Des ONJ de Paolo
Damiani et Daniel Yvinec, du
X’tet de Bruno Régnier, du Sound
Painting de François Jeanneau… au Sébastien Texier Quartet, à l’Attica Blues Big Band d’Archie Shepp… sans
oublier ses propres projets – le duo Ravi(e)s avec Marine Bercot et le Roots 4tet – Pierre Durand multiplie les expériences musicales.
Pour Chapter One: NOLA Improvisations, sorti en 2012, Durand avait choisi de s’enregistrer en solo
à la Nouvelle-Orléans (avec juste quelques invités locaux). Chapter Two: ¡Libertad!, sorti en
novembre 2016, toujours sur le label indépendant Les disques de Lily, est le
premier opus du Roots 4tet.
Créé en 2012 Le Roots 4tet est composé d’Hugues Mayot au saxophone ténor et à la
clarinette, Guido Zorn à la
contrebasse et Joe Quitzke à la
batterie. Les trois musiciens font aussi les chœurs, quand nécessaire… Quant à
Durand, il tient évidemment la guitare, et compose le répertoire. Comme pour les
photos de Chapter One: NOLA
Improvisations, dans lequel il est couvert de billets de banque et se
promène dans un bayou, Durand a demandé à Sylvain
Gripoix de réaliser la pochette de Chapter
Two: ¡Libertad! : la tête de Durand couverte de points blancs, à
l’instar d’une peinture de guerre indienne, est, encore une fois, décalée…
Dans le livret, le guitariste cite un extrait de Le Chant de la mort, de Patrick Mosconi, qui décrit un monde
apocalyptique où la nature est défigurée, les animaux ont disparu et l’homme
est déshumanisé. En réaction, Durand explique qu’il a mis dans ce disque ses
convictions musicales :
« Etre libre et engagé.
Donner du sens aux notes.
Raconter des histoires, toujours ».
La musique serait-elle le salut de l’humanité ? En tous
cas Durand signe les onze morceaux de son deuxième chapitre.
Après un chant indien sur des roulements touffus, le ténor
joue un thème mélancolique soutenu par un riff aigu de la contrebasse ;
« Tribute » s’envole ensuite vers un blues nostalgique, développé par
la guitare sur une batterie virevoltante et un chœur. « What You Want
& What You Choose » commence par des tourneries en contrepoints, sur
un rythme puissant et heurté, et une ligne de basse qui gronde, pour continuer sur
une quasi-sonate baroque, avec le timbre de la guitare qui évoque un clavecin,
et la contrebasse à l’archet qui joue les basses continues. La suite
« Self Portrait » compte trois mouvements : le premier,
minimaliste, se rapproche d’un blues ; le deuxième lorgne vers l’Afrique et
ses rythmes chaloupés ; quant au troisième, il reste dans une ambiance
mystérieuse. Sur une rythmique latine,
« Llora, tu hijo ha muerto » déroule sa mélodie mélancolique, portée
par des accords aériens. Le morceau-titre s’appuie sur un riff bluesy, une ligne
mélodique lointaine et un développement convaincant de la guitare. « White
Dog » commence comme une chanson pop, mais part dans un blues, qui
débouche sur un rock endiablé, avec des accords « sales » et saturés,
suivi d’un solo de guitare digne d’un guitar hero, à la Carlos Santana… La ballade « My Fighting Irish Girl »
repose sur des motifs arpégés de la guitare, repris par le saxophone ténor, et
une section rythmique mélodieuse. « Les noces de menthe » concluent Chapter Two: ¡Libertad! dans un climat apaisé
avec un jeu de contre-chants entre le saxophone ténor et la guitare. En bonus,
« Le regard des autres », un morceau dans un style hard-bop, avec ses
nuances bluesy, soutenu par une walking et une chabada énergiques, ponctué
d’unissons ultra-rapides…
Avec Chapter Two:
¡Libertad!, Durand frappe fort : sa musique, soigneusement pensée et
construite, mais jouée avec les tripes, dispense une bonne dose d’émotions…