Jazz Before Jazz
Mario Stantchev &
Lionel Martin
Mario Stantchev (p) et Lionel Martin (sax)
Cristal Records – CR 238
Sortie en mars 2016
Installé à Lyon au début des années quatre-vingt, le
pianiste, compositeur, arrangeur, chef d’orchestre, pédagogue… Mario Stantchev a créé le département
jazz du Conservatoire à Rayonnement Régional de Lyon et multiplie les projets
dans le jazz et la musique contemporaine. Pilier d’ImuZZic avec, entres autres,
le trio Résistance et les ensembles New Dreams, le saxophoniste Lionel Martin joue aussi bien du free
jazz que de la musique cubaine, en passant par l’ethiojazz, le rock punk…
Dans Jazz Before Jazz,
sorti en mars 2016 chez Cristal Records, Stantchev et Martin explorent la musique de Louis Moreau Gottschalk. Ce pianiste
mythique (1829 – 1869) est né à La Nouvelle Orléans, d’un père anglais et
d’une mère créole d’origine haïtienne. Gottschalk étudie la musique à Paris et
se lie d’amitié avec Camille Pleyel,
Frédéric Chopin… Sa vie est une succession
de voyages en Europe, aux Etats-Unis et en Amérique du Sud. Virtuose marqué par
la musique africaine et sud-américaine, ses compositions aux titres évocateurs
– « Bailemos, Creole Dance », « Bamboula, danse des
nègres », « Le bananier, chanson nègre », « Le banjo,
fantaisie américaine, « Caprice-polka »… – annoncent le ragtime, voire le jazz.
Le duo interprète onze morceaux de Gottschalk et « Pour
Louis Moreau », un hommage signé Stantchev qui ouvre l’album. Dans les notes
de la pochette, les musiciens expliquent leur démarche pour chaque morceau. Ils
mettent en regard les partitions originales et les leurs pour illustrer leur relecture.
La jolie pochette, signée Valentine
Dupont, décline la représentation géométrique d’un masque africain sur les
différents volets, sous forme de gommette.
Les mélodies de Gottschalk choisies par Stantchev et Martin
pour Jazz Before Jazz sont pour la
plupart simples et entraînantes : marche (« Marche des
Gibaros »), comptine (« La Savane »), sonnerie
(« Incantation »), country (« Le Banjo »), ballades
(« Séduction »), mais aussi des thèmes plus lyriques
(« Manchega »), voire romantiques (« Souvenir de la Havane »). L’influence
des musiques africaines, caribéennes et latines sur Gottschalk se ressent également
dans les rythmes chaloupés de ses morceaux, bien accentués par Stantchev et
Martin : rythmes syncopés (« Le Banjo »), accords latinos du
piano (« Manchega »), ambiance calypso (« Bamboula (Danse
nègre) »), boléro ou approchant (« Souvenir de la Havane »), touches
bluesy (« Marche des Gibaros »), accents sud-américains
(« Séduction (Souvenir de la Havane) »)… Stantchev passe du
contemporain (« Pour Louis Moreau ») au vingtième siècle
(« Romance cubaine »), sans oublier, évidemment, le jazz, avec des
envolées bluesy (« Marche des Gibaros »), stride (« Souvenir de
la Havane »), en walking (« Le Banjo »)… avec un swing qui ne se
dément jamais (« Séduction »). Martin joue aussi bien straight (« Romance
cubaine ») qu’étendu (« Marche des Gibaros »), mais son penchant
pour le free revient au naturel (« Riot ») avec, pêle-mêle, John Coltrane, Ornette Coleman, Sonny
Rollins, Gato Barbieri, l’AACM…
comme influences, aussi bien au soprano (« Le Bananier ») qu’au ténor
(« Riot »).
Stantchev et Martin mettent en évidence de manière
magistrale le caractère précurseur de la musique de Gottschalk. Jazz Before Jazz est un disque palpitant
qui fait parcourir l’histoire du jazz, du « vieux jazz » au
contemporain, en passant par le free.
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