19 février 2017

Chapter Two: ¡Libertad! - Pierre Durand Roots 4tet


Des ONJ de Paolo Damiani et Daniel Yvinec, du X’tet de Bruno Régnier, du Sound Painting de François Jeanneau… au Sébastien Texier Quartet, à l’Attica Blues Big Band d’Archie Shepp… sans oublier ses propres projets – le duo Ravi(e)s avec Marine Bercot et le Roots 4tetPierre Durand multiplie les expériences musicales.

Pour Chapter One: NOLA Improvisations, sorti en 2012, Durand avait choisi de s’enregistrer en solo à la Nouvelle-Orléans (avec juste quelques invités locaux). Chapter Two: ¡Libertad!, sorti en novembre 2016, toujours sur le label indépendant Les disques de Lily, est le premier opus du Roots 4tet.

Créé en 2012 Le Roots 4tet est composé d’Hugues Mayot au saxophone ténor et à la clarinette, Guido Zorn à la contrebasse et Joe Quitzke à la batterie. Les trois musiciens font aussi les chœurs, quand nécessaire… Quant à Durand, il tient évidemment la guitare, et compose le répertoire. Comme pour les photos de Chapter One: NOLA Improvisations, dans lequel il est couvert de billets de banque et se promène dans un bayou, Durand a demandé à Sylvain Gripoix de réaliser la pochette de Chapter Two: ¡Libertad! : la tête de Durand couverte de points blancs, à l’instar d’une peinture de guerre indienne, est, encore une fois, décalée…

Dans le livret, le guitariste cite un extrait de Le Chant de la mort, de Patrick Mosconi, qui décrit un monde apocalyptique où la nature est défigurée, les animaux ont disparu et l’homme est déshumanisé. En réaction, Durand explique qu’il a mis dans ce disque ses convictions musicales :
« Etre libre et engagé.
Donner du sens aux notes.
Raconter des histoires, toujours ».
La musique serait-elle le salut de l’humanité ? En tous cas Durand signe les onze morceaux de son deuxième chapitre.

Après un chant indien sur des roulements touffus, le ténor joue un thème mélancolique soutenu par un riff aigu de la contrebasse ; « Tribute » s’envole ensuite vers un blues nostalgique, développé par la guitare sur une batterie virevoltante et un chœur. « What You Want & What You Choose » commence par des tourneries en contrepoints, sur un rythme puissant et heurté, et une ligne de basse qui gronde, pour continuer sur une quasi-sonate baroque, avec le timbre de la guitare qui évoque un clavecin, et la contrebasse à l’archet qui joue les basses continues. La suite « Self Portrait » compte trois mouvements : le premier, minimaliste, se rapproche d’un blues ; le deuxième lorgne vers l’Afrique et ses rythmes chaloupés ; quant au troisième, il reste dans une ambiance mystérieuse.  Sur une rythmique latine, « Llora, tu hijo ha muerto » déroule sa mélodie mélancolique, portée par des accords aériens. Le morceau-titre s’appuie sur un riff bluesy, une ligne mélodique lointaine et un développement convaincant de la guitare. « White Dog » commence comme une chanson pop, mais part dans un blues, qui débouche sur un rock endiablé, avec des accords « sales » et saturés, suivi d’un solo de guitare digne d’un guitar hero, à la Carlos Santana… La ballade « My Fighting Irish Girl » repose sur des motifs arpégés de la guitare, repris par le saxophone ténor, et une section rythmique mélodieuse. « Les noces de menthe » concluent Chapter Two: ¡Libertad! dans un climat apaisé avec un jeu de contre-chants entre le saxophone ténor et la guitare. En bonus, « Le regard des autres », un morceau dans un style hard-bop, avec ses nuances bluesy, soutenu par une walking et une chabada énergiques, ponctué d’unissons ultra-rapides…

Avec Chapter Two: ¡Libertad!, Durand frappe fort : sa musique, soigneusement pensée et construite, mais jouée avec les tripes, dispense une bonne dose d’émotions…