07 octobre 2017

Au doux combat me joindre – No Noise No Reduction

Au doux combat me joindre
No Noise No Reduction
Marc Démereau (bs), Marc Maffiolo (basse s) et Florian Nastorg (basse s)
Mr Morezon 014
Sortie le 18 mai 2017

Créé en 2002, le collectif toulousain Freddy Morezon regroupe des artistes aussi variés que Christine Wodrascka, Robin Fincker, Fabien Duscombs, Didier Kowarsky… pour n’en citer que quelques-uns, mais animés d’un même esprit : improviser et innover.

Et ce n’est pas NNNR, alias No Noise No Reduction, qui nous fera mentir : ce power trio est constitué d’un saxophone baryton, Marc Démereau, et de deux saxophones basses, Marc Maffiolo et Florian Nastorg. A cette instrumentation inédite, s’ajoute une approche musicale jusqu’au-boutiste faite de free, de rock underground et de musique minimaliste.

En 1936, Marcel Mule est l’un des premiers à monter une formation uniquement de saxophones : le Quatuor de saxophones de Paris. Si dans la musique classique et contemporaine les ensembles de saxophones restent plutôt rares, ils le sont bien plus dans le jazz… A la fin des années soixante-dix, Hamiet Bluiett, Julius Hemphill, Oliver Lake et David Murray forment le groupe sans doute le plus connu : le World Saxophone Quartet. En France, dans les années quatre-vingt, François Jeanneau, Jean-Louis Chautemps, Philippe Maté et Jacques DiDonato fondent le Quatuor de saxophones. Dans les années deux mille, Jean Luc Guionnet, Bertrand Denzler, Marc Baron et Stéphane Rives empruntent la même voie. Les trios de saxophonistes, quant à eux, semblent encore plus insolites ! Seul For Trio d’Anthony Braxton marque réellement les esprits. Le disque est publié en 1978 et Braxton y est accompagné d’Henri Threadgill et Douglas Ewart d’une part, et de Joseph Jarman et Roscoe Mitchell de l’autre, mais les musiciens ne jouent pas que du saxophone. Et encore moins dans une configuration baryton – basse – basse… NNNR est donc peut-être une première mondiale !

Au doux combat mejoindre sort en mai 2017 sur le label Mr Morezon, du collectif éponyme. La conception originale de la pochette – graphisme du logo, photos noir et blanc pixélisées, minimalisme de l’ensemble – est signée Rovo. Sept morceaux sont au programme, tous écrits par Démereau sauf « Mystérieux O », qui est une composition de Maffiolo. La plupart des titres des morceaux font référence à la littérature : « Lance au bout d'or » est extrait du poème érotique Au doux combat me joindre, tiré du recueil Gayetez (1553) de Pierre de Ronsard ; « Sludden » se réfère certainement à l’un des protagonistes principaux de Lanark (1981), le roman d’Alasdair Gray ; « Theodore Larue » est le héros du Désert américain (2004) de Percival Everett ; « Solovieï » est le personnage central de Terminus radieux (2014) d’Antoine Volodine

A l’instar de la musique minimaliste, NNNR base le plus souvent ses développements mélodiques sur des décalages de boucles répétitives (« Das Blasse Gesicht ») ou des ostinatos imbriqués (« Theodore Larue »), mais aussi sur des riffs musicaux (« Lance au bout d'or »). Le trio joue avec la tessiture inhabituelle des instruments, des modulations et des superpositions de notes tenues pour créer des effets harmoniques (« Mystérieux O »). La traditionnelle section piano – contrebasse – batterie laisse place à des échanges de motifs isolés vifs et heurtés (« Sludden ») qui swinguent (« No More DB »), jusqu’à évoquer une walking bass (« Solovieï »). Mais la principale caractéristique de NNNR, c’est de s’amuser avec le timbre des saxophones basses et baryton, de mettre une énergie peu commune dans leurs improvisations et d’utiliser les techniques de jeu étendues à tout va : barrissements, sirènes, klaxons, claquements, touches, vrombissements, souffles, cris, pédales… Tout y passe !

Puissante, originale et tendue, la musique de No Noise No Reduction est curieuse pour son instrumentation et surprenante de créativité. Alors, comme l’écrivent les anglo-saxons dans leurs méls : qui veut écouter Au doux combat me joindre ? Negative Notification Not Required…

Liste des morceaux

01. « Das Blasse Gesicht » (07:35).
02. « No More DB » (07:56).
03. « Mystérieux O », Maffiolo (05:30).
04. « Sludden » (02:51).
05. « Lance au bout d'or » (05:54).
06. « Theodore Larue » (03:44).
07. « Solovieï » (07:30).

Tous les morceaux sont signés Démereau sauf indication contraire.