Le 28 avril, MichaelWollny se produit avec son trio sur la scène du Goethe Institut à Paris
devant une salle archi-comble. Le public rassemble aussi bien des amateurs et des
journalistes, que des étudiants, des habitués de l’institut, des familles, des
lauréats d’un concours radiophonique, un groupe d’anciens d’HEC… L’audience est
pour le moins hétéroclite, fait plutôt rare dans le microcosme du jazz, mais c’est
tant mieux !
Wollny est accompagné de ses compères habituels : Christian Weber à la contrebasse et Eric Schaefer à la batterie. Le trio
interprète principalement le répertoire de Nachtfahrten,
sorti en octobre 2015 chez ACT.
Le disque met en relief une forme de lyrisme esthète à
tendance minimaliste, sans doute accentuée par la prise de son élégante et la
brièveté des morceaux (autour de trois minutes). « Questions In A World Of
Blue », qui ouvre la soirée, et « Nachtfahrten », qui la
conclut, sont sans doute les deux morceaux les plus proches des versions du
disque. Mais, en concert, Wollny, Weber et Schaefer enchaînent les thèmes en
glissant sur des transitions inventives, laissent éclater l’éclectisme de leur
jeu et développent leurs discours sans contrainte.
Les grandes caractéristiques de Nachtfahrten sont évidemment présentes : introductions
rythmiques, pédales et ostinatos, motifs de basse puissants, batterie éloquente,
mélodies finement ciselées, touches romantiques ou contemporaines… sans oublier
les accents folk et pop qui émaillent le jeu du pianiste. Cela dit, les thèmes
servent avant tout de prétextes à des digressions tous azimuts. Le trio n’hésite
pas à lâcher prise pour plonger dans des envolées free ou bruitistes, portées
par l’archet de Weber, les percussions de Schaefer et les cordes du piano de
Wollny (sur lesquelles il met, par exemple, des verres à pied pour obtenir un
son qui ressemble un peu à celui d’une épinette). Ils partent aussi dans des embardées
déchaînées : le pianiste plaque des clusters avec ses avant-bras, la
contrebasse rugit et la batterie explose dans un martèlement frénétique de
tambours et de cymbales. Mais le trio ne rechigne pas non plus à jouer une
walking et un chabada dans la pure tradition bop, qui, il est vrai, part rapidement
dans une cavalcade effrénée… Ou encore, des passages binaires entraînants, pimentés
de traits bluesy.
Wollny, Weber et Schaeffer s’observent, s’écoutent,
rebondissent sur les idées des uns et des autres, font circuler la musique et se
donnent à fond. Le résultat est là : la musique est intense, tendue,
vivante, originale…