Quelques publications – et idées de cadeaux… – pour le mois de
décembre.
Emmené par Bruno
Tocanne et Bernard Santacruz, le
ImuZZic Grand(s)Ensemble reprend Escalator
Over The Hill, l’opéra jazz psychédélique créé par Carla Bley et Paul Haines
entre 1968 et 1971. Over The Hills
sort le 1er décembre sur le label IMR. L’orchestre
est composé d’Antoine Läng au chant,
Olivier Thémines aux clarinettes, Jean Aussanaire aux saxophones, Rémi Gaudillat et Fred Roudet à la trompette et au bugle, Alain Blessing à la guitare, Santacruz à la contrebasse et Tocanne
à la batterie. Si Bley et Tocanne partagent le goût pour les fanfares et le
free, la version originale penchait sérieusement vers la musique
expressionniste – L’Opéra de quat’sous
de Kurt Weill, par exemple –, tandis
qu’Over The Hills plonge clairement
dans les eaux limpides du rock underground. Une interprétation neuve et
incisive d’une œuvre toujours aussi cinglante, portée par la voix décapante de
Läng et la formidable énergie musicale du Grand(s)Ensemble.
Nanan, un album de
chansons pour enfants de la batteuse LydieDupuy sort le 7 décembre chez Z Production, avec Mélina Tobiana au chant, Vincent
Périer au saxophone ténor et à la clarinette, Rémi Ploton au piano et Julien
Sarazin à la contrebasse. Le quintet invite également Médéric Collignon, Ezra,
Grégoire Gensse, Jonathan Kreisberg et Perrine Missemer. Les onze chansons ont
été composées par Dupuy, les arrangements sont signés Ploton et les
illustrations ont été confiées à Perrine
Arnaud. Les comptines sont rigolotes et le chant est net, comme il se doit
pour le jeune public. Aux antipodes d’un jazz enfantin, l’accompagnement est
ingénieux et swingue avec vigueur, dans une lignée mainstream.

Enrico Pieranunzi
est insatiable : avec plus de soixante-dix disques à son actif, il vient
de publier coup sur coup Stories en
2014 avec Scott Colley et Antonio Sanchez, Double Circle avec Federico
Casagrande en avril 2015… et le revoilà pour un disque en quartet sans batterie
avec Ralph Alessi à la trompette, Donny McCaslin aux saxophones et Matt Penman à la contrebasse. Proximity sort le 13 novembre, toujours
chez Cam Jazz, et Pieranunzi en a composé les huit morceaux. Même si la musique
de Proximity est plutôt intimiste et
repose sur des constructions subtiles, qui rappellent d’autant plus la musique
de chambre que le quartet joue sans batterie, Pieranunzi et ses compagnons
maintiennent une pulsation solide du début à la fin.
En 2010, Cam Jazz a la bonne idée de commencer à publier les
anthologies des artistes des labels Black Saint et Soul Note. Dans un coffret
blanc et sobre, cette collection propose des disques cartonnés qui reproduisent
fidèlement les pochettes originales. Vingt-deux volumes sont déjà sortis, de Roscoe Mitchell à Henry Threadgill en passant par Cecil Taylor, Anthony
Braxton, David Murray, Lee Konitz… mais aussi Jimmy Lyons et Steve Lacy.
A côté du Cecil Taylor Unit dans lequel il joue de 1961 à sa
mort, en 1986, Jimmy Lyons monte un quintet et s’associe, entre autres, à Andrew Cyrille pour plusieurs disques,
dont cinq enregistrés Black Saint entre 1979 et 1985.
Nuba, en 1979, est
un trio avec Jeanne Lee et Cyrille. Toutes
les compositions sont du trio. Une rythmique volontiers aux tambours, un
saxophone entre cris et bop, des vocalises souvent minimalistes… comme autant de discussions
en à bâton rompu, abstraites, mais sensuelles.
Something In Return (1981) et Burnt
Offering (1982) en duo avec Cyrille. En dehors de « Take The A Train
» de Billy Strayhorn, tous les
morceaux sont signés Lyons et Cyrille. Des duos explosifs, heurtés, qui doivent
autant à la musique contemporaine qu’au free, avec, souvent, en filigrane, un jeu
de tambours qui rappelle l’Afrique (« Nuba »).

Give It Up (1985),
toujours en quintet, mais avec Enrico
Rava à la trompette et Jay Oliver
à la contrebasse. Give It Up
s’inscrit dans la continuité de Wee
Sneezawee : grouillement des voix, lignes de basse solides et
foisonnement rythmique… Captivant !
Ce coffret de Lyons trouvera indiscutablement sa place dans la
discothèque du collectionneur, mais aussi de l’amateur ou, tout simplement, du mélomane curieux...
Cam Jazz dédie deux Box Sets à la musique de Steve Lacy : le premier coffret
regroupe les six disques en solo, duos et trios, publiés chez Black Saint ou
Soul Note, tandis que le deuxième réunit les neufs albums en quartet, quintet,
sextet ou octet, enregistrés entre 1976 et 1993.

Avec Troubles
(1979) le quartet devient quintet, avec Irène
Aebi au violon, violoncelle et à la voix, Steve Pott aux saxophones, Carter et Oliver Johnson à la batterie. Lacy signe tous les morceaux. A
l’ombre de Duke Ellington, de Charles Mingus et du blues, la rythmique
virevolte, les mélodies tournoient, la voix s’envole, dissonante, et les
interactions fourmillent…



Dans Dutch Masters
(1987), Lacy retrouve Mengelberg, Lewis et Bennink, plus Ernst Reÿseger au violoncelle. Le sextet joue des compositions de
Lacy, Mengelberg et Monk. Dutch Masters
ressemble à une fanfare dixieland free : walking, pulsation régulière,
clusters et solistes affranchis…

Retour au quartet avec Revenue
(1993), et des compagnons de longue date : Potts, Avenel et John Betsch à la batterie. Le free
mélodique des morceaux de Revenue suit
le plus souvent la structure familière thème – solos – thème et comporte son
lot de contrepoints, de dialogues effrénés, d’embardées échevelées… et des
chorus mémorables d’Avenel.
Quant à Vespers,
enregistré six mois après Revenue (1993),
il s’appuie sur Potts, Aebi, Few, Avenel et Betsch, plus le saxophoniste ténor Ricky Ford et le corniste Tom Warner. Vespers – dont tous les
morceaux ont été composés par Lacy – s’inscrit dans la lignée de Revenue, mais avec une instrumentation
étoffée qui se rapproche de la musique contemporaine et de l’expressionisme de The Cry.
A relever également les œuvres de Kenneth Noland, Biron Gysin,
Giuliano Crivelli, Franco Beltrametti, Vincent Lainé, Yoshida Kenji ou Arshile
Gorky qui illustrent avec élégance les pochettes des disques.
Voici un coffret qui mérite
le voyage : c’est un concentré d’énergie mélodieuse… Sans oublier le sens
de la narration, incomparable, de Lacy.