissonne.


Lucky Dog


Lucky Dog est un quartet créé par Loustalot et le saxophoniste ténor Frédéric Borey en compagnie du contrebassiste Yoni Zelnik et du batteur Frédéric Pasqua. L’album éponyme propose dix morceaux dont six sont signés Loustalot et quatre Borey.

La configuration de Lucky Dog et la musique du quartet évoquent inévitablement le regretté Ornette Coleman : même foisonnement rythmique (« Yonisation »), avec une ligne de basse qui bourdonne (« Jacky’s Method ») et une batterie qui fourmille (« Pass’ Crap »), tandis que la trompette et le saxophone ténor exposent ensemble des thèmes dissonants (« Interférences »), avant de croiser leurs voix dans un mélange de contrepoints élégants (« The Real All of Me » ), questions – réponses soutenues (« Jacky’s Method »), unissons discordants (« Pass’ Crap »), dialogues raffinés (« Etrange ligne »)… sans rechercher à enfermer leurs histoires dans un carcan (« Yonisation »). Cela dit, Loustalot et ses compagnons ne poussent pas leurs développements aussi loin dans le free, ni avec la même dureté que Coleman. Lucky Dog met sa pâte avec des interactions qui rappellent la musique de chambre (« Peaceful Time »), parfois dans un esprit Third Stream (« Sinless »), des passages bop avec une walking et un chabada savoureux (« Involved »), le morceau-titre qui oscille entre une danse indienne et une comptine… Le quartet joue clairement la carte du groupe, plutôt que du soliste, avec un contraste entre une rythmique touffue et des soufflants aériens (« Etrange ligne »).

Loustalot, Borey, Zelnik et Pasqua démontrent qu’il est possible d’avoir de la personnalité dans la continuité : varié, mais homogène, énergique, mais maitrisé, Lucky Dog est une synthèse intelligente d’influences multiples.

Le disque

Lucky Dog
Yoann Loustalot (tp, bugle), Frédéric Borey (ts), Yoni Zelnik (b) et Frédéric Pasqua (d).
Fresh Sound New Talent – FSNT 443
Sortie en 2014

Liste des morceaux

01. « The Real All of Me », Loustalot (4:37).
02. « Pass’ Crap », Loustalot (4:46).
03. « Lucky Dog », Loustalot (7:57).
04. « Peaceful Time », Borey (3:19).
05. « Jacky’s Method », Loustalot (4:29).
06. « Yonisation », Loustalot (4:49).
07. « Interférences », Borey (6:21).
08. « Sinless », Borey (7:11).
09. « Involved », Borey (6:25).
10. « Etrange Ligne », Loustalot (6:32).


Pièces en forme de flocons

Dans Pièces en forme de flocons, Loustalot revient à la formule d’Aérophone : le trio. Au bémol près qu’il s’agit d’un trio sans contrebasse, mais avec François Chesnel au piano et Antoine Paganotti à la batterie. Loustalot a composé la moitié des huit thèmes du disque, Chesnel en apporte trois et le trio reprend « Quelque chose » du trompettiste Pierre Millet, fondateur du quintet Renza Bô, dont Chesnel fait également partie.

Dans une veine free, il y a bien le trio de Jean-Luc Capozzo, Christine Wodraska et Gerry Hemingway, mais force est de reconnaître que le format trompette – piano – batterie ne court pas les rues. Raison suffisante pour écouter Loustalot et ses compères.

Pièces en forme de flocons porte bien son titre et l’illustration de la pochette (une libellule stylisée à partir d’une plume, de son ombre et de son reflet dans une flaque) : la musique est légère, douce et virevolte avec une élégance feutrée. L’absence de basse, associée aux échanges sophistiqués entre les musiciens, emmène la musique dans les territoires de la musique de chambre contemporaine (« Peace Peace »), avec une carrure rythmique ouverte. Paganotti fait bruisser ses fûts et cymbales (« Barrage »), fourmille subtilement (« Pièce en forme de flocon ») et joue toujours en douceur avec une sonorité très organique (« Petite liturgie »). Avec son approche minimaliste (« Barrage »), ses clusters (« Doloroso »), ses touches impressionnistes (« Pièce en forme de flocon »)…  le jeu de Chesnel est proche de la musique contemporaine (« Quelque chose »). Sonorité claire, souffle droit et phrasé limpide, dans un style presque « musique classique », Loustalot met sa trompette et ses sourdines, ou la sonorité ronde de son bugle (sur la moitié des morceaux), au service de cette musique raffinée : un chorus a capella brillant (« Barrage »), des lignes majestueuses (« Petite liturgie »), des variations discontinues (« Doloroso »), des dialogues ingénieux (« Pièce en forme de flocon »)…

Pas étonnant que les Pièces en forme de flocons plaisent à Aldo Romano, auteur des notes – flatteuses – de la pochette : la musique est réfléchie et sensuelle, introspective et tendue, moderne et authentique…  

Le disque

Pièces en forme de flocons
Yoann Loustalot (tp, bugle), François Chesnel (p) et Antoine Paganotti (d).
Bruit Chic – 006
Sortie en 2015

Liste des morceaux

01. « Chemin Céleste », Loustalot (7:01).
02. « Barrage », Chesnel (9:59).
03. « Pièce en forme de flocon », Loustalot (7:33).
04. « Towers », Chesnel (2:59).
05. « Quelque chose », Millet (7:03).
06. « Petite liturgie », Loustalot (5:06).
07. « Doloroso », Loustalot (4:26).
08. « Peace Peace », Chesnel (6:56).