Wadada Leo Smith
et Vijay Iyer se retrouvent pour
enregistrer A Cosmic Rhythm With Each
Stroke, qui sort sur ECM en mars 2016. Smith n’est pas un pilier du label
munichois, mais il y a quand même publié Divine
Love avec son sextet, en 1978, et Kulture
Jazz, un solo, en 1993. Quant à Iyer, il a enregistré Far Side, en 2010, au sein de The Note Factory de Roscoe Mitchell, avant de rejoindre ECM
sous son nom en 2014, accompagné d’un quatuor à cordes pour Mutations, puis, l’année suivante, en
trio pour Break Stuff.
Le répertoire de l’album s’articule autour d’une suite en
sept mouvements dédicacée à l’artiste indienne Nasreen Mohamedi, dont une œuvre orne la pochette du disque. La
suite « A Cosmic Rhythm With Each Stroke », signée Smith et Iyer, est
encadrée d’un morceau d’Iyer, « Passage », et d’un thème de Smith,
« Marian Anderson », hommage à la célèbre contralto, qui fut la
première afro-américaine à chanter au Metropolitan Opera.
Depuis Louis Armstrong
et Earl Hines ou Oscar Peterson et Harry Edison, Roy Eldridge,
Jon Faddis, Dizzy Gillespie ou Clark
Terry, le duo trompette – piano n’est plus vraiment une rareté. Si Smith
s’en tient à sa trompette, Iyer ajoute au piano, des passages au Fender Rhodes
et des effets électroniques.
Entre l’Association for the Advancement of Creative
Musicians, le Golden Quartet, Organic, Silver Orchestra… pour Smith et Steve Coleman, Mike Ladd, Burnt Sugar… pour Iyer, nous avons à faire à deux
musiciens férus d’aventures ! La sonorité feutrée, les phrases aériennes, les
motifs minimalistes et la place du silence chez Smith rappellent évidemment Miles Davis. Avec ses alternances de
lignes fluides et de traits heurtés, ses clusters, ses ostinatos, ses notes
éparses… le jeu d’Iyer penche clairement vers la musique contemporaine.
Le duo s’inscrit dans la tradition free – cris, souffles,
crépitements, cordes, jeu étendu… –, mais s’appuie sur des thèmes élégants
(« Passage », « Notes On Water »), voire poignants
(« Marian Anderson »), qu’il fait monter en tension (« All
Becomes Alive ») à coup de questions-réponses concises (« A Cold
Fire »), d’échanges d’une gravité imposante (« Uncut Emeralds »)
ou d’un lyrisme sévère (« A Divine Courage »). Smith et Iyer ne se précipitent
jamais – la sobriété du trompettiste y est pour beaucoup – s’écoutent
attentivement et leurs dialogues sont souvent brillants
(« Labyrinthe »).
Subtil assemblage de jazz et de musique contemporaine, A Cosmic Rhythm With Each Stroke est
une discussion intime et émouvante entre un duo fusionnel moderne.