19 juin 2020

Tzimx – Mirtha Pozzi


Tzimx, le dernier opus en date de Mirtha Pozzi sort en mai 2020 chez Nowlands. Spécialiste des onomatopées, Pozzi explique que le titre du disque vient du « Tzim ! Dzing ! ou Tsimm ! » des cymbales. Percussions / Multiples, le sous-titre du disque illustre également le projet : un disque de percussions ou les multiples sont caractérisés par les interventions électroacoustiques de Pablo Cueco et de l’ingénieur du son Christophe Hauser.

Les seize compositions sont signées Pozzi, qui cite John Cage et Luc Ferrari comme influences. La musicienne explique dans les notes de la pochette que « la musique s’organise en quatre épisodes de quatre titres chacun, extraits de quatre zones sonores ».

- La suite « Insinuo... », qui joue sur un contraste entre des sons électro-acoustiques et des percussions métalliques, s’inscrit dans « la zone musique mixte ». Elle est, par ailleurs, associée à quatre dessins et collages, œuvres de Pozzi.

- Les quatre « Touch’... » sont des mouvements pour des orgues de percussions et font partie de « la zone claviers de sons indéterminés ».

- « La zone des poèmes sonores » met en scène la voix et les peaux. Elle regroupe « Mkata Sch » et « Mkata Ixs », tirés d’Autrement dit, « K.K.O. Pikoté » inspiré d’un poème de Bernard Réquichot et « Gadji Beri Bimba », d’après une poésie d’Hugo Ball.

- Les quatre « Fla... » font partie de « la zone cuik-plak-tri-güamik » et s’organisent autour d’une introduction sur des tam-tams, suivie de développements sur des tambours préparés



Autrement dit, Tzimx est constitué de quatre suites en quatre mouvements qui se succèdent dans le même ordre d'une suite à l'autre : « Insinuo », « Touch'... », « Mkata... » et « Fla... ». Chacun des mouvements s'inscrit dans une logique de traitements sonores et rythmiques cohérents. Ce qui structure les suites et donne des repères à l'auditeur. Dans les premiers mouvements (« insinuo... »), la complémentarité des effets électro-acoustiques et des cliquetis, crissements et autres grincements sur les cymbales rappellent les Percussions de Strasbourg (« Insinuo IN ») et la musique acousmatique (« Insinuoso SO »). Avec leurs rythmes dansants, les deuxièmes mouvements (« Touch'... ») laissent la part belle aux tambours qui évoquent l'Afrique (« Touch' convexes ») et le gamelan (« Touch' métamorphiques »). Associés aux roulements serrés sur les percussions, les murmures, souffles, chuchotements ou onomatopées des troisièmes mouvements leur donnent une tonalité étrange, un peu comme des incantations (« Gadji Beri Bimba »). Quant aux quatrièmes et derniers mouvements, ils renouent avec des rythmiques graves (« Fla plak »), des résonances profondes (« Fla tri ») et un foisonnement de jeux sonores (« Fla güamik »).

Amateurs inconditionnels de chansons douces et autres ritournelles mélodieuses, passez votre chemin : Tzimx triture peaux et métaux dans un feu d'artifice de rythmes et de textures sonores !

Le disque

Tzimx – Percussions / Multiples
Mirtha Pozzi
Mirtha Pozzi (voc, percussions), avec Pablo Cueco (électro).
Nowlands / TAC – TAC017
Sortie le 15 mai 2020

Liste des morceaux

1. « Insinuoso IN » (3:41).
2. « Touch’ métamorphiques » (06:34).
3. « MKATA SCH » (03:15).
4. « Fla CUIK » (03:51).
5. « Insinuoso SI » (03:23).
6. « Touch’ NOCT » (03:07).
7. « K.K.O. PIKOTÉ » (04:29).
8. « Fla PLAK » (04:39).
9. « Insinuoso NUO » (02:51).
10. « Touch’ convexes » (05:05).
11. « MKATA IXS » (01:43).
12. « Fla TRI » (04:28).
13. « Insinuoso SO » (05:02).
14. « Touch’ DIUR » (02:35).
15. « GADJI BERI BIMBA » (03:21).
16. « Fla GÜAMIK » (07:10).

Toutes les compositions sont signées Pozzi sauf indication contraire.

16 juin 2020

Up – Pericopes+1

These Human Beings et Legacy, publiés respectivement en 2015 et 2018, avaient permis de découvrir Pericopes+1, trio composé du saxophoniste ténor Emiliano Vernizzi, du claviériste Alessandro Sgobbio et du batteur Nick Wight. Les trois musiciens récidivent avec Up, qui sort en mars 2020 chez Losen Records.

Sgobbio et Vernizzi se partagent huit titres et le trio joue également « Sultans of Swing », le tube de Dire Straits, composé par Mark Knopfler en 1977. Les thèmes trouvent leur source d’inspiration dans les hymnes luthériens (« Martyrlied »), les textes du poète russe Ossip Mandelstam (« Gorod Malinov »), la conquête spatiale et Youri Gagarine (« Disco Gagarin », « The Earth’s Shape »), l’école (« La Rentrée »), les voyages (« Danza di Kuwa »), les mondes alternatifs (« Ucronia ») et les contes (« Wonderland »). Le trio fait appel à un quatuor à cordes pour accompagner « The Earth’s Shape ».

Des ballades aériennes (« Wonderland »), qui se déroulent dans des atmosphères tranquilles (« Ucronia »), parfois solennelles (« Danza Di Kuwa »), côtoient des morceaux aux rythmes chaloupés (« Gorod Malinoy »), heurtés (« Disco Gagarin »), voire binaires et puissants (« Sultans of Swing »), avec un zeste de funk (« La Rentrée »). Piano et saxophone alternent lyrisme (« Sultans of Swing »), phrases sinueuses (« Ucronia ») et envolées déchirées (« Martyrlied »). Le trio mise sur des interactions élégantes : entrelacs de voix (« Wonderland »), contre-chants (« Ucronia ») et unissons (« La Rentrée »), mais aussi des boucles répétitives dans l’esprit de la musique minimaliste (« Disco Gagarin »). Ces échanges se déroulent dans des décors sonores dignes de films de science-fiction, avec des effets électro sur différents plans (« The Earth’s Shape »), des voix off (« Danza Di Kuwa »), des bruitages spatiaux (accentués par les cordes dans « The Earth’s Shape »)… Les trois hommes gèrent habilement la tension (« Wonderland »), portée par les frappes serrées de la batterie (« Ucronia ») et les riffs (« Danza Di Kuwa ») ou ostinato (« Disco Gagarin ») du piano (« Martyrlied »), sans oublier une bonne dose d’humour (ode finale de « Disco Gagarin »).

Power trio musclé, Pericopes+1 livre un Up aux contours expérimentaux et cinématographiques.

Le disque

Up
Pericopes+1
Emiliano Vernizzi (ts, électro), Alessandro Sgobbio (p, kbd) et Nick Wight (d), avec Anna Apollonio, Giulia Pontarolo (vl), Margherita Cossio (alto) et Andrea Musto (cello).
Losen Records – LOS 225-2
Sortie le 6 mars 2020

Liste des morceaux


1. « Wonderland », Sgobbio (5:07).
2. « Ucronia », Venizzi (6:52).
3. « Disco Gagarin », Venizzi (6:17).
4. « The Earth´s Shape », Venizzi (6:14).
5. « Danza di Kuwa », Venizzi (8:51).
6. « Martyrlied », Sgobbio (7:34).
7. « Gorod Malinoy », Sgobbio (6:11).
8. « La Rentrée », Sgobbio (8:17).
9. « Sultans of Swing », Mark Knopfler (5:38).

13 juin 2020

A la découverte de Vincent Peirani…


Depuis le début des années deux mille, entre le Sweet & Sour de Daniel Humair, Youn Sun Nah, les duos avec Michel Portal, Emile Parisien ou Michael Wollny, le quintet Living Being… Vincent Peirani s’est imposé comme l’un des accordéonistes incontournables de la scène des musiques improvisées. La sortie d’Abrazo, nouveau duo avec Parisien, le 28 août 2020, est une excellente occasion pour partir à la découverte de ce virtuose du piano à bretelles…


La musique

Mon père m’a imposé l’accordéon : ça aurait pu très mal se passer, mais finalement… J’ai donc commencé la musique avec mon père, qui avait été musicien amateur. Ensuite j’ai suivi des études classiques de clarinette au conservatoire de Nice.

Dans les années deux mille j’ai découvert le jazz grâce à deux disques – You Must Believe in Spring de Bill Evans et Flashback de Sixun – puis, installé à Paris en 2000, je fréquente des clubs de jazz. Ensuite je suis entré au Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris et j’ai fait des rencontres, beaucoup de rencontres !

Beaucoup de musiciens m’ont influencé : Evans, Joe Zawinul, Pat Metheny, Led Zeppelin, Deep Purple, Hermeto Pascoal, Frank Zappa, Egberto Gismonti, Léo Ferré, Leonard Bernstein… et bien d’autres encore !... Mais la liste serait définitivement trop longue !


Cinq clés pour le jazz

Qu’est-ce que le jazz ? Une grande partie de ma vie, avec le reste de la musique… [sourire]

Pourquoi la passion du jazz ? C’est sans fin ! Il évolue en permanence… C’est infini !

Où écouter du jazz ? Mieux vaut rester libre – comme le jazz – sur le choix du lieu et du moment…

Comment découvrir le jazz ? Dans un premier temps, il faut être curieux. Et je dirais aussi qu’il faut prendre le temps car le jazz est une grande famille, avec beaucoup d’enfants et de cousins ! On peut ne pas les aimer tous, mais je reste convaincu qu’on peut en adorer beaucoup si on cherche bien !

Une anecdote autour du jazz ? Michel Portal – un de mes héros – est à lui seul une sorte d’histoire du jazz et bien plus encore ! J’ai la chance d’avoir parcouru le monde à ses côtés pendant quelques années, en duo. J’ai donc eu l’occasion d’entendre énormément d’anecdotes. Le bonus, c’est que Michel est un acteur né et quand il raconte une histoire, quelle qu’elle soit, l’histoire est toujours exceptionnelle !

Je me souviens qu’il m’a raconté un jour qu’il a eu la chance d’essayer le saxophone alto de Charlie Parker car il connaissait sa femme, Chan. Il se retrouve donc chez elle – je crois – pour essayer le saxophone. Mais au moment où il va mettre le bec dans sa bouche, un portrait de Parker accroché au mur tombe avec fracas sur le sol et coupe net l’action et l’enthousiasme de Michel… Du coup, il a cru à un signe et n’a plus voulu essayer le saxophone ! C’est finalement Chan Parker qui, plus tard, a insisté pour qu’il l’essaye…


Vincent Peirani (c) PLM


Le portrait chinois

Si j’étais un animal, je serais un singe, voire même un ouistiti, parce que c’est ce que tout le monde dit !
Si j’étais une fleur, je serais un souci, parce que c’est un sujet que je maitrise…
Si j’étais un fruit, je serais un fruit du dragon, parce qu’il est funky !
Si j’étais une boisson, je serais de l’eau : simple, universelle et vitale !
Si j’étais un plat, je serais de la soupe, car il paraît que ça fait grandir… [sourire]
Si j’étais une lettre, je serais Z, parce qu’elle est sympa cette lettre : je l’ai mise à chaque fois dans les prénoms de mes enfants… Et puis Zorro, c’était mon héros !
Si j’étais un mot, je serais Charabia, parce qu’on ne comprend pas toujours ce que je dis… Moi non plus d’ailleurs !
Si j’étais un chiffre, je serais un chiffre… Donc entre 0 et 10 ! 1 ou 0, pour rester dans le système binaire, une forme de langage… Sinon je serais un nombre : 1970, l’année où j’aurais rêvé avoir 20 ans !
Si j’étais une couleur, je serais bleu, parce que c’est comme ça… Je ne sais pas pourquoi !
Si j’étais une note, je serais 17, mais je ne dirais pas sur combien… [rire] Et j’ai bien compris que ce n’était pas la réponse attendue !


Les bonheurs et regrets musicaux

Ma réussite musicale est à venir ! [rire] Et je n’ai aucun regret : ce n’est pas le genre de la maison !




Sur l’île déserte…

Quels disques ? Play de Bobby McFerrin et Chick Corea.

Quels livres ? Monk de Laurent de Wilde.

Quels films ? Cinema Paradiso de Giuseppe Tornatore.

Quelles peintures ? TOUT Jean-Michel Basquiat, Vassily Kandinsky, Cy Twombly et Piet Mondrian. Des trucs simples, quoi !

Quels loisirs ? La boxe.


Les projets


Il y a le duo avec Emile Parisien et mon quintet Living Being, mais j’ai également un nouveau projet sur lequel je travaille depuis un petit moment : Jokers, un trio avec Federico Casagrande à la guitare et Ziv Ravitz à la batterie.




Trois vœux…

1.      Avoir 16 enfants d’ici la fin de ma vie
2.      Ne pas vieillir… [sourire]
3.      Grandir ! [sourire]

09 juin 2020

Imaginary Stories – Gabriel Midon

Formé d’abord au piano, puis au saxophone, pour finalement adopter la contrebasse, Gabriel Midon enregistre un premier disque avec son quartet, Between Corridors, en 2017. Le 15 mai 2020 Midon sort un deuxième album sous son nom, Imaginary Stories, chez Soprane Productions.

Pour ce nouvel opus, Midon change d’orientation. D’abord, les membres du quartet de base ont tous changé : Pierre Bernier est désormais au saxophone ténor, Edouard Monnin au piano et Baptiste Castets ou Thomas Delor, à la batterie. La voix d’Ellinoa et le guitariste Simon Martineau rejoignent le combo, et un quatuor à cordes vient également étoffer la palette sonore, avec Antoine Delprat et Anne Darrieu au violon, Maria Zaharia à l’alto) et Louise Leverd au violoncelle.

Midon a composé les treize thèmes d’Imaginary Stories : les quatre « Poursuite », la « Storytelling » et son introduction, les deux morceaux dédiés à la comète de Halley, l’intermède « Soumission » et quatre titres aux influences variées : « Capoï » (c’est bon ?), « L’Elm » (évocation de la chaîne de collines boisées de Saxe, du langage de programmation, de l’Extreme Language Machine ou autre...), les fleurs (« Song In Super Fuchsia ») et la lune (« Je n’ai pas vu le jour de la lune... »).

Les trois chansons (« L’Elm », « Halley ne passera plus » et « Storytelling »), évoquent ça-et-là la mélodie française, notamment par la présence du quatuor à cordes et les paroles, volontiers poétiques. Les autres thèmes semblent avant tout servir de prétexte aux développements harmoniques et mélodiques du groupe (« Poursuite N°2 »). La plupart des morceaux sont articulés autour de différents tableaux, qui alternent mouvements d’ensemble et chorus, avec des changements de rythmes et d’ambiances (« Poursuite N°4 »). Midon travaille les textures, avec les vocalises d’Ellinoa – le plus souvent à l’unisson d’un instrument (« Song In Super Fuchsia ») – et les cordes, qui jouent des chœurs aériens en arrière-plan (« Poursuite N°1 »), le tout dans une atmosphère souvent éthérée (« Soumission ») . Relativement discret, Martineau double la voix et inscrit ses solos dans une lignée post-bop (« Song In Super Fuchsia »). Bernier joue également dans une veine néo-bop ( Não Vi O Dia Da Lua »), avec des envolées tendues (« L’Elm ») ou sinueuses (« Après Halley »), et des contre-chants subtils (« Halley Ne Passera Plus »). Monnin passe de riffs musclés (« Não Vi O Dia Da Lua ») à des solos plein de swing (« Halley Ne Passera Plus »), pimentés de traits funky (« The Storytelling »). Castets et Delor sont dynamiques de A & Z, avec des lignes virevoltantes (« Song In Super Fuchsia »), des accents Latinos (« Não Vi O Dia Da Lua »), des frappes touffues (« Poursuite N°4 »), des cliquetis (« Poursuite N°2 Part II ») et un foisonnement de tous les instants (« Après Halley »). Quant au bassiste-leader, Midon, il met au service de son orchestre ses phrases sinueuses et mobiles (« L’Elm »), ses introductions mélodieuses (« Song In Super Fuchsia »), ses motifs légers (« Poursuite N°4 »), tout en souplesse (« Poursuite N°1 ») et entraînants (« The Storytelling »).

Les Imaginary Stories de Midon reflètent un univers onirique certes, mais moderne et tendu.

Le disque

Imaginary Stories
Gabriel Midon
Ellinoa (voc), Pierre Bernier (sax), Simon Martineau (g), Edouard Monnin (p), Gabriel Midon (b), Baptiste Castets ou Thomas Delor (d), avec Antoine Delprat, Anne Darrieu (vl), Maria Zaharia (alto) et Louise Leverd (cello).
Soprane – SP102
Sortie le 15 mai 2020

Liste des morceaux

1. « Capoï ! » (1:14).
2. « L’Elm » (8:10).
3. « Song In Super Fuchsia » (7:48).
4. « Não Vi O Dia Da Lua » (6:51).
5. « Poursuite N°4 » (5:40).
6. « Poursuite N°2 Part I » (1:36).
7. « Poursuite N°2 Part II » (4:14).
8. « Soumision » (1:39).
9. « Halley Ne Passera Plus » (6:20).
10. « Après Halley » (1:40).
11. « Poursuite N°1 » (5:27).
12. « The Storytelling - Intro » (0:58).
13. « The Storytelling » (5:15).

Toutes les compositions sont signées Midon.

05 juin 2020

A la découverte de Guillaume Perret…


Une base de jazz, assaisonnée d’électro, pimentée de rock progressif et d’un brin d’ambient, la musique de Guillaume Perret relève autant de la tradition que de la science-fiction. Un son et un univers musical aussi personnels attisent la curiosité et l’envie de partir à la découverte de cet artiste inclassable…


La musique

J’ai toujours voulu un sax comme instrument principal et rien d’autre. Dès que j’ai pu en avoir un, à sept ans, je me suis immédiatement mis à en jouer comme si je savais comment faire… Ce qui n’était pas vraiment le cas !

A six ans, j’entre au Conservatoire à Rayonnement Régional d’Annecy, dans la section classique, mais avec un tempérament d’autodidacte, qui veut toujours tout faire à sa manière… Elève irrégulier, timide en cours, avec des mauvaises notes en théorie musicale – ce n’est que bien plus tard que je m’y suis mis, quand j’ai pu en saisir l’intérêt – je m’en suis sorti grâce aux dictées de notes et en vivant les examens comme des concerts !

Au conservatoire, dès le début, je guette l’orchestre d’harmonie qui joue de temps en temps un peu de Glenn Miller. Quand les premiers ateliers jazz et le big band junior ont été créés, je me suis mis au ténor : avoir le droit d’improviser a été une révélation !

J’ai réussi mes diplômes de conservatoire Jazz et Classique avec les félicitations, puis le Diplôme d’État de professeur de musique en candidat libre. A côté, je participe à une multitude de jam sessions et de concerts, soit dans un esprit « sérieux », quand je joue du jazz avec des aînés, soit avec mes amis et, dans ce cas, je joue beaucoup de percussions ou de flûtes, que je fabrique moi-même. J’apprends aussi des techniques d’autres pays et fais beaucoup de rue. Johann Sebastian Bach, Dexter Gordon, Frank Zappa, Hariprasad Chaurasia, King Crimson, toute la période de Jazz Ethiopien, John Surman… comptent parmi mes influences principales.

Vers dix-neuf ans, à Genève, une jam session m’a ouvert la scène musicale suisse. Cela m’a permis d’avoir beaucoup d’expériences de sideman et de jouer en priorité dans des projets qui m’ont donné la possibilité de me développer artistiquement : jazz, expérimental, urbain, DJs, Funk, Africain, Latin… Sans jamais avoir besoin de faire des animations ou des concerts alimentaires. En parallèle, j’ai également beaucoup appris en donnant des cours. C’est aussi à cette période que j’ai commencé à voyager pour aller jammer plus loin : Londres, New-York, Berlin… Et peu de temps après, j’ai reçu mes premières commandes pour des musiques de spectacles, théâtre, danse... Je suis resté en Suisse plusieurs années et fait des tournées sur tous les continents avec ces différents projets, mais rarement en France.

En 2009, une fois que j’ai trouvé mon son, j’arrive à Paris avec mes pédales d’effets et un kilo de compositions… mais je ne connais personne et personne ne me connait ! Je commence donc par jouer tous les soirs dans différentes jam sessions pour me connecter. Au début je travaille même le sax dans un parking souterrain… Petit à petit, je trouve un local, des musiciens qui me plaisent et monte mon premier projet en leader : The Electric Epic. Après quelques années de mise en place, à gérer tout moi-même, le projet décolle et je finis par recevoir beaucoup de propositions de la part de plusieurs producteurs. Les deux albums que je sors avec ce groupe sont bien accueillis, puis j’en enregistre un autre en solo, tout en continuant de composer ou jouer pour la danse et le cinéma…


Cinq clés pour le jazz

Qu’est-ce que le jazz ? Pour moi, le jazz est un métissage musical ininterrompu, une piste ouverte à l’intégration de toutes sortes d’influences… Né d’un mélange, il n’a cessé de se régénérer après sa soi-disant mort, maintes fois annoncée. Dès ses origines, c’est une musique bâtarde : c’est ce qui en fait sa richesse et sa complexité́. Sous l’effet des mélanges, quasiment exponentiels, le jazz a généré beaucoup de styles différents, tout en gardant cette fraternité et ce respect des anciens qui le caractérisent. Comme moyen d’expression, le jazz permet aussi de pousser les instrumentistes à un haut niveau de performance, ce qui lui donne parfois une mauvaise image, de musique élitiste et compliquée… Pour moi, le jazz reste une musique sauvage, un tremplin pour l’improvisation et la prise de risques…

Pourquoi la passion du jazz ? Le jazz permet de comprendre les concepts de l’harmonie tonale et modale, outils indispensables pour s’adapter et improviser sur n’importe quel style de musique. Le jazz est une clé magique, qui ouvre toutes les portes musicales pour des rencontres et des échanges internationaux.

Comment découvrir le jazz ? C’est toujours passionnant de découvrir la vie des anciens par des livres, récits, films ou documentaires. Ils aident à palper l’énergie de cette époque et de la replacer dans un contexte qui lui donne tout son sens. Du coup, écouter John Coltrane dans les rues de New York à la tombée de la nuit prend une autre dimension ! Il faut réussir à sentir cette vibration...

Aborder le jazz par la base est une bonne chose, mais ce n’est pas la seule... Il faut aussi aller aux concerts : se prendre une bonne dose d’énergie live peut être redoutablement efficace, selon le groupe bien sûr ! [Sourire] C’est pour cela que je recommande mes projets ! [Rires] Ma démarche est d’accrocher le public dès la première note. Il est important pour moi qu’un maximum de spectateurs ressente des sensations fortes. Je donne donc des clés pour que la musique ne soit pas réservée aux spécialistes. Une fois que j’ai accroché la salle, je peux décoller et faire plein de trucs bizarres : le public me suit sans soucis et les connaisseurs y trouvent également leur compte. Je crois que beaucoup de trop jazzmen se soucient avant tout de leur performance instrumentale, comme si de proposer un show, serait ne pas être « pur »… D’où cet aspect élitiste. V’est bien dommage ! En tout cas, moi, en tant que public, je ne veux pas un bon concert, je veux du waouh !


Le portrait chinois

Si j’étais un animal, je serais un singe,
Si j’étais une fleur, je serais une marguerite,
Si j’étais un fruit, je serais une banane,
Si j’étais une boisson, je serais un rhum vieux,
Si j’étais un plat, je serais une côte de bœuf avec un os à moelle au gros sel, une Côte-rôtie et une bonne salade verte
Si j’étais une lettre, je serais G,
Si j’étais un mot, je serais Epic,
Si j’étais un chiffre, je serais 9,
Si j’étais une couleur, je serais rouge,
Si j’étais une note, je serais souvent sol et parfois mi


Les bonheurs et regrets musicaux

Ma plus belle réussite musicale, c’est de pouvoir m’adapter à tout moment, à tout type de musique et à tout type de musicien, légende ou débutant, et d’arriver à faire sonner le tout comme si nous avions travaillé ensemble depuis longtemps. Je trouve toujours une voie et une manière de relier les choses entre elles : dans un premier temps je reste à l’écoute et j’absorbe comme une éponge toutes les propositions musicales, puis j’y réponds clairement, pour mettre le(s) musicien(s) en confiance, sans hésiter à proposer des envolées surprenantes, quand la connexion est faite. Cette possibilité de pouvoir dialoguer à tous moments de manière universelle est, pour moi, la plus grande des richesses. Pendant les tournées, je me joins à toutes sortes de groupes que je rencontre sur ma route ou j’invite des artistes à se joindre à moi, j’adore ça !

Côté regrets, c’est d’avoir été contraint de refuser le Book of Angels que me demandait John Zorn


Sur l’île déserte…

Quels disques ? Upon Reflection de John Surman.

Quels livres ? Le petit Prince d’Antoine de Saint-Exupéry.

Quels films ? Brazil de Terry Gilliam.

Quelles peintures ? Un Paul Gauguin, période polynésienne, ça ira bien dans le décor et, comme ça, j’aurai une présence féminine ! [Rires]

Quels loisirs ? De la plongée en apnée et des cabanes dans les arbres…



Les projets

D’abord, la sortie de A Certain Trip le 5 juin 2020 : j’en suis content et ça va être fort à tourner car l’équipe est soudée !

Par ailleurs, depuis quelques temps, je travaille sur une nouvelle formule magique, qui devrait me permettre de générer des collaborations nombreuses et variées dans d’autres cercles musicaux que celui du jazz… Mais je n’en dis pas plus pour le moment !

A part ça, je compose toujours des musiques pour les spectacles de différentes compagnies, et, notamment, depuis trois ans, pour celle de Carolyn Carlson, que j’aime beaucoup.



Trois vœux…

1. Pouvoir rester toujours curieux, alerte, créatif et productif… 


2. Pouvoir me détacher complètement de tout l’aspect communication et promotion…Même si j’adore mon agence de presse ! [Clin d’œil] 


3. Réussir à concevoir un jour une musique complètement épurée et d’une extrême puissance…