27 novembre 2016

Tandem au New Morning

Vincent Peirani et Michael Wollny ne sont plus à présenter. Ils se sont rencontrés en 2012 au New Morning, lors de la soirée des vingt ans du label Act. L’année d’après, l‘accordéoniste invite le pianiste pour l’enregistrement de Thrill Box, en trio avec Michel Benita à la basse.


Après avoir poursuivi leur chemin chacun de leur côté, avec le succès que nous leur connaissons, Peirani et Wollny ont décidé de recroiser leurs touches. A l’occasion de la sortie de Tandem chez Act, en septembre 2016, le duo part en tournée et se produit le 6 novembre au New Morning.

Le répertoire du concert reprend sept des dix morceaux de Tandem, plus « I Mean You » de Thelonious Monk, « Trois temps pour Michel P », un hommage à Michel Portal signé Peirani et « The Kiss », de la chanteuse Judee Sill, dédié à Michel Benita. Le duo commence par enchaîner « Song Yet Untitled » d’Andreas Schaerer, fondateur de l’orchestre déjanté Hildegard Lernt Fliegen, et « Hunter » de Björk. Le piano et l’accordéon sont sombres et lyriques à souhait, avec moult effets, l’un sur les cordes, l’autre avec le soufflet. L’ « Adagio For String » de Samuel Barber s’enfonce dans un romantisme émaillé de contrepoints, de riffs et de boucles marqués par le free. « Did You Say Rotenberg? », hommage à Lionel et Béatrice Rotenberg, mélomanes avertis et supporters de Peirani dès les premières heures, part d’une belle mélodie, soutenue par un piano puissant, et débouche sur des questions – réponses vives et touffues, dans une veine « vingtiémiste ». Wollny s’empare de « I Mean You » dans un style stride virtuose, puis Peirani lui emboîte le pas pour un dialogue ludique, très Erik Satie. Les notes crépitent et les deux artistes intègrent constamment des éléments rythmiques. Comme Wollny trouve que l’accordéon a des points communs avec l’orgue, le duo interprète « Sirènes », un morceau qu’il a composé par le pianiste pour un quartet piano – trombone – batterie – orgue d’église. Les femmes-poissons de Wollny sont graves et majestueuses, avec un brin de mélancolie ! « Uniskate », pour Youn (Sun Nah) is Kate (Bush), mélange incantation et folk. Peirani passe à l’accordina pour « Vignette », un thème de Gary Peacock. Toujours rythmé, le morceau est tendu et moderne. Energique, dansante et expressive, la valse « Trois temps pour Michel P » lorgne de nouveau vers les bastringues et Peirani accompagne l’accordéon avec des vocalises à l’unisson. Pour le premier rappel, le duo joue « Travesuras » du guitariste argentin de tango-rock, Tomás Gubitsch, encore un morceau entraînant et nerveux avec, toujours, des lignes mélodieuses en filigrane. Quant à « The Kiss », Peirani et Wollny l’interprètent plutôt fidèlement.

L’esprit général de Tandem sur disque reste évidemment dans la lignée du concert, mais la clarté de la prise de son et le mixage léché rapprochent encore un peu plus les dialogues du duo de la musique classique. Il y a moins d’emballement rythmique qu’au New Morning. « Bells », un thème de Wollny, et « Fourth of July », du chanteur folk Sufjan Stevens, figurent sur le disque, mais n’ont pas été joués le 6 novembre. « Bells » commence comme un morceau de musique contemporaine avec des lignes arpégées heurtées du piano sur des notes tenues de l’accordéon, puis la discussion s’anime avec des échanges brefs et dynamiques. « Fourth of July » s’étire langoureusement dans des unissons harmonieux et des contre-chants délicats.

Wollny et Peirani forment un sacré duo : orthodoxes et modernes, structurés et libres, sophistiqués et populaires, lyriques et rythmiques… Leur piano et accordéon s’accordent parfaitement !