23 décembre 2022

Pianomania marathon aux Bouffes du Nord...

Après une première édition particulièrement réussie en 2019, Pianomania est de retour du 18 au 22 novembre 2022. Dans la salle Pleyel, le théâtre Marigny, le théâtre de l'Athénée et le théâtre des Bouffes du Nord, l’affiche est toujours aussi éclectique, de Jamie Cullum à Yaron Herman, en passant par Paul Lay, Bojan Z, Eric Legnini, Gonzalo Rubalcaba… pour n’en citer que quelques-uns !

Le 20 novembre, Laurent de Wilde succède à Baptiste Trotignon pour la programmation du Jour et de la Nuit du Piano aux Bouffes du Nord. De onze heures à vingt-trois heures, treize pianistes se succèdent sur scène : la matinée voit défiler Edouard Ferlet, Leïla Olivesi, Benjamin Moussay et Cheick Tidiane Seck. A partir de quinze heures, c’est Giovanni Mirabassi, Christophe Chassol, Pierre de Bethmann, Mario Canonge, Clelya Abraham et Bernard Lubat qui se relaient. Le concert de vingt heures se déroule en deux parties : d’abord Grégory Privat, puis un duo entre Wilde et Alain Jean-Marie, qui remplace au pied levé Ray Lema, indisponible pour raison de santé. L’acoustique limpide de ce beau théâtre sert à merveille les deux Steinway & Sons D 274 fournis par Quintessence, et que Bastien Herbin ne cesse de bichonner, tout au long de la journée.

Laurent de Wilde - Pianomania - 20 novembre 2022 © PLM


Edouard Ferlet

C’est un plaisir de retrouver Ferlet au programme du Jour et de la Nuit du Piano. L’artiste propose Pianoïd, projet créé en 2015 aux Bouffes du Nord dans le cadre du festival Beyond My Piano. Pianoïd, c’est un piano Silent, un Disklavier, système de piano mécanique automatisé conçu par Yamaha en 1987, et un contrôleur MIDI pour que le musicien puisse orchestrer sa musique. Ferlet prépare également ses pianos à l’aide de réglettes, de pinces et de ficelles, qu’il glisse entre les cordes et dans la table d’harmonie pour en sortir des sons inouïs. En vrai synesthète, au gré des morceaux, Ferlet change la couleur de la guirlande de LED qui illumine le Disklavier…

Edouard Ferlet - Pianomania - 20 novembre 2022 © PLM

Ferlet utilise principalement le Disklavier comme instrument rythmique avec des ostinatos, des courts motifs récurrents (« Sundog », hommage à Moondog), des boucles évolutives à la manière des minimalistes américains (« Rockomotive ») ou des leitmotiv énergiques auxquels répond le piano du tac au tac (« Chi »). Fidèle à lui-même, Ferlet soigne ses mélodies (« Skin »), garde un esprit ludique (« Chi »), reprend les rythmes du Disklavier aux mailloches dans son piano et installe des dialogues plein de verve avec son partenaire mécanique…

Pianoïd navigue entre jazz (« Skin »), blues (« Sundog »), musique électronique (« Prelude n°1 in A minor »), école répétitive (« Rockomotive »)… et, bien sûr, les contrepoints de Johann Sebastian Bach qui ne sont jamais très loin. Un set joueur et réjouissant !


Leïla Olivesi

Il est rare de pouvoir écouter Olivesi en solo ! La pianiste est plutôt connue avec son nonet (Astral, Suite Andamane), ses quintet (Frida, L’étrange fleur, Tiy) et son quartet (Utopia).

Leïla Olivesi - Pianomania - 20 novembre 2022 © PLM

Grande admiratrice de Duke Ellington, Olivesi commence le concert par « Prelude To a Kiss », déjà au répertoire de Tiy. La pianiste dédie ce morceau à Peter Brook, décédé en juillet 2022, et à qui elle doit ses premières émotions théâtrales quand elle avait treize ans, lors d’une représentation de La tempête de William Shakespeare… aux Bouffes du Nord ! La mélodie tranquille, agrémentée d’ornementations et traits arpégés, laisse bientôt place à du stride, avec sa pompe et son swing. Tiré de son dernier disque, « Astral » est une ballade aux allures d’étude, dont le balancement n’est pas sans évoquer de loin en loin « African Flower », toujours d’Ellington. En hommage à la pianiste Geri Allen, Olivesi reprend « Drummer’s
Song », d’abord porté par des envolées vives appuyées sur un ostinato, puis développé dans une veine musique contemporaine. Pour rester dans le monde des femmes pianistes, elle continue avec « Scorpio », composition de Mary Lou Williams traitée en zig-zag, avec des changements rythmiques qui débouchent sur un accompagnement de boogie-woogie. « Missing CC », à la mémoire de Claude Carrière, autre grand « Ellingtomane », disparu en 2021, se partage entre stride, ambiance des îles et ode majestueuse. Olivesi termine son set avec « Con Alma », tiré d’Utopia, qui passe des vagues debussystes à des phrases méditatives, avant de se conclure par un swing entraînant.

La musique d’Olivesi panache avec élégance modernité mélodique et rythmique swing.


Benjamin Moussay

Aux claviers ou au piano, dans un environnement électrique ou acoustique, que ce soit du jazz contemporain ou du jazz rock progressif, avec ses trios ou dans les formations de Louis Sclavis, Bernard Struber, Sylvain Cathala, Airelle BessonMoussay nage comme un poisson dans tous les océans !

Benjamin Moussay - Pianomania - 20 novembre 2022 © PLM

Le Jour et la Nuit du Piano est l’occasion de partager quelques titres de Promontoire, premier enregistrement en solo de Moussay, sorti chez ECM en 2020. Dès l’entame de « 127 », la puissance du touché et la palette des nuances mettent en relief la magnifique sonorité du Steinway. Le discours recherché de « Promontoire », avec ses échanges astucieux entre main droite et main gauche, révèle un sens mélodique manifeste. Le caractère cinématographique de « Horses », accentué par des variations de volume sonore, fait ressortir la cohérence des développements. Plus introspectif et mélancolique, « Villefranque » évolue lentement, bercé par des phrases subtiles. Changement de décor avec « Don’t Look Down » : un motif ultra-rapide et un accompagnement minimaliste forment des boucles, dans une atmosphère de musique contemporaine percussive. « Haka », composé pour le spectacle La montagne du Collectif Bonheur Intérieur Brut, tourne autour d’une belle mélodie, qui ressemble également à une bande originale de film.


Beaucoup d’idées, d’intensité et d’émotions : un superbe duo entre Moussay et son piano !


Cheick Tidiane Seck

Avant d’être l’un des piliers de la scène world music (Mandingroove – 2003) et de réaliser des disques avec Hank Jones (Sarala – 1995) ou Dee Dee Bridgewater (Red Earth – 2007), Seck s’est formé à Bamako dans les années 70, a fait le métier à Abidjan jusqu’au milieu des années 80, puis s’est installé à Paris en 1985 pour jouer avec Salif Keita. Depuis, il se partage entre la France, le Mali et les Etats-Unis…

Cheick Tidiane Seck - Pianomania - 20 novembre 2022 © PLM

Au répertoire de Seck, des morceaux de Kelena Fôly, qui sort le 18 novembre 2022 chez Komos Jazz. Dans « Kana Kassi », les longues lignes rapides, staccato et aigües rappellent la kora et les vocalises ont des accents bluesy. Seck a un jeu très rythmique avec des motifs de basse minimalistes et récurrents, sur lesquels se déroulent des mélodies touchantes, comme celle de « Lambé ». « Aimé Césaire », hommage au Poète de la Négritude, écrit pour les cent-vingt ans de l’abolition de l’esclavage, est aussi un jeu de mots espiègle avec « aimez ces airs »… Sur un thème lancinant aux teintes bluesy, Seck déclame « Le souffle des ancêtres », poème de Birago Diop (Leurres et lueurs) :

« Ecoute plus souvent
Les choses que les êtres,
La voix du feu s'entend,
Entends la voix de l'eau.
Ecoute dans le vent
Le buisson en sanglot :
C'est le souffle des ancêtres… »


Dédié à Joe Zawinul, Hank Jones, Randy Weston, Ornette Coleman, Manu Dibango, Tony Allen… autant de musiciens qui ont compté dans sa vie, l’émouvant « Motherless Child » démarre par un blues typique. Seck achève son tour de chant avec un « Niger River » aux allures de berceuse.

Aux confins du jazz, de la tradition mandingue et du blues, la musique de Seck est à la fois énergique et mélodieuse, entraînante et captivante.


Giovanni Mirabassi

Mirabassi n’a pas vingt ans quand il accompagne Chet Baker ou Steve Grossman… et à peine vingt-deux quand il s’installe à Paris. Depuis, le pianiste transalpin multiplie les projets en trio, en solo ou en quartet, avec moult chanteuses et chanteurs, sur des thématiques qui vont des chants révolutionnaires à la musique classique, en passant par les chansons à texte, le Real Book ou ses propres compositions.

Giovanni Mirabassi - Pianomania - 20 novembre 2022 © PLM

Lors du confinement, Mirabassi a voulu garder des liens avec son public et lui a proposé de lui faire parvenir des « pensées isolées » sous forme de textes, dessins, photos… sur lesquelles il a improvisé. De là est né Pensieri Isolati, projet qui a fait l’objet d’un spectacle audio-visuel,

avec une création du vidéaste Malo Lacroix, et d’un disque, sorti le 24 septembre 2021 chez Jazz Eleven. Mirabassi joue des pièces de Pensieri Isolati et « Le chant des partisans », morceau fétiche, notamment enregistré dans Avanti! (2000). Ses longues phrases rubato, délicates ou foisonnantes, superposées ou légèrement décalées, fleurent bon le romantisme. Quelques touches pop et un swing subtil rappellent que le jazz n’est jamais bien loin…

Des pensées isolées de Mirabassi se dégage le parfum mélancolique d’« un peu de beauté qu’il a trouvé autour de lui et qu’il souhaite partager avec d’autres… »


Christophe Chassol

Christophe Chassol - Pianomania
20 novembre 2022 © PLM
De formation plutôt classique – Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris et Berklee College of Music – Chassol a définitivement balayé les frontières musicales : classique, musique contemporaine, jazz, variété, cinéma, musiques du monde, télévision, publicité… rien qui ne fasse partie de son monde, comme il le démontre pendant sa chronique hebdomadaire sur France Musique.

Chassol anime son concert un peu comme une chronique en joignant la parole au geste. Il explique ce qu’il joue – « Sol bémol… Fa dièse… » –, devise avec le public – « j’aime bien les grilles d’accords » –, chante les notes de ses lignes mélodiques ou siffle les trilles d’un merle. Le premier morceau s’apparente à une étude : sur une pédale en Sol bémol, Chassol s’amuse à descendre la gamme, introduit des boucles, esquisse un motif mélodique, puis prend un malin plaisir à introduire des ruptures rythmiques. « NOLA Chérie », musique du film éponyme que Chassol a publié en 2011, s’articule autour d’une suite d’accords à partir d’un La bémol, de multiples variations rythmiques et d’une ligne mélodique prétexte. Quant à « Big Sun », morceau-titre d’un disque sorti en 2015, il flirte avec la musique contemporaine, tout en gardant des progressions rythmiques et un phrasé plutôt jazz.

Ludiques, expressifs et surprenants, les solos de Chassol rivalisent d’ingéniosité.


Pierre de Bethmann

Pierre de Bethmann - Pianomania
20 novembre 2022 © PLM
A l’orée des années 90, après des études commerciales, Bethmann s’oriente vers le piano jazz et part étudier à la Berklee School of Music de Boston. De retour en Europe, il monte des groupes phares des années 1990 et 2000 – le trio Prysm, l’Ilium quintet, le Medium ensemble – et participe à de multiples formations.

Chez Hélène Dumez, à Marseille, quatorze artistes ont enregistré des albums en piano solo, tous édités sur le label maison, Paradis Improvisé. Même s’il trouve que le solo s’apparente à un « exercice d’équilibriste », Bethmann (comme Jean-Marie et Privat) a fait partie des heureux élus, et sorti Chaud-froid le 21 octobre 2022. Le morceau-titre, à la fois savant et pétillant, lorgne vers l’abstraction de la musique contemporaine. Avec ses phrases heurtées, ses dissonances, ses brisures rythmiques… « Temps dense » a des côtés monkiens. Cynthia Abraham rejoint le pianiste pour les deux derniers morceaux. Les vocalises claires et puissantes se mêlent aux lignes en pointillés du piano et donnent à « Knab » une allure de Lied, presque romantique. La mélodie de « Vanités » s’inscrit dans la lignée des airs du début vingtième, avec une montée en tension palpable dans le dialogue imposant entre la voix et le piano.

Cynthia Abraham - Pianomania - 20 novembre 2022 © PLM

La musique de Bethmann est spirituelle à tous les sens du terme – fine, créative, éthérée – et Abraham y apporte une touche solaire !



Mario Canonge

Canonge commence par la musique latine, puis fonde le groupe de jazz-rock Ultramarine, avec Nguyen lê. Se partageant entre la musique caribéenne, la variété et le jazz, Canonge écume le monde. Depuis une dizaine d’années, en compagnie de son alter ego, le contrebassiste Michel Zenino, il est en résidence permanente au Baiser Salé, tous les mercredis.

Mario Canonge - Pianomania - 20 novembre 2022 © PLM

Canonge reprend des morceaux de Mitan (2011) et de Zouk Out (2018). « A fleur de terre » tournoie, emportée par une mélodie dansante et un accompagnement rythmique entraînant. Même ambiance des îles pour « Half Way There », avec une densité rythmique qui ne se dément pas. Hommage à l’écrivain Léon-Gontran Damas, « Les trois fleuves » draine swing et nostalgie, avec vigueur ! Edouard Glissant, autre figure marquante de la littérature créole, se voit dédié « Poésie du chaos ». La jolie valse est pimentée de clins d’yeux be-bop, stride, blues… Canonge continue le bal avec « Entre la Pelée et l’Ararat », danse luxuriante et irrésistible qui clôture le set.



Canonge allie musicalité, pulsation et puissance : tous les ingrédients d’une musique excitante !


Clelya Abraham

Abraham débute par le violon, avant de passer au piano et de rejoindre le Centre des Musiques Didier Lockwood. Elle trouve sa voie aux côtés de Maë Defays, Teddy Sorres, Ora Project… et monte un quartet avec Tilo Bertholo à la batterie, Samuel F’Hima à la contrebasse et Antonin Fresson à la guitare, puis Abraham Réunion avec son frère Zacharie à la contrebasse, et sa sœur Cynthia au chant et à la flûte.

Clelya Abraham - Pianomania - 20 novembre 2022 © PLM

Abraham joue des morceaux de La source, album enregistré avec son quartet et sorti en février 2022. Le morceau éponyme est une mélodie sobre, à la manière d’une comptine, sur

un rythme chaloupé. Comme il se doit, le thème-riff de « Padjanbel », un rythme guadeloupéen, est vif et touffu. Inspiré par Canonge, « Ritournelle » alterne passages dansants et traits mélodiques simples. Sur des accords rythmiques puissants, « Hurricane » se développe furieusement. Composé il y a deux semaines, le dénommé (par intérim) « Balance » ressemble à une ballade impressionniste. Une autre composition inédite – pour le prochain disque ? – revient à une ambiance dansante énergisante. Abraham conclut son set avec « M.A. Style » et ses accords trapus.

Dans une veine entraînante, Abraham s’approprie la tradition musicale créole en y mettant sa touche mélodique personnelle.


Bernard Lubat

Des conservatoires à Uzeste, des bals aux salles de concerts, de la variété à la musique contemporaine, de la poésie au cinéma, des percussions à l’accordéon… le voyage de Lubat est tout sauf une sinécure !

Bernard Lubat - Pianomania - 20 novembre 2022 © PLM

« Autumn Leaves » est une véritable partie de rugby : placages brutaux d’accords, mêlée violente de clusters, courses-poursuites haletantes d’arpèges, séquences bondissantes de croches, percussions explosives de notes… jusqu’à aplatir le thème dans l’en-but, tout en douceur ! Après un coup félon sur le piano, le deuxième thème commence par un mouvement mélodieux sur une pédale, bifurque vers la musique contemporaine, avant de revenir à une walking rapide et des phrases galopantes, parsemées d’accents bluesy. Lubat enchaîne d’ailleurs sur un blues, passe à du slam – « Question… Ecoute… Je sais plus où ça commence… La musique… » – puis s’en va…

Toujours imposante, la musique de Lubat ne peut laisser indifférente…


Grégory Privat

Privat se partage d’abord entre ses études d’ingénieur et le piano, mais c’est finalement la musique qui l’emporte ! Après avoir joué avec le groupe TrioKa et rencontré des musiciens tels que Sonny Troupé, Guillaume Perret, Jaccques Schwarz-Bart… les albums se succèdent : Ki Koté (2011), puis Tales of Cyparis (2013), Luminescence (2015), Family Tree (2016) et Soley (2019).

Grégory Privat - Pianomania - 20 novembre 2022 © PLM

En janvier 2022, Privat sort Yonn, en solo, et il joue cinq des onze morceaux du disque. Mélodie aux contours sentimentaux, « Respire » se déroule par vagues de boucles sur un ostinato et des envolées virevoltantes. « L’horloge créole » diffuse une nostalgie quasiment

romantique. La berceuse « Pas pléré » se balance doucement au gré d’un phrasé précis et tout en nuances. Entraînant, « Song For Jojo » est davantage marqué par la musique créole. Privat fait monter la tension avec une main droite démonstrative et une main gauche minimaliste et vigoureuse. Le thème-riff du « Chapelier » est astucieusement imbriqué dans le développement du morceau et, pour finir, le pianiste le fait chanter par le public, puis s’amuse : il accompagne rythmiquement le chœur, esquisse des pas de danse, grogne de plaisir, court jouer sur le deuxième Steinway…

Des mélodies raffinées et des développements exubérants, servis par un touché net et ferme : Privat propose une musique alléchante !


Laurent de Wilde et Alain Jean-Marie

Pour conclure le Jour et la Nuit du Piano, Wilde et Jean-Marie dialoguent sur deux Steinway placés tête-bêche. Quand une légende du piano, qui joue depuis plus de soixante ans dans tous les styles et toutes les configurations, rencontre un musicien, philosophe, écrivain, animateur radio et fou de sons, le résultat ne peut qu’être détonnant !

Alain Jean-Marie et Laurent de Wilde - Pianomania - 20 novembre 2022 © PLM

Pour se chauffer, le duo commence par le standard « On a Green Dolphin Street », interprété dans une veine be-bop, avec un piano mélodique et l’autre rythmique. Même approche dans « Blues on The Corner », thème de McCoy Tyner : pendant qu’un piano maintient la carrure, avec un passage en walking, l’autre développe ses idées, toujours dans un esprit bop. Wilde dédie le « Pannonica », de Thelonious Monk, à sa fille, présente dans la salle et elle-même
prénommée Pannonica… La mise en place s’affermit et les interactions se font plus subtiles, avec des accords ou motifs pour souligner les phrases du compères. La « Fleurette africaine » de Duke Ellington donne l’occasion à Wilde de jouer du balafon ! Enfin, plutôt de sonner comme ce vénérable ancêtre du jazz, comme le décrit, grosso modo, André Schaeffner... grâce à de la Patafix ! Jean-Marie badine avec le thème, sans oublier quelques notes bleues, supporté par un riff entraînant de Wilde. Sur le standard « Autumn in New-York », les deux pianos distillent un swing contagieux, toujours dans une lignée plutôt bop. « I Miss You Dad », signé Wilde, se développe paisiblement à partir d’une mélodie tranquille et les deux pianos se soutiennent mutuellement avec à-propos. Retour à Monk : après l’exposition touffue d’« Epistrophy », le morceau swingue avec force, porté par une walking bop ou une pompe stride. Le rappel laisse place à de belles variations, denses, touffues et teintées de blues.

Quand bien même nous risquons une « Intoxication pianomentaire », comme nous prévient Wilde, impossible de bouder son plaisir !


Rien à rajouter : le Jour et la Nuit du piano est une splendide initiative... Salutaire !