Dans le cadre de
Sorano Jazz, après le trio de Michel Portal, sur scène le 13 octobre 2016,
Vincent Bessière a programmé le Steve Lehman Octet, le 5 novembre.
Formé à l’aulne du free – Anthony Braxton –, de la musique contemporaine – Alvin Lucier, Tristan Murail… –, mais aussi d’un jazz mainstream – Jackie McLean –, le saxophoniste alto
newyorkais, Lehman est passé par la Wesleyan University, Columbia et le CNSMDP !
En dehors de sa participation aux formations de Braxton, Vijay Iyer, Jason Moran,
Meshell Ndegeocello… Lehman a monté
ses propres projets, en solo, en trio et en octet.
Le Steve Lehman Octet existe depuis un peu moins d’une
dizaine d’années et compte deux disques à son actif : Travail, Transformation & Flow (2009) et Mise en Abîme (2014). A l’exception de Cody Brown qui remplace Tyshawn
Sorey à la batterie pour le concert de l’Espace Sorano, les membres de
l’octet sont inchangés depuis son démarrage : Jonathan Finlayson à la trompette, Tim Albright au trombone, Mark
Shim au saxophone ténor, José Davila
au tuba, Chris Dingman au vibraphone,
Drew Gress à la contrebasse et,
donc, Brown à la batterie.
En cinquante minutes de concert, Lehman et son octet jouent
neuf compositions, y compris le rappel. Démarrages brutaux, développements tendus
sur un socle rythmique dense et conclusions abruptes : les morceaux sont carrés
et compacts. La texture sonore repose sur une opposition entre la section
rythmique sourde, le son brillant des soufflants et la sonorité cristalline du vibraphone.
Les lignes de basse particulièrement graves de Gress trouvent du renfort dans les
motifs épais de Davila et dans les frappes puissantes et touffues de Brown. La
contrebasse, le tuba et la batterie grondent de bout en bout et maintiennent sous
pression les vents, tandis que le vibraphone égrène ses notes argentines. Les
pédales et contrechants heurtés des bois et cuivres, les mélodies dissonantes,
les dialogues foisonnants, les effets sonores et les chorus nerveux s’inscrivent
dans une lignée free contemporain (pas si éloignée de Braxton), toujours portée
par une rythmique robuste et entraînante.
Résolument moderne, la musique de Lehman et de son octet s’appuie
sur une mise en place jazz pour soutenir un discours sophistiqué, une sorte d’abstraction
expressive…