Le 11 janvier 2017, à
l’occasion de la sortie de Need Eden,
Claude Tchamitchian et l’Acoustic Lousadzak jouent les trois suites du disque
au Studio de l’Ermitage.
L’histoire de Lousadzak commence il y a plus de vingt
ans : en 1994, Tchamitchian et son septet publient Lousadzak – « émergence de la lumière », en arménien – chez
Emouvance, label que le contrebassiste a créé l’année précédente. Cinq ans plus
tard, avec un orchestre de quatorze musiciens, le Grand Lousadzak, Tchamitchian
sort Bassma Suite (« suite du
sourire »). En 2006, l’octet New Lousadzak enregistre Human Songs (« chansons humaines »). Pour Need Eden (« besoin d’éden »),
Tchamitchian a formé un big band de dix musiciens, l’Acoustic Lousadzak.
Seuls Stephan Oliva
(Bassma Suite) et Rémi Charmasson (Human Songs) ont déjà fait partie d’un Lousadzak. Géraldine Keller tenait déjà la partie
vocale dans Traces, album cousin de Need Eden que Tchamitchian a sorti en
avril 2016. Régis Huby et Guillaume Roy font également partie des
proches du contrebassiste (Ways Out, Amarco…). Fabrice Martinez, Catherine
Delaunay et Roland Pinsard ont
rejoint l’Acoustic Lousadzak plus récemment, mais appartiennent quand même au
cénacle.
Dans la lignée de Traces,
disque-hommage aux arméniens inspiré de Seuils,
le livre de Krikor Beledian, Need Eden est aussi une œuvre
introspective. Après être parti à la recherche des origines, Tchamitchian se
penche sur l’avenir au-delà : « Les Promesses De l’Aube »,
« Imaginer L’Éternité » et « Rire De Mourir » introduisent
les trois suites… Chacune des suites – « Éveil »,
« Lumières » et « Passage » – est constituée de trois
mouvements, tous signés Tchamitchian. Au départ, nous explique le
contrebassiste, l’idée était de composer une suite autour de C’est égal, un recueil de nouvelles publié
par Agota Kristof en 2005. Finalement, c’est Christine Roillet qui a écrit les
textes sur les compositions de Tchamitchian. Quant au titre du disque, il est
tiré d’une œuvre pour deux danseurs, contrebasse, sons et violon réalisé en
2007 par Michael Nick.
Après la présentation des musiciens, le tentet débute le
concert avec « Les promesses de l’aube », le premier mouvement de la
première suite, Eveil. Ils enchaînent
« Peur » et « Montagnes intimes ». Si l’Accoustic Lousadzak
s’aventure résolument dans les territoires de la musique contemporaine, les
lignes mélodiques rappellent la musique du début du vingtième et s’appuient sur
des pédales, des bourdons et autres tourneries qui évoquent parfois la musique
médiévale. Oliva aligne des clusters, des phrases dissonantes et des
crépitements, Huby, Roy, Pinsard et Delaunay croisent leur voix avec finesse,
Perraud fait chanter sa batterie, tandis que la trompette bouchée de Martinez
pleure et que Tchamitchian apporte une touche de gravité… Comme dans Traces, Keller passe d’un texte scandé à
des vocalises gutturales, le tout dans une atmosphère tendue.
Le démarrage de Lumières,
la deuxième suite, s’apparente à la musique concrète avec des échanges
bruitistes entre toutes les voix. La clarinette introduit progressivement la
mélodie, puis « Imaginer l’éternité » se mue en un chant solennel
avec Keller et les soufflants à l’unisson, sur une batterie touffue, mais
toujours subtile, soutenue par une pédale, puis un riff des cordes. L’ambiance
reste intense et après un passage par des jeux foisonnants dans une veine
contemporaine, Keller déclame un texte, comme un récitatif religieux, simplement
souligné par la trompette. Suivent une danse quasi-folklorique, un solo de
clarinette a capella free – sauts d’intervalles, phrases vives et déjantées,
technique étendue… –, une mélodie rubato entraînante, un solo de batterie musical
à souhait… Lumière garde un esprit intimiste et émouvant.
Passage, comme les
deux premières suites, s’inscrit encore dans la musique contemporaine, y
compris pour les textures sonores. La pulsation jouée par la batterie reste jazz,
tandis que les clarinettes, voix, violons et alto font de fréquentes incursions
dans les territoires free. Sur un ostinato d’Oliva et des contrepoints de Pinsard,
à l’unisson de Martinez, Keller chante un lied dans une ambiance très début
vingtième. Les mouvements partent ensuite dans des directions variées :
d’un développement touffu porté par Perraud, à une ligne mélodique funky lancée
par Martinez, en passant par un blues avec un solo inspiré de Charmasson…
L’Acoustic Lousadzak ne cède jamais à la facilité : Need Eden s‘appuie sur des mélodies et
des chants soignés, des structures recherchées, des rythmes complexes et une palette
sonore originale. Tchamitchian réussit une fois de plus sa synthèse de musique
contemporaine et de jazz, pimentée de quelques ingrédients moyen-orientaux.
Le disque
Need Eden
Acoustic Lousadzak
Géraldine Keller (voc), Fabrice Martinez (tp, bg), Catherine
Delaunay (cl), Roland Pinsard (cl, b cl), Régis Huby (vl), Guillaume Roy (a
vl), Rémi Charmasson (g), Stephan Oliva (p), Claude Tchamitchian (b) et Edward
Perraud (d, perc).
Emouvance – EMV 1038
Sortie le 11 janvier 2017
Liste des morceaux
Éveil
01. « Les Promesses De L'Aube » (6:04).
02. « Peur » (4:57).
03. « Montagnes Intimes » (12:11)
Lumières
04. « Imaginer L'Éternité » (8:42).
05. « Laisser, Se Laisser » (5:42).
06. « L'Ivresse Du Chemin » (6:43).
Passage
07. « Rire De Mourir » (6:05).
08. « Encore » (6:07).
09. « De L'Autre Côté D'Où Tu Es Né » (6:28).
Toutes les compositions sont signées Tchamitchian.