Une fois n’est pas coutume, c’est de peinture et non pas de musique que
nous allons parler, mais, finalement, le but de l’improvisation picturale n’est-il
le même que celui de l’improvisation musicale ?
Le CERN, les champignons et la
subligraphie...
Le 8 novembre 2018, à Genève, la galerie Images de Marque et VolMeur
inaugurent « Breaking The Mould », une exposition inédite en
coopération avec le Centre Européen pour la Recherche Nucléaire...
Il y a deux ans, Jean-Yves Le Meur et Matteo Volpi,
deux ingénieurs du CERN, tombent sur une collection d'archives photographiques de
tunnels, de réacteurs, de hangars, de routes, de bâtiments... Mais voilà, avec
le temps, les motifs et couleurs des diapositives ont été dévorés, malaxés,
engloutis, digérés et déféqués par une armée de champignons gloutons. Projeté,
le résultat est fascinant : des images fantasmagoriques défilent à l'écran,
entre déformations abstraites et transformations figuratives. Les deux
artistes, qui n'en font désormais plus qu'un, VolMeur, décident de révéler ces œuvres
d'art au grand public grâce à un procédé inouï : la subligraphie. En bref,
cette méthode d'impression permet de transférer des images sur pratiquement
n'importe quel support traité au polyester, par pression à haute
température. Le résultat est bluffant : couleurs, contrastes et luminosité sont
rendus avec une exactitude et une présence flamboyante.
A défaut de titre, la nomenclature de Mendeleïev suivie du
numéro de tirage me semble judicieuse comme petit nom pour les œuvres de
VolMeur : Zn-1 est donc arrivé
le 1er janvier 2018. Il n’est pas exposé dans « Breaking The
Mould », mais reflète à merveille l’univers des VolMeur. Tableau au format
portrait de soixante sur quarante centimètres, Zn-1 appartient
à la période abstraite. La construction rythmique du tableau se divise en trois
parties scindées de haut en bas d'une manière harmonieuse, avec un quart
d'en-tête, un demi de corps et un quart de pied. Les couleurs se complètent
subtilement : une bande rouge coiffe un dégradé de gris séparé par une ligne
noire d'un aplat blanc. L'ensemble est constellé de points, traits, rayures, tâches...
qui viennent se mêler aux gris et donnent du tempérament au tableau. Si la
dominante de gris-blanc inviterait à l'apaisement, le contraste avec le bandeau
rouge met Zn-1 sous tension. D’autant
plus que les teintes chaudes qui surplombent les couleurs froides créent un
déséquilibre salutaire. D’un caractère bien trempé, Zn-1 invite l’imagination de chacun à se perdre avec délectation dans
ce paysage mystérieux, comme un champ de neige par temps gris sous un ciel
embrasé… Mais à chacun de trouver ce qu’il veut y voir !
VolMeur met en tableau la détérioration, joue avec la nature et la chimie, et
crée un monde fantastique… « Breaking The Mould » (ou « Breaking
The Mold » ?) est à voir et revoir !... avec ou sans les Spiritual Dimensions de Wadada Leo Smith dans les oreilles…