En 2007 Ghali Hadefi
monte le projet Selmer #607. Son but : demander à cinq guitaristes de jazz
manouche de jouer trois à quatre titres sur la même guitare, une Selmer #607,
construite en septembre 1946 sur le modèle de la Selmer #503 de Django Reinhardt.
Le premier disque sort en 2008 avec Sébastien Giniaux, Rocky
Gresset, Richard Manetti, Adrien Moignard, et Noé Reinhardt à la Selmer #607. Les
solistes sont accompagnés par Hadefi et David
Gastine aux guitares rythmiques, et Jérémie
Arranger à la contrebasse. Les guitaristes Nicolas Blampain et Benoit
Convert, ainsi que le violoniste Guillaume
Singer sont également invités sur quelques plages. En 2010, le collectif
sort un deuxième volume. Gresset est remplacé par Convert. Une pléthore d’invités
se joignent à l’enregistrement : Blampain et Singer, bien sûr, mais aussi David Enhco (bugle), Pounky Ferret (guitare), Pierre Manetti (guitare), Costel Nitescu (violon), Jérôme Regard (contrebasse) et Stochelo Rosenberg (guitare). En 2016
Hadefi et ses compagnons créent la Selmer #607 School pour apprendre à jouer de
la guitare manouche.
Anniversary Songs,
le troisième volume de Selmer #607, hommage aux soixante-dix ans de la
guitare-fétiche, sort en février 2017 chez Cristal Records. Comme les
précédents volumes, Anniversary Songs
a été enregistré au Studio LDC de Montreuil par André Baille Barrelle. Gresset est de retour et Antoine Boyer remplace Richard Manetti.
La section rythmique est inchangée. Le contrebassiste William Brunard remplace Arranger sur cinq morceaux et apporte un titre,
« Forbach ». Moignard a choisi « Diminushing » de Reinhardt
et « Forbach ». En duo avec Boyer, il interprète également « La
bicyclette » de Francis Lai, dédié
au guitariste Roland Dyens, décédé
en octobre 2016. Boyer joue aussi « Vamp » de Reinhardt et une « Exploration
N°3 » de son cru. Giniaux relit « Airegin » de Sonny Rollins et « Le
déserteur » de Boris Vian et Harold B. Berg. Reinhardt a opté pour « All
The Things You Are », le saucisson de Jerome
Kern et d’Oscar Hammerstein II,
et « Chante » de Michel Fugain.
Quant à Gresset, il a sélectionné « Someday My Prince Will Come »,
tube de Larry Morey et Frank Churchill, « Mademoiselle »
d’Henri Salvador et une « Improvisation ».
Dans « Anniversary Songs », du compositeur roumain Iosif Ivanovici, les cinq guitaristes
se partagent à tour de rôle la Selmer.
Côté rythmique, les guitaristes peuvent faire confiance aux traditionnelles
pompes, rapides (« Someday My Prince Will Come »), appuyées (« Mademoiselle »)
et inamovibles (« Anniversary Songs »), et à aux walking, enlevées (« Chante »)
et parsemées de shuffle entraînants (« Vamp »). Les mélodies sont
joliment triturées (« All The Things You Are ») et servent le plus
souvent de prétextes à des développements subtils (« Someday My Prince
Will Come »). Des phrases up tempo constamment mélodieuses sont
entrecoupées d’accords tranchants (« Airegin ») : la virtuosité (« Diminushing »)
n’est pas vainement démonstrative et fait monter la pression (« Forbach »).
Si les cinq guitaristes n’ont rien à prouver, « Anniversary Songs »
permet d’apprécier leur créativité : d’un déroulé gipsy pour Reinhardt aux
envolées aigues de Giniaux, en passant par quelques touches bluesy chez
Moignard, une pointe de lyrisme pour Gresset et des crépitements fluides pour Boyer.
Dans son troisième opus, Selmer #607 propose un jazz
manouche parfaitement exécuté et une thématique hétéroclite, que la sonorité sèche,
métallique et tendue de la célèbre Selmer-Maccaferri sert à merveille.