Au doux combat me joindre
No Noise No Reduction
Marc Démereau (bs), Marc Maffiolo (basse s) et Florian
Nastorg (basse s)
Mr Morezon 014
Sortie le 18 mai 2017
Créé en 2002, le collectif toulousain Freddy Morezon
regroupe des artistes aussi variés que Christine
Wodrascka, Robin Fincker, Fabien Duscombs, Didier Kowarsky… pour n’en citer que quelques-uns, mais animés d’un
même esprit : improviser et innover.
Et ce n’est pas NNNR, alias No Noise No Reduction, qui nous
fera mentir : ce power trio est constitué d’un saxophone baryton, Marc Démereau, et de deux saxophones
basses, Marc Maffiolo et Florian Nastorg. A cette
instrumentation inédite, s’ajoute une approche musicale jusqu’au-boutiste faite
de free, de rock underground et de musique minimaliste.
En 1936, Marcel Mule
est l’un des premiers à monter une formation uniquement de saxophones : le
Quatuor de saxophones de Paris. Si dans la musique classique et contemporaine
les ensembles de saxophones restent plutôt rares, ils le sont bien plus dans le
jazz… A la fin des années soixante-dix, Hamiet
Bluiett, Julius Hemphill, Oliver Lake et David Murray forment le groupe sans doute le plus connu : le
World Saxophone Quartet. En France, dans les années quatre-vingt, François Jeanneau, Jean-Louis Chautemps, Philippe
Maté et Jacques DiDonato fondent
le Quatuor de saxophones. Dans les années deux mille, Jean Luc Guionnet, Bertrand
Denzler, Marc Baron et Stéphane Rives empruntent la même voie.
Les trios de saxophonistes, quant à eux, semblent encore plus insolites !
Seul For Trio d’Anthony Braxton marque réellement les esprits. Le disque est publié
en 1978 et Braxton y est accompagné d’Henri
Threadgill et Douglas Ewart d’une
part, et de Joseph Jarman et Roscoe Mitchell de l’autre, mais les
musiciens ne jouent pas que du saxophone. Et encore moins dans une
configuration baryton – basse – basse… NNNR est donc peut-être une première
mondiale !
Au doux combat mejoindre sort en mai 2017 sur le label Mr Morezon, du collectif éponyme. La conception
originale de la pochette – graphisme du logo, photos noir et blanc pixélisées,
minimalisme de l’ensemble – est signée Rovo. Sept morceaux sont au programme,
tous écrits par Démereau sauf « Mystérieux O », qui est une composition
de Maffiolo. La plupart des titres des morceaux font référence à la littérature :
« Lance au bout d'or » est extrait du poème érotique Au doux combat
me joindre, tiré du recueil Gayetez (1553)
de Pierre de Ronsard ; « Sludden »
se réfère certainement à l’un des protagonistes principaux de Lanark (1981), le roman d’Alasdair
Gray ; « Theodore Larue » est le héros du Désert américain (2004) de Percival Everett ; « Solovieï »
est le personnage central de Terminus
radieux (2014) d’Antoine Volodine…
A l’instar de la musique minimaliste, NNNR base le plus
souvent ses développements mélodiques sur des décalages de boucles répétitives («
Das Blasse Gesicht ») ou des ostinatos imbriqués (« Theodore Larue »), mais
aussi sur des riffs musicaux (« Lance au bout d'or »). Le trio joue avec la tessiture
inhabituelle des instruments, des modulations et des superpositions de notes
tenues pour créer des effets harmoniques (« Mystérieux O »). La traditionnelle
section piano – contrebasse – batterie laisse place à des échanges de motifs
isolés vifs et heurtés (« Sludden ») qui swinguent (« No More DB »), jusqu’à
évoquer une walking bass (« Solovieï »). Mais la principale caractéristique de
NNNR, c’est de s’amuser avec le timbre des saxophones basses et baryton, de
mettre une énergie peu commune dans leurs improvisations et d’utiliser les
techniques de jeu étendues à tout va : barrissements, sirènes, klaxons, claquements,
touches, vrombissements, souffles, cris, pédales… Tout y passe !
Puissante, originale et tendue, la musique de No Noise No
Reduction est curieuse pour son instrumentation et surprenante de créativité. Alors,
comme l’écrivent les anglo-saxons dans leurs méls : qui veut écouter Au doux combat me joindre ?
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Liste des morceaux
01. « Das
Blasse Gesicht » (07:35).
02. « No
More DB » (07:56).
03. « Mystérieux O », Maffiolo (05:30).
04. « Sludden » (02:51).
05. « Lance au bout d'or » (05:54).
06. « Theodore Larue » (03:44).
07. « Solovieï » (07:30).
Tous les morceaux sont signés Démereau sauf indication contraire.