A l’occasion de la
sortie de Ronde, le SurnaturalOrchestra se produit les 20 et 21 janvier 2016 au Plateau, dans le cadre de la
Jazz Fabric, projet lancé par l’Orchestre National de Jazz et le Carreau duTemple.
A une encablure du Square du Temple, le Carreau du Temple et
son histoire mouvementée méritent un petit détour : des croisades à la
culture, en passant par les chiffons ! Au XIIe siècle, l’enclos du Temple
est donné aux Templiers qui le fortifient et en font leur siège occidental…
Quand Philippe le Bel anéantit les
Templiers, en 1312, c’est au tour de l’ordre de l’Hôpital – futur Ordre de
Malte – de s’installer sur ce domaine de près de six hectares. Jusqu’à 1789,
l’exemption de taxes et le droit d’asile, dont bénéficie ce
« territoire », attireront près de quatre mille habitants. C’est également
la dernière demeure de la famille royale, avant sa décapitation. Après la
Révolution, la plupart des bâtiments sont rasés et la Ville de Paris demande à Jacques Molinos de construire un marché
couvert. Le marché, dédié aux textiles en tous genres, est constitué de quatre
carrés avec, en leur centre, le « carreau », réservé aux vêtements
d’occasion. En 1860, Jules de Mérindol
se voit confier la rénovation du marché du Carreau du Temple, qui prend sa
forme actuelle, avec, notamment, une charpente métallique au lieu du bois.
Cependant l’activité du marché périclite et si le Carreau du Temple évite de
justesse la démolition dans les années soixante-dix, ce n’est que grâce aux efforts
obstinés des riverains. En 2001, la Mairie de Paris décide de le restaurer et
d’en faire un centre culturel et sportif. C’est l’architecte Jean-François Milou qui a rénové le
Carreau du Temple avant sa réouverture au public, en avril 2014.
Ce lieu abrite une halle, deux studios, un gymnase, un bar –
restaurant, et Le Plateau, qui est une salle de spectacle de deux cinquante
places avec des sièges confortables, une vue dégagée et une acoustique tout à
fait correcte. Le concert affiche complet et la cohue des spectateurs qui
envahit le hall et la salle est accueillie par les musiciens : un
« ukuléliste » parcourt les travées en murmurant « chut »,
un saxophoniste fait danser un couple au rythme d’un rock endiablé, un trio de
soufflants joue sur les marche d’un escalier… Le Surnatural Orchestra chauffe
son public dans une atmosphère festive !
Le concert est un véritable spectacle : les artistes
portent tous un pull-over en laine blanche dont ils se débarrassent au cours du
concert pour finir par le remettre à la fin ; les musiciens se déplacent
sur scène et dans la salle au grès des solos et des chœurs, sur une
chorégraphie très étudiée ; Hanno
Baumfelder raconte des histoires abracadabrantes où il est question de
forêts, de moutons, de ville… ; au beau milieu du concert, un guignol barbu
en short de sport se lance dans un sketch bouffon ; deux éclairagistes
parcourent la scène ou se perchent sur des échelles pour créer un véritable ballet
de lumières ; le final s’achève par une sortie de l’orchestre en fanfare,
autour d’un carton plein de Ronde,
tiré comme un traineau, suivi du public hilare, qui termine par un bal dans le
hall d’entrée du Plateau… Une suractivité bienfaitrice !
Comme sur disque, le Surnatural Orchestra évoque une fanfare
– le nombre de cuivres et de vents et l’ambiance joyeuse des morceaux n’y sont
pas pour rien. La construction et le déroulé des morceaux, très structurés, tiennent
aussi de la musique classique et ne sont pas sans rappeler les derniers ONJ ou
le X’Tet de Bruno Régnier. Autour de
la batterie, véritable colonne vertébrale, puissante et régulière, et des
percussions qui foisonnent, les sections interagissent dans un entrelacs de
voix, enchevêtrements de contre-chants, successions d’unissons, superpositions
d’ostinatos, effets électro du clavier et saxophone barytons… Les mélodies,
soignées, volent rapidement en éclats dans des solos débridés ou des développements
collectifs free.
Si Ronde est déjà hautement
recommandable pour la qualité et la singularité de sa musique, un concert du
Surnatural Orchestra est un must… et un remède définitif contre le vague à l’âme !