Créé il y a cinq ans,
Trio Barolo enregistre Le ballet des airs
en 2013 et c’est à l’occasion de leur deuxième opus, Casa Nostra, qu’il se produit au Studio de l’Ermitage le 19
septembre 2017.
Quand l’Italie, la France et la Crète se rencontrent : Trio
Barolo est formé du tromboniste Francesco
Castellani (Conservatoire Royal de Bruxelles, et Académie Internationale de
Musique de Cologne…), du contrebassiste Philippe
Euvrard (Opéra de Paris, Jane Birkin, Jérôme Savary…) et de l’accordéoniste
– pianiste – chanteur Rémy Poulakis
(Conservatoire National de Lyon…). Trio Barolo collabore également avec la
compagnie circassienne les Nouveaux Nez et, depuis une résidence à l’Amphi Jazz
de l’Opéra de Lyon en 2016, il se transforme souvent en quartet ou quintet en
compagnie du guitariste Kevin Seddiki,
du percussionniste Anthony Gatta ou
du clarinettiste Carjez Gerretsen
(invité sur deux titres de Casa Nostra).
Produit par La Belle Anaphore, Casa Nostra a été enregistré au Studio La Buissonne par Gérard de Haro. Le concert reprend huit
des neuf morceaux du disque, tous signés Castellani ou Euvrard, sauf
« Mike P », un thème de Philippe
Petrucciani, et « E lucevan le stelle », tiré de la Tosca de Giacomo Puccini. Le trio joue également
« Le ballet des airs » du premier album éponyme, une valse musette
d’Euvrard et « Maghreb » de Castellani.
Le déroulé du « ballet des airs », qui entame le
concert, reflète plutôt bien l’esprit de la musique du Trio Barolo. Souffle, sifflements
et ostinato introduisent le morceau, suivi de l’exposition du thème par le
trombone et l’accordéon à l’unisson, sur un motif répétitif de la contrebasse.
Castellani, sonorité soyeuse et sens mélodique infaillible, enchaîne sur un
solo élégant, repris par Poulakis, qui double es phrases véloces de l’accordéon
avec des vocalises, tandis qu’Euvrard joue son riff, imperturbable. Les
morceaux transgressent joyeusement les genres. Trio Barolo assaisonne son jazz de
valse (« Chel’Pro Valse » - titre approximatif), musique de film (Ennio Morricone dans « Mike
P »), folklore oriental (« Malahim »), airs des Balkans
(« Barolo Nuevo »), musique classique (« E lucevan le
stelle »), dialogues échevelés (« Tirana »)…
Tout au long du concert, le trombone se montre majestueux
(« Malahim »), velouté (« Barolo Nuevo »), voire touchant
(« Carla »), avec une mise en place rythmique entraînante
(« Tirana ») et un à propos mélodique affuté (« Casa Nostra »),
pimenté de citations (« My Favorite Things »
dans « Mike P »). Quand Castellani chante, les airs
traditionnels d’Ombrie pointent à la surface (« Barolo Nuevo »,
« Tirana »)... L’accordéon passe du rôle d’accompagnateur, avec ses
suites d’accords (« Carla »), ses contrepoints (« Maghreb »)
ou ses ostinatos (« Casa Nostra »), à celui de soliste virevoltant («
Tirana »), dansant (« Chel’Pro Valse »), orientalisant
(« Casa Nostra »)… Comme les contrebassistes Slam Stewart et Major Holley
en leur temps, Poulakis chantonne à l’unisson de l’accordéon avec
virtuosité (« Barolo Nuevo »), ce que lui permet sa solide formation
de chanteur lyrique. L’opéra s’invite d’ailleurs à la soirée quand le ténor se
lance dans la célébrissime romance « E lucevan le stelle ». Euvrard met
sa belle sonorité grave et boisée au service du trio : riffs
(« Malahim »), boucles (« Casa Nostra »), lignes dansantes
parsemées de shuffle (« Chel’Pro Valse ») et pédales (« E
lucevan le stelle ») soutiennent d’autant mieux les solistes que le jeu du
contrebassiste est carré (« Carla »), à l’instar du chorus mélodieux
et tendu de « Barolo Nuevo ». L’archet
permet d’ajouter non seulement des effets électro (« Mare Nostrum »)
ou rythmiques (« Maghreb »), qui viennent relever les morceaux, mais
aussi de l’ampleur au discours du quartet (« Mike P »). De sa
formation classique, Gerretsen en tire une aisance technique à toute épreuve (« Tirana »),
une sonorité limpide (« Barolo Nuevo ») et un phrasé précis (« Mike
P »). La clarinette amène une touche mélancolique, notamment dans les duos
avec l’accordéon, quelques couleurs orientales (« Maghreb ») et beaucoup
d’élégance (« Carla »).
Euvrard et Castellani se partagent la présentation des
morceaux et racontent volontiers des anecdotes : « Malahim », qui
signifie les anges, est la langue des séfarades espagnols ; Castellani est
originaire d’Ombrie et, d’ailleurs, le nom du trio est un hommage direct à
l’Italie et au vin éponyme de la région du Piémont ; « Carla »
est dédié à l’épouse du tromboniste et Gerretsen n’est autre que le fils de
Castellani, avec lequel le trio a joué lors d’une résidence à l’Opéra de
Lyon en 2016 ; c’est aussi le clarinettiste qui a soufflé à son père le
nom de Pouliakis ; « les voyages forment la jeunesse, mais les voyages forment aussi la musique… »
constate philosophiquement Euvrard, en présentant « Tirana » ;
quant au titre du disque, « Casa Nostra », il évoque une résidence à
Casablanca en compagnie de musiciens d’Agadir, avec lesquels le trio s’est
senti « comme à la maison » ; « Mike
P » est un clin d’œil à Michel
Petrucciani, à qui Bill Evans
avait suggéré de raccourcir son nom s’il voulait faire carrière en
Amérique ; « Chel’Pro Valse » est une valse musette inspirée par
les guinguettes du Val de Marne et « Maghreb », un air rapporté par
Castellani d’une tournée en Algérie…
Généreux et enthousiaste, Trio Barolo propose une musique
chaleureuse, dans laquelle mélodies et rythmes entraînent l’auditeur dans un
univers lumineux : Casa Nostra est
un beau un voyage autour de la Méditerranée, la « Mare Nostrum » et
ses civilisations.
Le disque
Casa Nostra
Trio Barolo
Rémy Poulakis (acc, voc), Francesco Castellani (tb, Conque,
voc) et Philippe Euvrard (b), avec Carjez Gerretsen (cl, bcl)
Ana Records – ANA 102/2
Sortie en août 2017
Liste des morceaux
01. « Malahim »,
Euvrard (4:22).
02. « Casa
Nostra », Euvrard (6:46).
03. « Carla »,
Castellani (5:30).
04. « Barolo
nuevo », Euvrard (5:44).
05. « Mare
nostrum », Euvrard (1:59).
06. « Mike
P », Philippe Petrucciani (7:05).
07. « Tirana »,
Euvrard (5:24).
08. « E
lucevan le stelle », Giacomo Puccini (5:18).
09. « Carossello »,
Castellani (5:15).